Cyril Musila, Paris, février 2002
Les défis des négociations d’Arusha
Une chance pour la paix au Burundi.
Depuis l’indépendance du Burundi en 1962, la question du partage du pouvoir et l’instauration d’un régime représentatif des opinions de la population a toujours été au centre des débats et à l’origine des tragédies qui ont émaillé l’histoire de ce pays. Pour garder la totalité du pouvoir et pour ne pas avoir à le partager, l’élite politique – notamment celle qui tient les rênes du pouvoir depuis 1962 – a installé une politique d’élimination systématique de toute forme d’opposition. La violence est la méthode utilisée pour exécuter cette politique. Progressivement, cette même élite a désintégré la nation burundaise et porté un préjudice à l’unité nationale ainsi qu’à l’identité commune des Burundais.
Cette désintégration a été illustrée par les massacres de 1972 et surtout symbolisée par l’assassinat en octobre 1993 du premier président burundais démocratiquement élu. Cet assassinat signifie clairement le refus du changement et de l’alternance dans la gestion du pouvoir. Et depuis cette date, le Burundi est entré dans une guerre civile dont l’issue de résolution est incertaine.
Mais depuis la même année aussi, des pourparlers de paix entre Burundais continuent d’avoir lieu à Arusha, en Tanzanie, pour sortir le pays de cette guerre civile. Pourtant, il manque chez un bon nombre de négociateurs une réelle volonté d’engager un véritable dialogue à la hauteur de la crise et du désir général de paix. Cette réticence à œuvrer dans le sens de trouver une issue pacifique se manifeste par une logique qui consiste à « ruser, pour continuer, comme par le passé, à reproduire dans la société burundaise un ordre caractérisé par un pouvoir violent, non démocratique » et sourd devant les douleurs de son peuple, comme l’affirme un Burundais.
Evidemment, le défi central est celui du partage du pouvoir qu’une clique, notamment des militaires et une partie de l’élite, détient sans concession en dépit des contestations pacifiques de la société civile ou armées des mouvements rebelles. Cette question se répercute sur les négociations d’Arusha où les positions des rebelles et du gouvernement ont tendance à rester figées, compromettant ainsi toute idée de résolution pacifique du conflit. Ce que veulent les Burundais c’est sans aucun doute la paix, mais c’est aussi des hommes et des femmes dûment mandatés par le peuple pour veiller au bien de tous, pour garantir la paix sociale et la sécurité de chacun. Bref, un climat de paix qu’une élite qu’il a choisie et qui le représente puisse entretenir. Ce désir est pour l’instant resté imaginaire, dans l’ordre du rêve.
Cependant avec la relance des négociations d’Arusha, sous la houlette de l’illustre ancien président sud-africain Nelson Mandela, des espoirs réels ont été donnés au peuple burundais. Cette présence d’une personnalité qui a réussi à amorcer un tournant pacifique dans un Etat sud-africain longtemps miné par les violences de l’apartheid ne dispense pas les négociateurs burundais de se surpasser pour faire aboutir ces négociations. Ils ont la grande responsabilité devant leur peuple et la communauté internationale de donner une chance à la paix au Burundi.