Cheffi Brenner, Michel Doucin, janvier 2006
Comment concilier le principe de l’épuisement des voies de recours interne et l’exigence de répondre rapidement à des situations graves ?
Telle que posée, la question signale une contradiction potentielle : la justice est souvent lente et attendre l’épuisement des procédures au niveau national (et éventuellement régional) peut se traduire par de très longues attentes qui privent la victime d’une réelle possibilité de réparation. De plus, certaines situations demandent des réponses urgentes.
Que faire lorsque ce risque apparaît ?
La nécessité de prévoir des procédures exceptionnelles
Il a été rappelé que la règle de l’épuisement des voies de recours internes prévaut dans les règles de fonctionnement des Comités recevant des communications et que la justice internationale (et a fortiori lorsqu’elle n’est que « quasi-justice ») est subsidiaire par définition : elle ne doit intervenir qu’en dernier ressort.
Il faut cependant pouvoir prévoir des mécanismes pour les cas où la justice nationale ne fonctionne pas ou qu’elle est trop lente. « Il convient alors de prévoir des procédures exceptionnelles dans lesquelles les communications peuvent être examinées avant épuisement des voies de recours internes. Ces cas exceptionnels doivent être encadrés par des garanties procédurales bien établies. » (Philippe Texier). Mais il est nécessaire que le mécanisme mis en place quant à cette règle, reste souple. (Léopold Donfack Sokeng)
Plusieurs solutions sont possibles comme en attestent les procédures existant déjà devant certaines instances onusiennes, le CAT (art.20), le protocole facultatif à la Convention CEDAW (art.8 et 9, qui permet de passer outre l’épuisement des voies de recours nationales en cas d’urgence – Shanti Daïriam) ainsi que les pratiques de l’Organisation Internationale du Travail, proches de celles du CEDAW. (Patrick Carrière)
« Dans le cadre du novateur Protocole additionnel à la Convention CEDAW, le Comité peut, s’il reçoit des informations dignes de foi, mener des enquêtes dans les pays où des violations graves et systématiques se produisent. Cette possibilité devrait être incluse dans le Protocole optionnel (au PIDESC) dans les cas d’atteintes particulièrement graves aux droits économiques, sociaux et culturels.
Il conviendrait aussi que le Comité d’experts puisse faire face aux situations d’urgence et s’assurer que ses décisions en réponse aux plaintes sont réellement mises en oeuvre par les gouvernements concernés. » (Nicholas Howen)
La règle de l’épuisement des voies de recours internes existent également dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, avec la réserve dans les cas où ces recours nationaux sont trop longs. (Léoplod Donfack Sokeng)
Les moyens d’y parvenir
Ont été évoquées plusieurs possibilités :
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Dans les cas d’allégations apparemment sérieuses de violations graves et systématiques de droits, le Comité pourrait s’autosaisir;
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Il pourrait alors établir une relation étroite avec le gouvernement concerné pour traiter les situations graves et urgentes et/ou prendre des mesures conservatoires;
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Ou user d’une procédure d’enquête (Inquiry procedure) dont il pourrait être doté;
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Un mécanisme permettant la prise de mesures conservatoires pourrait être mis en place dans les cas où il existerait un risque de commission de dommages irréparables pour la victime. La suspension ou la confirmation ultérieure de ces mesures conservatoires serait alors suspendue à un examen au fond de l’affaire.