Une étude réalisée par des économistes du Fonds monétaire international (FMI), intitulée The Peace Dividend : Military Spending Cuts and Economic growth, examine de manière originale le lien entre la réduction des budgets de défense et la croissance économique.
Il est généralement admis que la réduction des budgets de défense doit assainir l’économie et développer la croissance. Toutefois, selon les auteurs de cette étude, les données empiriques n’ont pas véritablement prouvé cette vision des choses, jusqu’à présent tout au moins. Contre les exemples de l’Allemagne et du Japon - qui confirment le bienfait de la réduction des budgets militaires - certains estiment en effet que de fortes dépenses militaires peuvent aider des pays en voie de développement, en assurant une meilleure stabilité politique et en augmentant le niveau d’éducation et la qualité de la main-d’oeuvre.
A défaut de posséder des données solides, ces économistes ont préféré adopter une nouvelle stratégie : estimer, à partir d’un modèle type de croissance, les effets des dépenses militaires sur la croissance économique dans divers pays. Toujours d’après les auteurs de cette étude, cette approche produit des résultats beaucoup plus tangibles et rigoureux qu’aucun travail effectué précédemment. Les exercices de simulation permettent de mesurer l’impact que peut avoir la réduction des dépenses militaires sur l’économie d’un pays ou d’une région.
Le problème principal auquel sont confrontés les chercheurs est de distinguer avec précision les effets à long terme des effets à court terme. A court terme, les chiffres indiquent que l’accroissement des dépenses militaires peut entraîner une croissance de certains secteurs de l’économie alors que rien ne semble indiquer qu’un tel effet soit possible à long terme. A long terme, l’accroissement des dépenses militaires freine l’investissement en capital fixe productif car il entraîne une augmentation des impôts ou des emprunts.
Prenant pour base le rapport entre la baisse des dépenses militaires et le produit intérieur brut pendant les années 1980 dans différentes régions du monde, les chercheurs du FMI ont effectué des simulations de dépenses militaires sur le long terme, contournant ainsi l’obstacle causé par la confusion entre des chiffres sur les effets à court et long termes parfois conflictuels.
Les résultats de ces simulations sont probants. Le premier type de simulation projette une réduction des dépenses militaires au taux des années 1986-1990. Les effets sur la croissance annuelle sont modestes mais durables. A long terme, ces changements, s’il sont maintenus, ont un effet important sur le niveau de production à pleine capacité (par exemple : un accroissement de 3% de la production à pleine capacité par habitant en Afrique du Nord par rapport au maintien des dépenses militaires sur une période de dix ans; 16% sur une période de plus de cinquante ans).
paroxysme : la paix globale, et posent les questions suivantes : de quel ordre serait alors la réduction des dépenses militaires et quels seraient la nature et le degré des effets de ces réductions sur la croissance économique ? Sur dix ans, la réduction des budgets militaires atteint pour l’ensemble du monde un niveau équivalent à celui - réel - des pays en voie de développement aujourd’hui, soit environ 2% du PIB ou même un peu moins. A titre de comparaison, l’Afrique du Nord subirait alors un accroissement du niveau de production à pleine capacité par habitant de 4% sur dix ans et de 40% sur une période de plus de cinquante ans.
Encore une fois, les résultats sont très positifs, pour l’ensemble des régions, surtout celles qui maintiennent actuellement un niveau de dépenses militaires élevé et qui seraient les plus grandes bénéficiaires d’une réduction générale des budgets militaires découlant d’un environnement pacifique et stable.
Pour les auteurs de cette étude, il n’y a aucun doute: la réduction des budgets militaires ne peut qu’avoir des conséquences positives au niveau de la croissance économique, dans toutes les régions du monde. Pour conclure, ils s’estiment même trop prudents, la réalité pouvant fort bien dépasser les résultats de ces simulations.
COMMENTAIRE :
Cette étude est porteuse d’espoir même si ses conclusions ne sont guère surprenantes. Elle est importante sur plusieurs plans. D’abord, elle opère une percée méthodologique qui marque un progrès conséquent par rapport aux autres méthodes utilisées précédemment pour mesurer les effets des réductions de dépenses militaires. Ensuite, il est de bon augure qu’une institution aussi influente que le FMI s’intéresse à ce genre de problèmes. Enfin, le discours économique est souvent plus porteur chez les politiques que l’éthique et a l’avantage de posséder un langage quasi-universel.
Au niveau des résultats, le premier type de simulation est encourageant, d’autant qu’il se fonde sur des chiffres réels. Le deuxième type de simulation relève d’une certaine subjectivité que l’on pourrait qualifier d’utopique. Mais que la paix globale soit réalisée dans les décennies à venir ou pas n’est pas fondamental ici. Plus important est le fait que les résultats de cette étude établissent une norme, qui ne sera peut-être pas atteinte dans la réalité, mais qui n’en représente pas moins un objectif que peuvent se fixer ensemble la communauté des Etats. Le fait qu’un tel objectif puisse être défini de manière concrète ne peut qu’encourager les Etats à réduire graduellement leurs budgets militaires.
NOTES :
The peace dividend : military spending cuts and economic growth, Malcolm KNIGHT, Norman LOAYZA, Delano VILLANUEVA, 1995.