Fiche de défi Dossier : Les Organisations Non-Violentes en France

Guillaume Gamblin, Paris, janvier 2007

IRNC : des partenaires pour chercher et agir

L’IRNC - Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits - se donne pour but de mener de façon pluridisciplinaire des recherches scientifiques sur les apports de la non-violence dans la résolution des conflits. Son programme de recherches se développe autour de trois axes thématiques qui s’inscrivent dans la continuité d’une histoire et d’une évolution, dans le cadre d’un partenariat axé autour de ses objectifs stratégiques.

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Organisation non-violente | Promouvoir une culture de paix | France

I. L’université : point stratégique et point faible du partenariat.

L’une des vocations principales de l’IRNC, est la diffusion et la reconnaissance dans le milieu universitaire de la non-violence comme thème de recherche pertinent et fécond. Cette volonté d’implication dans le milieu universitaire, ainsi que d’une implication du milieu universitaire dans la recherche sur la non-violence, passe par deux portes :

  • Les contacts avec des étudiants souhaitant travailler sur le thème de la non-violence.

Le site internet constitue en particulier un lieu d’accès privilégié des étudiants intéressés auprès de l’IRNC. D’une manière générale, de nombreux contacts (une dizaine par an) sont noués avec des étudiants souhaitant travailler sur des thèmes touchant à la non-violence : de multiples demandes de renseignement sont effectuées, dont un petit nombre débouche sur des relations plus poussés et une coopération, les autres donnant lieu parfois à des conseils pour réorienter la recherche vers d’autres partenaires. L’apport de l’IRNC peut consister dans :

  •  

    • un suivi pour l’élaboration d’un sujet d’études pertinent ;

    • un soutien et de conseils pour la réalisation du travail en lui-même ;

    • ou simplement dans l’indication de documents propres à étayer la recherche.

Un certain nombre d’étudiants ont suivi des travaux de recherche universitaire en collaboration avec l’IRNC, pour la plupart dans le cadre d’études de sciences politiques, mais également d’histoire ou encore de philosophie. Les travaux effectués sont principalement des mémoires de maîtrise ou de DEA ; rarement des travaux de thèse, qui constituent pourtant une priorité pour l’IRNC.

  • L’intervention de chercheurs en milieu universitaire.

L’une des ambitions de l’institut de recherche est de pouvoir porter la réflexion sur la non-violence au sein du milieu universitaire, et cela passe en premier lieu par la participation des membres de l’IRNC aux activités d’enseignement. Le fait est que le plupart des chercheurs engagés dans l’institut de recherche exercent une activité professionnelle non-universitaire. Un seul des membres de l’IRNC, l’historien Jacques Sémelin, est enseignant, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. D’autres chercheurs ont pu être temporairement chargés de cours, à l’exemple de Jean-Marie Muller durant un semestre à l’IEP de Lyon, ou pour des interventions sur le thème de l’intervention civile dans diverses universités récemment. Des contacts institutionnels et informatifs ont lieu également entre l’IRNC et des responsables de DEA ou DESS, pour la promotion de la formation ICP notamment.

Mais d’une manière générale, alors que l’inscription de la recherche sur la non-violence dans le milieu universitaire était une priorité de départ de l’IRNC, ce volet reste un point faible de son projet d’ensemble.

II. Des contacts politiques et militaires uniques

En tant qu’acteur engagé pour la promotion de l’intégration de stratégies et de méthodes non-violentes dans la politique générale et militaire de la France, l’IRNC est amené à entretenir des relations plus ou moins suivies dans ce sens avec des interlocuteurs institutionnels multiples.

Au niveau politique, c’est la Commission de la Défense à l’Assemblée Nationale, qui impulse en 1983 une politique de soutien à la création de ce qui deviendra l’IRNC. C’est le ministre de la Défense Charles Hernu qui demande alors à Jean-Marie Muller d’effectuer une recherche sur les stratégies de défense civile. Des soutiens financiers sont apportés dans les années suivantes par le Ministère de la recherche et de la Technologie, le Fond National de Développement de la Vie Associative (FNDVA), le secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse et des Sports, le Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN) ou encore la Fondation des Etudes de la Défense Nationale (FEDN).

Des contacts fréquents et un partenariat très poussé ont pu être entretenus avec le SGDN, organe central du service du Premier Ministre sur la Défense, jusqu’en 1995, date à laquelle ce service a subi une profonde réorganisation faisant littéralement « fondre » ses effectifs. Les contacts ont été difficiles à renouer. On entre là au cœur d’un problème de fond du partenariat avec les institutions politiques : son instabilité foncière liée aux aléas dus aux changements fréquents de majorité gouvernementale et de politique. L’IRNC a pu entretenir des contacts avec les institutions officielles de manière relativement constante cependant, grâce à sa volonté d’une certaine « neutralité » et indépendance politique.

Actuellement des contacts commencent à se nouer autour de l’intervention civile de paix : soutien des Ministères des Affaires Etrangères et de la Défense, ainsi que de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale, au colloque sur l’ICP organisé en 2001, rencontres avec le directeur de l’« Observatoire Nation et Défense » au SGDN en particulier.

Au niveau militaire, l’IRNC joue un rôle tout à fait unique et fondamental dans l’ensemble des mouvements non-violents français, de dialogue continu et privilégié avec de hauts responsables de l’appareil militaire français. Des interlocuteurs de longue date tels que le général Jean Cot, participent régulièrement aux colloques organisés par l’IRNC. Des rencontres multiples ont été établies au fil des ans avec des responsables de l’Etat Major, qui se sont succédés au fil des périodes. Récemment, les rencontres avec les militaires se sont multipliées : avec le général Frère, le général Richoufftz, avec F. Heisbourg, de la Fondation de la Recherche Stratégique, ou encore C. Lechervy, conseiller au cabinet du Ministre de la Défense, qui est intervenu au colloque sur l’ICP. Enfin des rencontres régulières ont pu être organisées récemment avec le général Bachelet, alors commandant des centres de formation de l’armée de terre et principal théoricien de la stratégie militaire de la France actuellement. Ces contacts ont pu déboucher entre autres sur une implication de militaires (le commandant Colombet, du COFAT) au cycle de formations sur l’intervention civile du Comité ICP. Un lieutenant colonel d’active a également participé en tant que stagiaire à cette formation. Il faut insister sur la caractère unique et fondamental de ces contacts et de ce dialogue avec les militaires, qui sont au cœur de la volonté de l’IRNC d’avoir une influence stratégique sur la politique de défense de la France et de faire valoir les apports de la non-violence au sein de celle-ci. Cette activité de dialogue constructif avec les institutions politiques et militaires constitue indéniablement l’un des points de force de l’IRNC et fait à lui seul tout l’intérêt de son existence.

Au niveau institutionnel, une coopération est engagée avec des organes internationaux tels que l’Unesco, notamment pour l’édition en trois langues de l’ouvrage « De la non-violence en éducation », en 2003.

III. Un organe de recherche au cœur de l’action non-violente

L’IRNC agit en partenariat étroit avec les autres organisations non-violentes françaises. Plusieurs des membres fondateurs et actifs de l’institut sont également membres du MAN, et une coopération étroite existe entre ces deux organisations : il ne faut pas oublier que c’est sous l’impulsion du MAN qu’a été fondé l’IRNC, durant la période 1982-1984. Cette parenté, qui se fait dans une indépendance institutionnelle réciproque, est surtout sensible au fait qu’une évolution commune a eu lieu dans les centres d’intérêt des deux organisations et dans leurs thèmes d’action. L’IRNC apporte au MAN une réflexion théorique ou appliquée sur des sujets – les stratégies d’action non-violente, la culture de non-violence - où ce dernier s’implique de manière militante ; et de ce fait une complémentarité essentielle existe entre les deux organisations.

L’IRNC s’est d’ailleurs impliqué profondément dans l’organisation et la réalisation de la formation à l’intervention civile organisée par le Comité ICP qui fut créé sous l’impulsion du MAN. Un travail de dialogue institutionnel, d’élaboration théorique et d’implication pratique de ses membres dans cette formation a été accompli depuis plusieurs années en relation avec le Mouvement pour une Alternative Non-violente. Jean-Marie Muller, directeur de recherches à l’IRNC, est par ailleurs membre-fondateur et porte-parole du Man.

Mais l’IRNC garde sa totale indépendance de choix et d’action par rapport à ce mouvement, en entretient des relations de partenariat et de travail avec les autres mouvements non-violents également. Ceux-ci peuvent profiter des recherches de l’IRNC sur les stratégies non-violentes ou la culture de non-violence pour approfondir et améliorer leur pratique militante ou professionnelle. Pierre et Martine Dufour, membres-fondateurs d’EpB, en témoignent dans leur « Contribution à la synergie des mouvements non-violents », en estimant que l’IRNC apporte des éléments de réflexion « fondamentaux pour l’orientation de notre action ». Les recherches développées par les membres de cet institut profitent à l’ensemble de la communauté « agissante » militant dans le sens de la non-violence. Les études menées sur l’intervention civile ont pu profiter en particulier aux organismes d’envoi de volontaires en missions d’ICP, tels que le collectif Guatemala, Peace Brigades International (PBI), ou Equipes de Paix dans les Balkans (cités ci-dessus).

Une importance particulière doit être accordée au partenariat établi avec la revue Alternatives Non-Violentes (ANV), qui a le statut de « revue associée » depuis 1985, deux ans après la création de l’IRNC. Un lien étroit est entretenu entre les deux structures toutes deux axées sur un travail de réflexion de fond et de diffusion des recherches sur la non-violence. Il a donné lieu à plusieurs publications de colloques organisés par l’IRNC, à un site internet commun ainsi qu’à de nombreuses et fréquentes contributions de chercheurs de l’institut de recherche aux dossiers trimestriels de la revue. ANV constitue un appui essentiel au maintien et au développement des activités de l’IRNC, et vice-versa.

IV. Les relations avec les financeurs

Comme toute structure associative à but non-lucratif, l’IRNC a besoin de fonds pour mener à bien ses actions et ses recherches, exigeant souvent une implication sur le long terme. Un soutien financier important a pu être apporté durant longtemps par des institutions officielles – ministères, commissions,… - , comme il l’a été montré plus haut. Ces dernières années les relations de financement avec ces partenaires politiques et militaires ont diminué et même quasi-disparu, c’est pourquoi l’IRNC s’est tourné vers des partenaires privés. A savoir dans un premier temps des personnes s’engageant à faire un don annuel régulier, puis des fondations : la FPH et Un Monde Par Tous. Celles-ci apportent un soutien essentiel au fonctionnement de la structure. Le Man a été amené également à verser des subventions exceptionnelles de soutien à l’IRNC. Un prêt important émanant d’un particulier a enfin permis à l’association de boucler son financement défectueux en 19989. La FPH, outre ce rôle de partenaire financier, a joué un rôle fondamental pour le soutien méthodologique et logistique à la création de la base de données PRINCIPAX.

V. En conclusion…

Alors que la dynamique qui a précédé et impulsé sa création date déjà de vingt ans, l’IRNC a trouvé sa place parmi l’ensemble des organisations non-violentes françaises et s’est imposé comme un acteur essentiel de la réflexion fondamentale et stratégique sur ce thème dans une approche pluridisciplinaire. L’institut de recherche demeure un lieu privilégié de dialogue entre la pensée non-violente et les institutions officielles et militaires. Son point faible reste la pénétration du milieu universitaire, malgré les contacts multiples établis avec des étudiants. Sa situation financière souffre également d’une grande précarité qui grève une véritable politique de recherche et d’action à la mesure de ses ambitions. Mais la base de données PRINCIPAX notamment constitue un point fort pour l’avenir des recherches menées par l’institut.

Coordonnées :

  • Adresse : IRNC, 14 rue des Meuniers, 93100 Montreuil

  • Tel. 01 48 59 93 35

  • Site web : www.irnc.org

Notes

Sources :

  • Entretien avec François Marchand du 1° Juillet 03.

  • Texte « Présentation de l’IRNC », de M. Kaufmann.

  • Rapports d’activités 2001 et 2002.