Analysis file Dossier : La politique américaine et ses évolutions depuis le projet du Grand Moyen Orient

, Paris, October 2006

Les tensions américano-iraniennes

Les enjeux de l’affrontement irano-américain.

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Relation Iran Etats-Unis

Avec le dossier du nucléaire, l’Iran est aujourd’hui au cœur des préoccupations internationales.

Après avoir ciblé l’Afghanistan et l’Irak, sous couvert de la politique née après le 11 Septembre, l’administration actuellement au pouvoir aux Etats-Unis, semble désigner l’Iran comme sa prochaine cible dans la région. Les pressions qui s’exercent sur l’Iran concernant son éventuel détournement du nucléaire à des fins militaires, ont en réalité pour origine une histoire conflictuelle plus ancienne entre les deux pays. Nous tenterons de brosser un portrait récapitulatif de la relation irano américaine.

I. Des relations historiques

Les premiers contacts entre les deux pays datent de la fin du XIXème siècle lorsque le Shah de l’époque a envoyé un ambassadeur en poste à Washington (1). Jusqu’à la seconde guerre mondiale, les relations ont été cordiales et la nation américaine a même servie de source d’inspiration, voir d’ un recours contre l’ingérence britannique et russe.

Les Etats-Unis ont réellement commencé à intervenir dans les affaires iraniennes dans les années 50, lorsque leurs intérêts ont paru menacé. En effet, en 1952 le premier ministre iranien Mossadegh, élu démocratiquement par le peuple, décide la nationalisation de la compagnie pétrolière britannique (Anglo-Iranian Oil Company) après que cette dernière n’aie pas partager ses profits comme prévu. Cet épisode sera suivi de l’exil du roi, puis d’un complot anglo-américain qui aidera à organiser un soulèvement populaire pour démettre le premier ministre. Au retour du Shah, les Américains misent tout sur lui et lui offrent un soutien sans limite malgré une dictature. Les investissements américains sont alors florissants et les intérêts américains sont préservés dans le pays.

Mais la Révolution iranienne, en 1979, change la situation et une République Islamique est proclamée à la tête de laquelle se trouve Khomeini. Cet ayatollah au pouvoir est profondément anti-américain. Cela vaudra à l’Iran de ne pas être officiellement soutenue par les Etats-Unis pendant la Guerre Iran-Irak de 1980 à 1988, étant devenue la nation dangereuse à abattre (2). Des achoppements se produisent entre les deux pays à diverses reprises notamment à l’occasion de la crise des otages de l’ambassade américaine de Téhéran en 1979 ou du vol Air 655 abattu en 1988 par les américains.

Depuis 1996, les Etats-Unis imposent à l’Iran et à la Libye un blocus presque total dans le commerce.

II. L’affaire du nucléaire

C’est en 2003 qu’en quittant l’Irak, les Etats-Unis lancent des avions sans pilotes pour espionner l’Iran sur son programme nucléaire. Aujourd’hui, les Occidentaux et Israël s’effraient du programme nucléaire iranien mais cela fait près de cinquante ans que l’Iran rêve d’énergie nucléaire.

Longtemps avant la révolution islamique, le Shah d’Iran poursuivait déjà ce but, avec l’assentiment des Etats-Unis et de la France… La révolution islamique a changé la donne pour les Occidentaux mais des engagements avaient été pris, des technologies fournies (3).

En effet dès la fin de la deuxième guerre mondiale, la France qui cherche à mettre au point la bombe nucléaire a besoin d’un approvisionnement en uranium, elle se tourne donc vers l’Iran une région particulièrement riche dans cette matière.

Dans les années 70, l’Iran devient actionnaire à 10 % de l’usine de production en uranium enrichi nécessaire pour toute utilisation nucléaire et en échange reçoit 10 % de la production. Mais la révolution islamique fait changer la France de position et celle-ci ne respecte plus l’accord. Une vague d’attentats en France en 1986 et des enlèvements d’otages français au Liban semblent secouer le gouvernement français qui finit par rembourser une partie de l’investissement sans pour autant fournir l’uranium.

Finalement, après le règlement de la question, dans les années 90 l’Iran se tourne vers la Russie.

Le 11 Septembre 2001 change toute la portée de la question, l’Iran qui tente un rapprochement accéléré avec les Etats-Unis se voit rejeté par l’administration Bush qui la place dans « l’Axe du Mal ». Des opérations de guerre ont lieu autour d’elle, en Afghanistan et en Irak, elle se trouve encerclée par des bases militaires. Cette pression autour de l’Iran aura pour effet de radicaliser la scène politique iranienne avec l’accession au pouvoir d’un conservateur : le président Ahmadinejab.

A partir de là, l’affaire du nucléaire va jouer toute son importance car pour des raisons de politique interne les deux pays ont intérêt à instrumentaliser cette question. Pour l’Iran c’est une manière de resserrer les rangs de la population derrière elle face aux difficultés politiques du pays, pour cela rien de mieux que de clamer le droit de détenir l’indépendance nucléaire et même pour la rhétorique, d’aller jusqu’à menacer Israel. Pour les Etats-Unis, la situation en Irak étant désastreuse et de plus en plus contestée et la politique interne rencontrant des difficultés, le Président cherche de toute évidence à détourner l’attention des Américains.

Suite à l’envoi de drones survolant l’Iran, les Etats-Unis recueillent très peu d’informations mais restent persuadés que si l’Iran cache son programme nucléaire, c’est qu’elle développe non pas du nucléaire civil comme le Traité de Non–prolifération du nucléaire qu’elle a signé l’autorise, mais plutôt qu’elle met au point l’arme atomique. Les pressions internationales se multiplient à mesure que les déclarations anti-sémites ainsi que celles de destruction d’Israël du président Ahmadinejab se propagent.

Le 8 Mars 2006, les représentants des Etats-Unis et de l’Europe ont appris que l’Iran avait assez de gaz hexafluoride en uranium non enrichi pour fabriquer 10 bombes atomiques, mais il lui manque la technologie pour enrichir l’uranium. Ces représentants décident qu’il est temps de freiner les ardeurs de l’Iran. La France, la Grande Bretagne et l’Allemagne proposent un compromis qui permettrait à l’Iran de se fournir en uranium enrichi à des fins civiles.

Mais, l’Iran refuse d’être dépendante en approvisionnement de l’exterieur. Les Etats-Unis adoptent une position ferme et engagent un bras de fer. La tension monte avant l’été, mais les événements au Liban semblent calmer le jeu car en Septembre 2006, la France propose de ne pas recourir tout de suite à des sanctions en passant par le Conseil de Sécurité de l’ONU, mais de privilégier une réponse diplomatique tout en restant ferme. Cette position convainct les Américains et aujourd’hui, peut être conscients des risques à s’engager dans une nouvelle guerre dans la région, les Etats-Unis semblent s’éloigner d’une solution militaire.

III. L’Iran un enjeu stratégique

La politique américaine au Moyen-Orient passe évidemment par l’Iran. De tout temps les Américains semblent avoir voulu empêcher l’émergence d’une quelconque puissance dans le Moyen Orient. Cette stratégie est en réalité une approche intéressée de sauvegarde des réserves naturelles de la région. Les deux seuls pays à avoir pu prétendre au titre de puissance régionale sont l’Iran mais aussi l’Irak. Dans les années 70, l’Irak était courtisée par tous les pays occidentaux, son niveau de développement, sa modernisation,… ont explosé avec la rente pétrolière et malgré un régime dictaturial. L’Iran a connu un développement similaire avant la révolution islamique. Mais ces deux pays qui sont respectivement la 2ème et la 3ème source de pétrole de la région se sont affrontés dans une guerre fratricide où les Occidentaux et les arabes de la région avaient soutenu l’Irak contre « la menace islamique et fanatique ». Ce soutien a été officiel durant toute la Guerre mais en réalité les 2 camps se sont vus approvisionnés en armes alors : querelle de voisinage ou logique d’auto destruction de deux prétendantes puissances ?

A l’instar de l’Irak, l’Iran avait tout pour réussir même après la révolution islamique. Aujourd’hui encore après avoir été affaibli par la Guerre avec l’Irak, le pays s’est reconstruit et n’a pas connu d’embargo ni de guerres comme son voisin. A l’heure actuelle, l’Iran est le pays le plus peuplé au Moyen-Orient, le 4ème exportateur de pétrole, la 2ème réserve en gaz et contrôle le détroit d’Ormuz par où passe obligatoirement tous les approvisionnements en pétrole dans le monde.

L’Iran représente donc pour les américains un enjeu important de cette région et le dossier nucléaire en a pour cela d’autant plus de répercussions.

Notes

  • (1) : « Histoire de l’Iran et des iraniens »,des origines à nos jours, Jean-Paul Roux, Ed. Fayard 2006.

  • (2) : " Population et politique en Iran " de la monarchie à la république Islamique, Marie Ladier-Fouladi, I N E D- 2003, p. 170.

  • (3) : « L’Iran nucléaire », Nader Barzin, Ed. L’Harmattan, Décembre 2005.