Analysis file Dossier : L’Amérique Latine, des sociétés en pleine recomposition: quelques enjeux pour la construction de paix

Lauren Dickerson, Paris, January 2005

Costa Rica : la démocratie et la justice sociale comme facteurs efficaces de construction de la paix.

Pourquoi la démocratie et la paix se sont installées au Costa Rica, tandis que les pays voisins étaient traversés par l’autoritarisme et la guerre ? Comment se fait-il que le Costa Rica, plutôt que de tomber dans le piège de la violence à l’image de ses voisins, se soit érigé en constructeur de paix pour toute la région ? Un facteur semble essentiel : l’ensemble des réformes mises en œuvre à la moitié du XXe siècle dans le sens de la démocratie et de la justice sociale.

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Après la Deuxième Guerre mondiale, les problèmes économiques, politiques et sociaux ont culminé dans une guerre civile lorsque deux forces politiques se sont affrontées.

Le Président sortant Calderón Guardia a refusé de quitter le pouvoir après sa défaite lors des élections de 1948. Après un conflit armé de six semaines, l’opposition, menée par le socio-démocrate José Figueres Ferrer et le candidat présidentiel gagnant Otilio Ulate Blanco, a renversé le gouvernement de Calderón. Le pouvoir présidentiel a été cédé à M. Ulate.

Il ne s’agissait pas d’un simple changement de têtes au pouvoir, mais bel et bien d’une réforme profonde de l’État, du système économique et des rapports sociaux.

En 1949, une nouvelle constitution a été adoptée. Celle-ci avait pour objectif la mise en œuvre d’une véritable révolution démocratique et pacifique de la société grâce à des mesures majeures telles que :

  • Le renforcement du régime démocratique

Le suffrage universel a été instauré en s’ouvrant pleinement au suffrage féminin. Le suffrage direct a été employé pour la première fois dans l’histoire du pays. La nouvelle constitution a institutionnalisé le Tribunal électoral suprême. La réélection du Président a été interdite. La séparation des pouvoirs a été mise en pratique de façon effective.

  • L’option pour une politique sociale forte

Une réforme agraire efficace a été lancée. L’éducation est devenue gratuite et obligatoire : le gouvernement a créé des milliers d’écoles dispersées dans tous le pays, de la primaire aux études universitaires. Un système de sécurité sociale universel a été mis en œuvre. Le système de santé a été enrichi de moyens et de ressources permettant une attention aussi générale que performante. Les infrastructures ont été développées, notamment les transports publics et les moyens de communication.

  • La démilitarisation totale

Dans une option forte pour la paix, le gouvernement a procédé à la dissolution totale de l’armée.

 

De telles reformes électorales conjuguées avec la démilitarisation du pays ont donné lieu à une augmentation de la participation électorale des citoyens et ont complètement empêché les coups d’État depuis 1949, établissant ainsi au Costa Rica la démocratie la plus vieille et la plus stable d’Amérique centrale.

La démocratie et la justice sociale ont-elles facilité la construction de la paix au Costa Rica ? Le gouvernement costaricien a évité les bouleversements qui se sont produits chez ses voisins grâce à sa démocratie consolidée et à la prospérité sociale et économique que celle-ci apportait.

L’absence d’une armée nationale a empêché l’utilisation de la force pour la prise du pouvoir. Ceci a aussi permis d’investir davantage dans des programmes sociaux. Ceci est une sorte d’investissement pour le gouvernement : garantir un avenir prospère pour le pays attire les investisseurs étrangers qui se sentent rassurés de savoir que la main d’œuvre sera capable de fournir un travail de bonne qualité. L’augmentation de 250 % du PIB par personne au Costa Rica ainsi que l’augmentation de 1000 % du PIB total entre 1950 et 1996, période pendant laquelle il n’y a eu aucun conflit violent au Costa Rica, alors que le Guatemala, le Salvador et le Nicaragua connaissaient des conflits armés sanglants, montre les liens indirects pouvant exister entre une croissance économique socialement répartie et les indices de paix sociale. Des populations satisfaites et motivées ne ressentaient pas le besoin de se mettre en grève, de manifester ou d’envisager un coup d’État. La démocratie et la justice sociale se sont révélées, au Costa Rica, être des facteurs de construction de paix.