José Pablo Batista, Guatemala, mars 2004
Le défi de la gestion de la violence en Amérique centrale au XXIe siècle
Après avoir traversé des années de guerre civile, l’Amérique centrale a réussi à arrêter les affrontements armés à la fin du XXe siècle : le Guatemala, où le conflit a été déclenché, a été le dernier pays à signer des accords de paix, en décembre 1996.
Si le premier défi de la pacification de l’Amérique centrale concernant le cessez-le-feu a été réussi, le deuxième défi concernant la pacification des rapports sociaux est encore en chantier face aux nouvelles formes de violence. Parmi ces formes nouvelles de violence, l’une d’entre elles permet de montrer l’importance d’un grand défi : celui de savoir gérer la violence au sein des sociétés.
Concernant, donc, les nouvelles formes de violence. Le processus d’Esquipulas prévoyait la réinsertion sociale des forces irrégulières armées ainsi que la réduction des effectifs des armées. Il a fallu d’abord promulguer une loi d’amnistie pour les combattants de toutes les tendances. Les Contras nicaraguayens ont intégré le parti UNO, le FMLN salvadorien est devenu parti politique tout comme l’URNG guatémaltèque. Mais les lendemains du désarmement de ces groupements ne furent pas aussi simples. La réinsertion n’a pas réussi au mieux et, par la suite, tous ces hommes qui savaient uniquement faire la guerre se sont trouvés sans avenir, à la rue. Ils continuèrent à « exercer leur métier » : la violence. Des armées privées de narco-trafiquants, des milices au service de grands propriétaires, des bandes de délinquants se sont ainsi organisées. Celles-ci sont venues nourrir les pratiques de recours à la violence développées au sein de la société civile pendant des années d’affrontements armés. Une grande partie de l’insécurité et de la délinquance qui traverse l’Amérique centrale provient de cette culture de la violence nourrie par l’arrivée de ces gens au chômage et armés. L’Amérique centrale est traversée au début du XXIe siècle par une violence quotidienne diffuse, sans contrôle de la part des États. La violence institutionnelle comme expression d’anciens conflits a été démantelée. De nouvelles formes de violence s’organisent imposant ici et là la loi du plus fort.
L’Amérique centrale se trouve devant le grand défi de répondre à la violence non pas avec davantage de violence mais en sachant inventer de nouvelles modalités de gestion. Autrement, l’utilisation quotidienne de la violence par les citoyens pourrait donner raison à l’échec de la pacification.