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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Cusco, Perou, juillet 2003

Économie, écologie et culture dans la région de Machu Picchu : quels défis pour la paix ?

Mots clefs : Ressources naturelles et paix. Préserver et partager les biens publics mondiaux. | Economie sociale | Organisations citoyennes et leaders pour la paix | Organisations et acteurs politiques locaux non gouvernementaux | Centre Bartolome de las Casas | Communauté Indienne | Gérer des conflits | Amérique du Sud

Concernant les relations entre écologie et économie, deux systèmes de pensée s’affrontent de plus en plus dans la région andine de Machu Picchu, à cheval entre le Sud du Pérou et le Nord de la Bolivie, celui qui privilégie les critères économiques sur les réalités écologiques, et celui qui tente de maintenir un certain équilibre entre réalités écologiques et pratiques économiques. Si une partie de la population indienne veut entretenir, pour des raisons culturelles et religieuses, des relations d’harmonie avec la terre et tout être vivant, une autre façon de penser ces relations envahit de plus en plus les mentalités et les pratiques : celle qui cherche, d’abord, le profit économique à court terme et qui produit, par là même, des décalages de plus en plus importants et dramatiques entre la société et les écosystèmes dont elle dépend.

L’approche de la domination de l’écologie par l’économie qui se met en place à pas de géant dans la région de Machu Picchu peut provoquer de graves désastres écologiques, d’abord, l’effondrement de l’économie, ensuite. Aujourd’hui, les autorités politiques, des entrepreneurs, des masses de touristes et de plus en plus de populations locales privilégient le « développement » économique de la région sans égard pour les fragiles équilibres de la biosphère.

La question se pose de la mentalité économiciste qui, concernant les relations de l’homme avec la biosphère, a élaboré des indicateurs exclusivement économiques en prenant en compte les « produits » que l’homme peut tirer de la nature mais pas les « services » que cette dernière rend à l’humanité. Lorsque ces indicateurs économiques servent de critères pour la prise de décisions concernant les relations entre l’homme et la nature, des conflits s’ensuivent.

Des conflits entre le système économique ainsi mis en place et la fragilité des ressources naturelles dont il tire son capital productif. Des conflits aussi entre ceux qui mettent en avant ce système de pensée et ceux qui cherchent plutôt des relations moins violentes entre l’économie et l’écologie.

Si l’écosystème de la région de Machu Picchu, et en général de la région andine, continue à être détruit au nom des besoins économiques, c’est que ceux qui en retirent les bénéfices à court terme ne sont pas conscients de l’importance vitale des coûts globaux à payer.

Plusieurs acteurs élèvent leur voix aujourd’hui à Machu Picchu et dans sa région pour pousser un cri d’alarme en ce qui concerne les menaces et la destruction des écosystèmes dans la région, pour demander que des modèles alternatifs de relation entre l’économie et l’écologie soient développés, pour proposer que la culture Inca concernant le respect de tout être vivant et les relations harmonieuses entre l’homme et la nature soient prises en compte : selon la culture Inca, la nécessité de protéger la nature ne découle ni d’un commandement divin ni d’un principe éthique, il s’agit tout simplement pour l’homme de reconnaître son appartenance à cette terre qui lui donne la vie, le nourrit, le guérit, l’émerveille et l’accueille à la fin de ses jours. Ces acteurs sont les porteurs d’une initiative andine d’« éco-citoyenneté ».

Une telle démarche permettrait que les activités économiques ne soient plus guidées exclusivement par le gain matériel mais par les indicateurs de l’environnement, d’une part, et par la gestion interculturelle, d’autre part.

Car il s’agit aussi de culture : les péruviens qui travaillent pour la protection de l’environnement mettent en œuvre des valeurs et des pratiques essentielles à toute l’humanité. Il ne s’agit pas uniquement de sauver des choses, où la planète, il s’agit de continuer à développer des qualités humaines nécessaires à la survie de l’humanité et de la vie toute entière.

Comment les péruviens abordent-ils leurs intérêts apparemment contradictoires de l’économie et de l’écologie ? Comment établissent-ils une cohérence entre leurs aspirations de « développement économique » venant répondre à leur pauvreté et leur culture de protection de la nature ?

C’est le grand défi de la paix dans cette région : comment gérer le choc entre les questions de modèles de développement économique, de protection de l’environnement et de culture locale ?