Cheffi Brenner, Michel Doucin, janvier 2006
Quel contenu concret donner à la notion de quasi-justiciabilité internationale des droits économiques, sociaux et culturels qui réponde à l’objectif d’améliorer la gouvernance des politiques qui permettent leur réalisation ?
La préparation du séminaire avait été précédée d’une réflexion à laquelle avaient été associés un certain nombre de représentants de pays ou, à l’intérieur de certains pays, d’administrations sceptiques quant à l’utilité d’une procédure de communications individuelles ou collectives pour améliorer l’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels. La parole leur a été largement donnée, en particulier lors des débats qui ont suivi les exposés des panels d’orateurs de chaque session thématiques, pour présenter leur opinion et questionner les tenants de l’opinion inverse.
De ce débat sont ressorties trois idées :
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Celle que la réalisation de l’objectif d’équité sociale, finalité de l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels, empruntait des voies plurielles qu’il fallait envisager comme complémentaires ;
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Celle que plusieurs objectifs pouvaient être assignés à une nouvelle procédure d’appel au niveau d’un comité onusien ;
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Celle que la portée de la fonction quasi-judiciaire du comité en charge de recevoir les communications devait être précisée et encadrée.
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Limites et intérêt de la quasi-justiciabilité au regard de l’objectif d’équité sociale
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Les « formules » intsitutionnelles de la Grande-Bretagne
Ainsi les représentants de la Grande-Bretagne ont-ils pu exposer que leur système institutionnel ménage une vaste gamme de procédures internes, de la médiation privée à la saisine parlementaire en passant par des jugements arbitraux, variété de formules qui a fait ses preuves. En Grande-Bretagne existent de nombreuses possibilités pour les citoyens d’obtenir satisfaction :
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L’appel de décision devant une autorité publique (ex : organismes de sécurité sociale) ;
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L’appel devant les juridictions spécialisées composées en général de magistrats professionnels et d’assesseurs issus de la société civile : pour l’emploi, l’éducation, la santé, l’asile et la sécurité sociale (en 2ème réseau) ;
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Les médiateurs qui reçoivent les plaintes pour mauvaise administration : logement, suivis sociaux, sécurité sociale. Ils se tournent vers le Gouvernement ou le Parlement pour obtenir une révision des décisions administratives qu’ils ont étudiées ;
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Les commissions spécialisées habituées à intervenir auprès des tribunaux : sur le racisme, contre les discriminations. Un projet de commission sur l’égalité est à l’étude. (John Kisane)
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Dans de nombreux autres pays européens, des recours gracieux existent pour les droits économiques, sociaux et culturels, en France par exemple le Médiateur de la République joue un rôle croissant (environ 60 000 affaires traitées en 2004) et à créé de nombreuses antennes spécialisées par exemple dans les prisons. (Jean Paul Delevoye)
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L’intérêt limité d’une nouvelle procédure de recours international qui serait confiée au Comité
La variété des contenus techniques aux droits économiques, sociaux et culturels appelle des réponses différenciées et non un mécanisme unique. Il convient aussi plutôt de rechercher à réparer et corriger les dysfonctionnements et erreurs que d’adopter la posture doctrinale de l’élaboration de normes et sanctions dans des matières qui nécessitent l’intégration de nombreux facteurs et paramètres pour être « juste » dans la réponse aux demandes de justice. D’où un certain scepticisme quant à l’intérêt de l’ajout d’une procédure de recours international confiée à un comité qui n’aurait pas les moyens de procéder aux investigations complexes nécessaires.
Ce type d’argument, complété par ceux de pays, comme le Canada, qui ont expliqué que leur structure fédérale a confié la gestion des politiques sociales et éducatives en quasi-totalité au niveau provincial, y compris les procédures de réclamation non-contentieuses (multiples) et contentieuses, a été écouté avec grande attention, en particulier par tous les pays développés dont les dispositifs sociaux sont très diversifiés.
Un accord très général est ressorti, selon lequel il convenait de penser la création d’une nouvelle procédure en tant que complémentaire et devant chercher à conforter toutes les procédures non contentieuses existant au niveau national et sub-national. Elle-même devrait s’envisager principalement comme de nature non contentieuse.
Les objectifs de la procédure
Une idée centrale est ressortie de cette réflexion dialectique : celle que la quasi-justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels qu’il convenait d’organiser dans le cadre des Nations Unies devrait d’abord viser à permettre l’établissement d’un dialogue avec les États et institutions publiques qui les constituent et qui sont en charge de politiques sociales et éducatives. Il devrait conduire à l’identification de toute la gamme des procédures existantes permettant de rendre exigibles et plus effectifs les droits économiques, sociaux et culturels : alerte précoce, médiation, arbitrage, enquête, etc. et chercher à les faire fonctionner au mieux.
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Objectif n°1 : Le respect de la diversité des modèles nationaux
Le premier souci devrait être, comme dans le cas du Comité européen des droits sociaux de respecter la diversité des traditions et des modèles nationaux, de prendre en compte aussi l’inégal degré de prospérité économique des différents États. La diversité des modèles nationaux doit être considérée comme une richesse. Il ne s’agit pas de tout aligner sur un modèle unique (Jean Michel Belorgey, 15è réunion du Comité européen pour la cohésion sociale).
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Objectif n°2 : Permettre une meilleure connaissance des « best practices » pour accroître l’effectivité des DESC
Le second objectif d’une procédure sous l’égide des Nations Unies pourrait être de faire connaître aux autres pays les procédures diversifiées existant dans un pays afin de susciter une certaine émulation entre eux. La meilleure connaissance des « best practices » peut être un élément décisif dans l’amélioration de l’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels. A cet égard, les pays industrialisés sont loin de disposer d’un monopole. L’expérience des « rapporteurs thématiques » lancée par la société civile brésilienne, les pouvoirs de médiation confiés à certaines institutions nationales indépendantes pour la promotion des droits de l’Homme en Afrique sont tout aussi dignes d’intérêt que les pratiques occidentales d’ombudsmans ou de hautes autorités chargées de la lutte contre les discriminations. Parmi les nombreux exemples concrets qui ont été cités, mentionnons celui de Cordoba en Argentine. Des groupes de citoyens pauvres de cette ville, exclus de la distribution d’eau potable, ont plaidé en justice au nom de la violation d’un droit fondamental ; la justice leur a donné raison, obligeant les autorités à intervenir ; pour prévenir un mouvement de contagion, celui-ci a été amené à définir une programmation nationale dans ce domaine.
« La réflexion intra-européenne sur son modèle social ne peut que s’enrichir d’un élargissement à l’ensemble de la planète : car le fait que le droit à l’habitat soit, par exemple, reconnu par la constitution sud-africaine et justiciable devant sa Cour suprême, ou que le droit à la santé le soit par la Cour suprême indienne sur des bases également constitutionnelles, ces deux informations sont de nature à nourrir la réflexion sur nos systèmes sociaux nationaux et sur l’Europe sociale. Et sans doute l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique partageront-elles ce même intérêt, ne serait-ce que parce quelles ont elles-mêmes entrepris de créer des ensembles régionaux dont elles envisagent qu’ils ne se limitent pas à la dimension commerciale, mais soient aussi des espaces sociaux communs. D’un pays à l’autre, il a été inventé des solutions diversifiées pour satisfaire le besoin de justice sociale et la question se pose de leur « régionalisation », puis de l’articulation de celle-ci avec le niveau universel. » (Michel Doucin)
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Objectif n°3 : Confirmer l’apport de « l’approche par les droits » à la réflexion sur les questions de gouvernance
Le troisième intérêt de la création d’une procédure rendant quasi-justiciables les droits économiques, sociaux et culturels est qu’il confirme l’apport de « l’approche par les droits » à la réflexion sur les questions de gouvernance tout en donnant à celle-ci un contenu concret. A cet égard a été cité le fait que des institutions que l’on croyait fermées à cette approche se signalent par une évolution. Ainsi la Banque Mondiale déclare-t-elle, par la voix de son Institut, avoir identifié des corrélations fortes entre l’exercice des libertés et des droits civils et la réalisation de progrès économiques et sociaux, par exemple en ce qui concerne le recul de la mortalité infantile. Lorsque des politiques volontaristes de réalisation des droits se mettent en œuvre, la corrélation est encore plus forte. « La bonne gouvernance n’est pas un « bien de luxe » auquel un pays accèderait automatiquement avec la richesse, mais nécessite un engagement continu difficile des dirigeants, des administrations et de la société civile au service de l’amélioration des droits civils et de la gouvernance ». (1)
L’intérêt d’une procédure d’examen des communications c’est aussi qu’elle permet de traiter de cas exemplaires d’où tirer des éléments de jurisprudence. (Emmanuel Decaux)
Elle permettrait, à partir de cas concrets, d’approfondir la réflexion élaborée, au travers de ses observations générales, par le Comité en charge de l’examen périodique des rapports des États au regard de leurs obligations vis-à-vis de droits de nature programmatique.
La quasi-justiciabilité organisée par un comité des Nations Unies recevant les communications de cas, pour lesquels des systèmes institutionnels nationaux se verraient reprocher par les plaignants de n’avoir pas répondu au principe d’équité, viserait ainsi à l’amélioration de la gouvernance des pays par l’aiguillon de l’exigence du respect du droit. Elle exercerait indirectement un effet sur l’aide au développement, dont les modalités ne sont pas toujours respectueuses des droits économiques, sociaux et culturels.
La condition nécessaire au respect des droits économiques, sociaux et culturels dans chaque pays est l’existence d’une justice fonctionnant de manière équitable. Ce n’est pas une donnée innée. Elle dépend de beaucoup d’éléments : matériels (des rémunérations mettant les juges à l’abri de la corruption), juridiques (un statut d’autonomie) et culturels (l’éthique d’une profession). Il a été relevé que ces éléments font souvent défaut. L’existence d’échelons de recours se situant à des niveaux supérieurs constitue, pour les justices nationales, même si leur pouvoir n’est que quasi-judiciaire, un moyen de pression pour un fonctionnement plus satisfaisant. C’est un quatrième effet attendu.
Portée du pouvoir quasi-judiciaire
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La quasi-justiciabilité, un concept aux sens multiples
Le concept de quasi-justiciabilité a été étudié attentivement. Il est apparu qu’il pouvait recevoir des sens différents. Pour certains, il faut d’abord distinguer la dimension substantive (le contenu des droits) et la dimension procédurale (droit donné de se référer à ces droits). Il ne faut pas compromettre la justiciabilité substantive par son aspect procédural. D’où l’importance d’autres méthodes comme la médiation. Le concept plus large de « contrainte juridique » permet d’embrasser une plus vaste gamme de méthodes de réalisation des droits. » (Valentin Aichele)
« La justiciabilité n’est pas exactement ce que l’on croit. Entre l’imposition d’obligations et rien, il y a toute une gamme de mesures. Les juges internationaux n’imposent presque jamais des actions positives aux Etats. […] La justiciabilité internationale peut se combiner avec des mécanismes de contrôle et de conseil, ainsi que d’aide à ceux qui saisissent les institutions. […] Un instrument juridique international peut faire apparaître et tirer partie de la diversité des règles pour en tirer la quintessence. Les règles internationales ne deviennent pas spontanément actions ; il faut être inventif pour les rendre effectives. […] Il faut concevoir la justiciabilité au niveau international comme exerçant un effet de rayonnement : elle aide à interpréter, enrichir et compléter le système normatif. » (Antoine Lyon-Caen)
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La prise en compte de la diversité des cultures juridiques
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La justiciabilité et la quasi-justiciabilité ont aussi des dimensions culturelles. La tradition britannique insiste plus sur les recours que sur les droits : « remedies precede rights ». L’approche common law est un maquis des règles jurisprudentielles et de lois spécialisées qui se présente mal à une harmonisation. D’où l’importance du juge qui use de son prestige pour faire exécuter le droit. (Ghislain Otis)
L’intégration de plusieurs formes de justiciabilité dans un protocole créant un mécanisme d’examen de communications individuelles concernant les droits économiques, sociaux et culturels permettrait de prendre en compte la diversité des cultures juridiques et d’éviter de prendre certaines de celles-ci à rebrousse-poil. (Jacques Fierens)
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Le contrôle démocratique sur le fonctionnement des services publics
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On peut aussi considérer qu’une forme de justiciabilité indirecte est le contrôle démocratique sur le fonctionnement des services publics. La quasi justiciabilité internationale la renforce. (Philippe Texier)
Elle fait du juge l’arbitre des formes d’organisation de la cité. […] La justiciabilité ouvre un droit à contrôler la façon dont sont organisés les services publics. Elle ne donne pas droit à une prestation supplémentaire mais au contrôle des procédures permettant l’accès à ces prestations ainsi qu’à celui du service rendu, ainsi que, finalement, à participer davantage au système politique. (Antoine Lyon-Caen)
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Les instruments d’action de la quasi-justiciabilité
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Un droit d’injonction en cas de violations entraînant des risques importants pour les personnes ?
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Puis vient la question des instruments d’action de cette quasi-justiciabilité. Certains ont préconisé que le Comité dispose d’un droit d’injonction quand les violations se traduisent par des risques importants pour les personnes. Il devrait, par exemple, s’appliquer dans le cas de mesures d’expulsion illégales. (Malcom Langford).
Il a été fait observer que l’OIT dispose du pouvoir de créer des commissions d’enquête, pourquoi pas le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ? (Pierre Lyon-Caen)
Concernant les réparations aux victimes, on a remarqué que la pratique des instances judiciaires internationales est très flexible : elle tient compte de la réceptivité des Etats à ce type de demande, et s’inquiète d’éventuels risques de représailles à l’égard des victimes. (Malcom Langford)
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Un pouvoir condamnatoire uniquement en cas de violations graves et délibérées ?
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Une opinion moyenne a été que le comité en charge de la réception des communications relatives à des allégations de violations de droits économiques, sociaux et culturels ne pourrait exercer un pouvoir condamnatoire assorti d’exigences de réparations pour les victimes que dans des cas très particuliers : ceux de violations graves et délibérées. Et encore, une option spécifique devrait-elle sans doute être prévue dans le protocole, à ce sujet. L’essentiel de ses efforts devrait ressembler à une médiation visant un accord. Bien que certains aient manifesté quelques réticences quant à la multiplication des procédures (médiation, règlements amiables etc.) dans la mesure où cela rallongerait les délais (Jacques Fierens) pour d’autres, il est nécessaire de considérer les différentes modalités de justiciabilité au niveau international (médiation, conciliation, contentieux), les règlements amiables devraient constituer la première phase de la procédure avant de considérer les autres degrés de contentieux. (Eibe Riedel)
La quasi-justiciabilité dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels ne devrait pas déboucher sur des obligations imposées aux Etats mais sur des communications publiques les incitant au dialogue public avec leurs Parlements et sociétés civiles sur leurs politiques. (Virginia Bras-Gomez)
En Belgique, la juridiction compétente pour contrôler le respect du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels ne s’appelle-t-elle pas « Cour d’arbitrage » ? (Jacques Fierens)
Par exemple, si l’expulsion d’un logement ou d’une parcelle agricole apparaissait comme justifiée par un projet urbanistique pertinent et avoir suivi une procédure légale, le comité ne pourrait pas exercer de pouvoir condamnatoire. En revanche mettant en avant les moyens éventuellement insuffisants par lesquels l’autorité publique a proposé une réinstallation, il pourrait signaler les « bonnes pratiques » de pays aux caractéristiques socio-économiques, climatiques et culturelles comparables et recommander de s’en inspirer pour des améliorations. La privatisation d’un dispositif social jusque-là confié au secteur public ne pourrait pas non plus être condamnée sauf à démontrer qu’elle entraîne des discriminations aux conséquences graves (Malcom Langford), car le Comité ne devra pas entrer dans la querelle des modèles de développement ou de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, respectant un principe de pluralité des modèles. (Virginia Bras-Gomez)
Le protocole, en créant un niveau supranational de quasi-justiciabilité, incitera les États à définir des politiques nationales de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et, ainsi, à un rééquilibrage de leurs priorités. (Virginia Bras-Gomez)
Les exemples apportés par les experts du Comité pour l’élimination des discriminations raciales, l’Organisation Internationale du Travail et le Comité de la Charte sociale européenne sur les réformes pertinentes qui ont suivi des recours présentés devant ces institutions spécialisées, suivis de recommandations de ces dernières ont été à cet égard éclairants.
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En cas de refus par un Etat d’obtempérer : la dénonciation publique
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Que se passerait-il si l’État concerné par une condamnation du comité refusait d’obtempérer aux injonctions ? Bilan étant tiré de la faiblesse des mises en œuvre des recommandations des organes des traités en général, l’idée est apparue que la nouvelle procédure pourrait s’inspirer de celle introduite par l’OCDE pour la mise en œuvre de ses Principes volontaires concernant la responsabilité sociale des entreprises multinationales : lorsque ses efforts de conciliation ont échoué, le « Point de contact national » fait une déclaration solennelle par voie de presse soulignant que (en l’occurrence) l’entreprise a violé les normes en vigueur. L’expérience a prouvé que la menace de ce type de publicité donnée aux violations avait des effets assez efficaces pour motiver l’intéressé à rechercher un compromis. On peut imaginer une transposition du mécanisme pour les Etats ayant violé tel ou tel des droits économiques, sociaux et culturels et se refusant à réparer. Mais seuls les cas de violations délibérées et de type régressif caractérisées par un refus de respecter et de protéger des droits acquis pourraient conduire à de telles dénonciations publiques.
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Les avantages d’une procédure quasi-judiciaire universelle quant à l’effectivité des DESC
Finalement, par la création d’une procédure quasi-judiciaire universelle, que peut-on espérer améliorer dans l’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels ? Une opinion assez générale a reconnu au moins quatre progrès possibles (Nathalie Mivelaz) :
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Une incitation à des réformes des politiques économiques et sociales de la part des gouvernements à qui seraient présentés par le comité international, dans une vision comparative, des suggestions s’inspirant de la pratique d’autres pays ;
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L’élaboration d’une jurisprudence internationale s’imposant progressivement aux juridictions nationales et poussant celles-ci à mieux fonctionner du point de vue de l’équité et à faire preuve de davantage d’audace par rapport aux droits économiques, sociaux et culturels ; « L’objectif de la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels c’est, en définitive, d’inspirer un État plus fraternel » (Paul-Gérard Pougoué) ;
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Le développement d’une réflexion juridique internationale aidant à préciser ce que sont les obligations des États, mais aussi des autres acteurs économiques, au regard des droits économiques, sociaux et culturels ; par exemple, le droit à l’eau, qui intéresse particulièrement plusieurs gouvernements, interroge dans son exercice concret ;
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Une contribution à la régulation de la gouvernance économique internationale par l’introduction du respect des droits fondamentaux dans les principaux processus de décision. « Les droits économiques, sociaux et culturels sont la seule source légitime pour essayer de limiter les excès du marché qui risque, sinon, de régir également des secteurs comme la santé, la formation, etc. » (Antoine Lyon-Caen) ;
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Un apport à la construction d’un monde plus paisible, à l’instar de ce que fait « la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (qui) aide au renforcement du droit au plan national en en comblant les lacunes, particulièrement concernant les droits économiques, sociaux et culturels. Ce faisant, elle consolide la paix sociale : l’absence de recours judiciaires favorise la violence armée. » (Felix Morka).
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Dans tous les cas, il est nécessaire d’adopter une approche pragmatique, par degré (Michel Doucin)
Notes :
1. Daniel Kaufmann : Droits de l’Homme et développement : vers un renforcement mutuel ; étude coparrainée par le Ethical Globalization Initiative et le New York Center for Human Rights and Global Justice – mars 2004