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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, France, octobre 2008

Une éthique militaire pour un monde meilleur

L’armée est une institution d’État, détentrice de la force des armes. Mais à quelles conditions l’emploi de la force armée est-il légitime ? C’est à cette question que doit répondre l’éthique militaire. Pour un militaire, œuvrer pour un monde meilleur, c’est concilier la nécessité, parfois, d’user de la force avec l’exigence du principe d’humanité. Selon ce principe, tous les hommes appartiennent à une commune humanité et chacun a un droit au respect de sa vie, de son intégrité, de sa dignité.

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Cet écrit présente quelques notes pour une possible et nécessaire éthique militaire. Il évoque des sujets tels que la légitimité du recours à la guerre et la légitimité dans la conduite de la guerre.

Une éthique fondée sur le principe d’humanité.

La conscience de l’unité du genre humain s’est imposée progressivement au cours des siècles. Paradoxalement, on peut penser que l’ampleur des régressions barbares du XXème siècle et l’horreur qu’inspirent des images relayées par les moyens de communication modernes ont contribué à élargir cette pleine conscience à ce que l’on appellera le principe d’humanité :

Tous les hommes, quels que soient leur race, leur nationalité, leur sexe, leur âge, leur opinion, leur religion, appartiennent à une commune humanité et chacun a un droit imprescriptible au respect de sa vie, de son intégrité, de sa dignité.

Ce principe, qui se situe au cœur du bien commun de notre monde désormais global, se décline sous trois aspects :

  • L’universalité de l’homme;

  • La valeur de la personne humaine, de sa vie, de son intégrité, de sa dignité;

  • L’exigence que nous avons d’œuvrer pour un monde meilleur.

L’armée : une institution d’Etat, détentrice de la force des armes.

L’armée est une organisation détentrice du pouvoir que lui donnent les armes dont elle est équipée. Autrement dit, du redoutable pouvoir de provoquer la destruction et la mort. Elle relève d’un Etat, sinon ce n’est pas une armée, mais une bande ou une milice. Son caractère hors normes en fait l’une des expressions les plus fortes du pouvoir de cet Etat.

Or, la fonction première de l’Etat est d’assurer la protection des citoyens face aux violences du monde. L’armée est ainsi, au service de cet Etat, le moyen le plus significatif de détourner et, si nécessaire, d’affronter et de vaincre ces violences. Mais comment l’usage de la force que cela suppose, avec sa capacité de destruction et de mort, peut-il être compatible avec l’exigence de service du bien commun, subordonné au « principe d’humanité » ? Autrement dit, à quelles conditions l’emploi de la force armée est-il légitime ? Telle est la question à laquelle doit répondre l’éthique militaire.

Légitimité du recours à la guerre.

Cette question s’est posée depuis des siècles. La réponse élaborée en Occident dès le Moyen Age trouve aujourd’hui un regain d’actualité.

Le recours à la guerre est légitime :

  • Si l’autorité qui en décide est elle-même légitime ;

  • Si l’on a épuisé tout autre moyen de parvenir à ses fins ;

  • Si l’intention est droite, c’est-à-dire que l’objectif est bien le retour à la paix et non pas quelque autre but caché ;

  • Si les moyens mis en œuvre sont à proportion du péril à combattre ;

  • Si les dégâts occasionnés ne risquent pas d’être supérieurs à ceux que l’on veut éviter ;

  • Si, enfin, il y a des chances raisonnables de succès.

Or, dans la période récente, on a distingué,

  • Des « opérations autres que la guerre », avec des militaires armés pour la seule auto-défense, généralement sous égide de l’ONU.

  • Des opérations de guerre, avec la mise en œuvre d’emblée de moyens de destruction considérables.

L’expérience a montré l’inanité du concept. En effet, dans le premier cas, la « force », impuissante face aux violences déchaînées, ainsi qu’on a pu le voir en Bosnie dans les années 92-95, trahit par défaut les valeurs qu’elle prétend défendre.

Dans le deuxième cas, avec l’ampleur des destructions et des « dégâts collatéraux », on les trahit par excès.

En fait, l’action militaire est une : c’est toujours, potentiellement au moins, l’usage de la force à la mesure des violences à combattre, du plus bas niveau d’intensité, au plus élevé si nécessaire. Mais une force dosée, maîtrisée, ni trop, ni trop peu.

Ainsi, les conditions de la légitimité de la guerre rappelées ci-dessus sont, elles, plus que jamais d’actualité ; pour s’en convaincre, il suffit de penser à la funeste guerre d’Irak en cours.

Légitimité dans la conduite de la guerre.

A supposer que la guerre soit légitime, encore faut-il qu’aux niveaux d’exécution, les comportements des militaires n’entachent pas cette légitimité par leur cruauté ou leur barbarie.

Le « droit des conflits armés » d’aujourd’hui, ratifié par toutes les nations du monde, a redonné vigueur, là aussi, à l’idéal multiséculaire d’une « guerre sans haine ». Il peut se résumer en deux exigences :

  • Les belligérants doivent avoir le souci d’épargner ceux qui ne portent pas les armes, autrement dit les populations civiles ;

  • L’adversaire doit être respecté ; lorsqu’il est désarmé, blessé ou prisonnier, ce respect dû à sa dignité d’homme s’étend à sa vie et à son intégrité physique.

Ces exigences se heurtent aux réalités : celles du combat, avec l’ivresse meurtrière qui peut s’emparer des combattants ; celles aussi de spectacles insoutenables qui peuvent appeler à la vengeance ou aux représailles.

Or, dans ces situations concrètes, ce ne sont pas les grands principes qui sont le ressort de l’action. L’ultime ressort, parfois le seul, c’est la force de cohésion du groupe. Elle repose sur la « fraternité d’armes », ce lien qui unit aussi bien les camarades entre eux, que ceux-ci à leurs chefs, et grâce auquel se développe une exceptionnelle confiance collective.

Mais c’est, bien sûr, pour le meilleur ou pour le pire.

C’est pourquoi le rôle des chefs est déterminant. Il leur revient de capter la confiance, d’abord par leur compétence, mais aussi par un exercice de l’autorité combinant une nécessaire fermeté avec une exemplarité sans faille et une attention bienveillante portée à chacun de leurs subordonnés. Ainsi pourront-ils les former et les commander de sorte que soient dominées les pulsions de haine et de meurtre.

Il leur revient aussi, dans ces situations terribles où il n’est pas de bonne solution, de cultiver le discernement et le caractère qui leur permettront de choisir la moins mauvaise et de décider, dans leur pleine liberté d’hommes.

Pour conclure….

Pour un militaire, œuvrer pour un monde meilleur, c’est concilier la nécessité, parfois, d’user de la force avec l’exigence du principe d’humanité. Pour cela, le rôle des chefs est primordial.

La conscience de leurs immenses responsabilités en la matière et les expériences positives qu’ils peuvent en avoir ne doivent toutefois pas les aveugler. Le pouvoir exorbitant qui est, de fait, le leur, est soumis, pour ne pas courir le risque d’être dévoyé, à une double injonction :

  • Une subordination stricte du militaire au politique, garant du bien commun,

  • Des liens étroits à cultiver avec la société civile, dont l’armée n’est que la délégataire dans des valeurs partagées.

Il y va, là aussi, de l’édification d’un monde meilleur.

Notes

  • Cette fiche est extraite de la rubrique « Lettre du mois » du site web de l’Alliance internationale des militaires pour la paix et dans la sécurité (www.world-military.net).

  • Tous les textes et autres illustrations contenus dans www.world-military.net sont sous licence Creative Commons 2.0 France License : paternité, pas d’utilisation commerciale, pas de modification.