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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Grenoble, France, avril 2000

Les mots, fauteurs de guerre ou instruments de paix ?

Une Bibliothèque interculturelle pour aider à la réduction des malentendus interculturels et à la construction de la paix.

Mots clefs : Théories de paix

"Ce dont je rêverais, c’est que mes étudiants réalisent un jour une série de petits livres dans lesquels ont verrait comment des Chinois et des Français parlent chacun de leur côté de thèmes universels comme la nature, la mort, la nuit, le rêve...". Ainsi s’exprimait il y a quelques années Mme Yue Dai Yun, directrice de l’Institut de Littérature comparée de l’Université de Pékin, au cours d’une réunion avec des représentants de la Fondation Charles Léopold Mayer (FPH). C’est, entre autres choses, à partir de cette idée qu’ont été organisées, à Nankin puis en région parisienne deux rencontres internationales au cours desquelles éditeurs, universitaires, romanciers, poètes et scientifiques de Chine et d’Occident ont échangé sur leur culture et sur le sens des mots (en se rendant bien compte qu’une fois traduit, un mot n’est pas traduit, et que les contenus que mettent derrière les uns et les autres peuvent varier de manière sensible) et ont mis sur pied une série de projets éditoriaux. Parmi ceux-ci, la collection Proches Lointains éditée presque simultanément en France aux éditions Desclée de Brouwer et à Shanghai par les Presses Artistiques et Littéraires de Shanghai, l’un des plus importants éditeurs chinois. Avec les sept premiers titres parus au cours des six derniers mois 1999 (la nuit, le rêve, la nature, la mort, le goût, la beauté et l’architecture), le rêve de Mme Yue Dai Yun a pris forme et s’est même enrichi : ce sont non seulement des auteurs chinois mais aussi des auteurs français qui s’expriment en leur nom propre sur les thèmes cités, et qui disent comment, dans leur civilisation respective d’autres en ont parlé, et quels mythes, quelles traditions cela évoque.

Autre expérience : en novembre 1999, la FPH a suscité à Johannesburg une réunion d’éditeurs et d’auteurs d’Inde, du Brésil, d’Europe et d’Afrique du Sud. Leur travail : lancer un processus de rédaction d’un ouvrage collectif sur les potentialités des modes de communication modernes (Internet, T.V...) ou plus traditionnels (radio rurale, théâtre populaire...) pour renforcer l’expression citoyenne et la capacité des plus démunis à agir pacifiquement sur la société. L’ouvrage, enrichi des points de vue de quatre cultures très différentes, sera publié en même temps en anglais à Delhi et à Johannesburg, en français à Bruxelles et en portugais à Petropolis (Brésil).

Ces deux exemples illustrent la démarche adoptée depuis quelques années par l’équipe d’animation de la Bibliothèque Interculturelle lancée il y a quelques années à l’initiative de la FPH. Les trois objectifs de la Bibliothèque sont : explorer les possibilités du livre, et, plus généralement de l’écrit comme outil de dialogue entre les civilisations, de formation à l’interculturel et de construction de la paix ; stimuler la réflexion et l’innovation en matière de traduction et d’adaptation d’ouvrages d’un pays à l’autre ; favoriser la constitution d’un réseau international d’éditeurs engagés, désireux de donner à leurs activités éditoriales une dimension interculturelle accrue.

Le premier objectif correspond à une préoccupation croissante chez tous ceux qui s’inquiètent aujourd’hui des effets culturels de la mondialisation : paradoxalement, celle-ci génère de plus en plus de réactions de replis identitaires et de durcissements fondamentalistes qui sont autant de menaces pour la paix. Ouvrir, par le livre, des espaces de rencontre pour des points de vue de cultures différentes n’est certes pas le remède miracle pour conjurer ce type de péril, mais cela peut aider à sensibiliser et à former aux défis de l’interculturel des lecteurs qui, dans leur pays, sont en position de responsabilité

Le deuxième objectif de la Bibliothèque interculturelle est d’aider à la réflexion sur la manière dont les textes sont transmis, traduits et adaptés d’un pays à l’autre. La traduction pure et simple, mot à mot, si rigoureuse et professionnelle qu’elle soit, apparaît de plus en plus mal adaptée aux besoins des lecteurs, au moins dans l’univers des sciences sociales. La traduction peut être pourtant un outil au service non seulement de la réception passive de textes mais aussi un outil pour générer de nouveaux textes.

Enfin, la Bibliothèque a probablement vocation à être intégrée un jour dans un ensemble d’activités plus larges et plus complexes dans le domaine de l’écrit, au sein d’un réseau international d’éditeurs motivés par l’interculturel. D’ores et déjà, des outils sont en cours de constitution pour préparer cette structuration : site Web, rencontres, identification de professionnels, etc. Qui seront les partenaires qui viendront s’ajouter à terme à la quinzaine d’éditeurs qui travaillent déjà dans le cadre de la Bibliothèque ? Des éditeurs engagés, qui entendent publier avant tout des ouvrages ouvrant au débat et éveillant une conscience critique chez leurs lecteurs, et dotés d’un minimum d’autonomie financière et de performances commerciales (pour ne pas se cantonner aux milieux alternatifs et être certain d’une diffusion suffisante). Ce sont également des associations nationales d’éditeurs, et des représentants des professions connexes : bibliothécaires, libraires, diffuseurs, journalistes, etc. Une rencontre fondatrice réunira tous ces professionnels à Alexandrie en 2001, proclamée par les Nations Unies Année internationale pour le dialogue entre les civilisations.

Commentaire :

Dans l’histoire des relations entre la Chine et l’Occident, le dialogue est devenu, au milieu du XIXe siècle, un dialogue de sourds. Faute d’une connaissance réciproque suffisante, le gouvernement impérial a considéré les Européens comme des barbares ou des diables dont-il fallait purger l’Empire et les Européens voyaient la Chine comme un état despotique et décadent qu’il fallait mettre à la raison. A l’ère des traités inégaux et de la confrontation que ces "malentendus" ont favorisé, et dont la situation chinoise a été emblématique, on constate que succède aujourd’hui un fort rapprochement entre l’Orient et l’Occident imposé par le raccourcissement des distances, l’économie, l’information, la culture, la mode, en réalité une mondialisation qui mérite vraiment son nom désormais. S’entendre sur le sens des mots peut contribuer à faire de cette évolution un véritable espoir pour la paix du monde.