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Paris, 2008

Les nouvelles formes de violence sociale en Amérique Latine : les gangs comme facteurs de conflits et comme acteurs de violence

Explication d’un phénomène qui a pris de l’ampleur en un laps de temps très court, portrait d’un combat quotidien de la part des gouvernements et de la population victimes.

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I. Histoire et Origines

Dans leur appellation d’origine, les Gangs, composés de dizaine de milliers de membres sont connus sous le nom de « Maras ». Le mot Maras pourrait être une contraction de « Marabunta », qui désigne les « fourmis chasseuses » qui dévastent régulièrement une grande partie de la forêt amazonienne. Les gangs se réfèrent donc à ces fourmis « destructrices » qui ravagent l’Amérique Centrale. Une deuxième signification du mot « Maras » serait à trouver dans le prénom « Mara » qui signifie la Vierge Marie.

Les Gangs se sont développés en Amérique Centrale dans des pays tels que le Salvador, le Guatemala, le Nicaragua et Honduras. Ils sont également actifs au Mexique, ainsi qu’en Californie, dans des villes comme Los Angeles, comme cela fut le cas lors des émeutes de 1992. Les personnes accusées et arrêtées lors de ces émeutes étaient composées de 44 % d’hispaniques, c’est ainsi que le gouvernement américain, décida un an plus tard, en 1993 de déporter ces membres de Gangs vers l’Amérique Latine.

Sur un plan social, nous pouvons tout d’abord analyser ce phénomène à travers le système de discrimination sociale qui existe en Amérique Centrale. Certains citoyens ont su s’intégrer correctement à la société malgré des mutations liées à la mondialisation, tandis que les personnes exclues par ce système n’ont pas réussi à s’adapter à ce nouveau contexte social et économique. Ces personnes se sont alors tournées vers les Gangs, comme une réponse à leur mal-être, et à cause du peu de considération qu’on leur accordait. Elles étaient les premières touchées par la pauvreté et le chômage. La grande majorité des adolescents qui y participent actuellement ne sont pas scolarisés, n’ont pas accès au droit à l’éducation, et vivent dans les rues, sans repères familiaux. Les Gangs se présentent alors à eux comme une évidence, comme une manière d’intégrer une nouvelle famille, de trouver une certaine reconnaissance à travers leurs actions, et de se faire rapidement de l’argent. Ils peuvent s’affirmer, et avoir enfin accès à la Société de consommation.

L’âge moyen pour entrer dans un gang est de dix neuf ans et pour les chefs de trente à quarante ans. Cependant, beaucoup d’enfants décident d’y rentrer plus tôt, entre neuf et douze ans. Une des caractéristiques des Maras est de porter des tatouages sur tout le corps, comme signe d’appartenance à un clan, mais aussi comme signe de courage.

L’ONG « Save The Children » qui s’occupe des droits de l’enfant à travers le monde, a tenté d’expliquer ce phénomène, et a essayé de comprendre les raisons sociales qui poussaient ces jeunes à intégrer les Maras. Leur rapport contient cette description « il s’agit d’un adolescent ou d’un jeune le plus souvent majeur, habitant un quartier déshérité avec des parents relativement pauvres, qui reproduit dans une deuxième génération les conditions d’indigence et de privation vécues par ses géniteurs. Dans la plupart des cas, il possède, comme ses parents, un bas niveau d’instruction générale, il occupe un emploi peu qualifié et il perçoit de son travail un revenu relativement bas. »

Sur le plan politique, les instabilités politiques au sein des pays d’Amérique Centrale, bafouant les principes démocratiques et les libertés fondamentales des citoyens, ont probablement indirectement contribué au développement des Gangs. Les membres ont su profiter de ces périodes de crise et de pauvreté pour étendre leurs actions et s’enroller dans la criminalité.

Cependant leurs actes ne sont pas politiques pour autant. Leur but premier est de commettre des crimes, et de contrôler le plus de quartiers possibles, comme cela est le cas au Salvador où environ quinze quartiers sont touchés. Ces membres pratiques aussi le vol, vendent de la drogue, trafiquent des armes, et des personnes sans-papiers. Les gangs sont donc actuellement un phénomène exclusivement urbain.

La répression de ces gangs n’est pas non plus le moyen le plus adapté pour faire cesser les activités. Il a été conclu dans un rapport des Nations Unis que plus les autorités cherchaient à punir ces jeunes, plus les tentatives échouaient. Le problème venant du fait que ces personnes ne sont pas éduquées, et possèdent peu de ressources, des mesures sociales seraient à prendre afin de les aider à s’insérer dans la société, au lieu de soutenir les stratégies répressives comme « la Mano Dura » au Guatemala ou la Tolérance Zéro au Salvador.

II. Les activités des gangs

Depuis la fin des années 1990, la violence juvénile organisée s’est invitée de manière stable dans presque tous les gouvernements centraméricains. Les quartiers défavorisés sont peu surveillés par la police ce qui crée des conditions propices à la formation de véritables « enfants-soldats urbains ».

Les jeunes deviennent des cibles parfaites pour le recrutement par les gangs armés. Les maras exploitent la misère et recrutent ces jeunes désillusionnés qui trouvent dans l’activité criminelle une source de mobilité sociale, d’estime de soi et de revenus. Beaucoup de Maras sont essentiellement composées d’enfants ayant à peine sept ans et d’adolescents. Les maras sont spécialisées dans le trafic d’armes, de drogues, dans le racket, le cambriolage, les enlèvements contre rançon et dans la prostitution. Les membres de ces Maras sont parés d’imposants tatouages pour mieux se reconnaître, ce qui facilite par la même occasion leur repérage par les gangs rivaux ou les autorités ; et rend très difficile leur réintégration dans la vie civile. « La vida por las Maras », ou la vie pour le gang est une phrase couramment prononcée par ces groupes. Et l’assassinat d’innocentes victimes fait partie intégrante de leur initiation. Le langage des signes est leur mode de communication ce qui leur permet de se reconnaître entre eux, d’une bande à l’autre.

Les bandes les plus importantes, les plus violentes et donc les plus connues, les plus craintes, sont la Mara Salvatrucha 13 et la Mara 18. Ces deux maras ont atteint des dimensions jusque là inégalées en Amérique latine et sont devenues un référent central des politiques sécuritaires au Salvador, au Honduras, au Guatemala et dans une moindre mesure au Nicaragua. Ces gangs ont construit un monde parallèle avec ses règles, ses rites initiatiques, son économie et sa morale.

La MS13 compterait dans ses rangs entre 50 000 et 70 000 jeunes, dont 10 000 aux Etats-Unis. Mais elle n’est qu’une des nombreuses bandes actives dans plusieurs villes américaines, qui comptabiliseraient au total entre 750 000 et 850 000 individus. Et selon les autorités, le réseau de la M18 et de la MS13 s’étendrait du Canada au Panama.

Les membres des gangs se partagent des quartiers et défendent leurs territoires en les marquant par des tags partout où il y a de la place. Ils rançonnent les commerçants, les chauffeurs de bus et de taxis, et les habitants en échange de leur protection et tuent ceux qui n‘acceptent pas de payer. Ils sont également impliqués dans l’immigration illégale vers les Etats-Unis.

La M18 et la MS13 contrôlent également l’axe ferroviaire reliant la frontière entre le Chiapas et le Guatemala avec le Nord du Mexique. Cette mainmise représente pour ces bandes, à la fois une source financière et l’occasion d’affirmer leur puissance sur le territoire.

De plus, selon le Washington Post, le MS13 aurait aussi établi un important centre de contrebande à Mexico. En effet, l’activité des maras s’est récemment étendue au Sud du Mexique où les autorités ont annoncé de nombreuses arrestations de membres présumés de la MS13 et la M18, et ont renforcé leur dispositif de surveillance de la frontière pour juguler leur action.

Mais plus que ces délits, c’est la guerre que se livrent les deux bandes dominantes qui contribue à créer dans la population un fort sentiment d’insécurité. Pour donner un exemple, sur quelques deux milles homicides commis chaque année au Salvador, la police affirme que 40 % sont attribuables aux affrontements entre maras.

En effet, les Maras sont en concurrence essentiellement pour obtenir le titre de mara dominante, courageuse et dangereuse, raison pour laquelle elles mettent tout en œuvre pour démontrer leur supériorité directe et claire sur leurs rivaux. Et la rivalité entre les Maras est une mise à mort. En effet, extrêmement violents, les membres des gangs n’hésitent pas à abattre les membres de gangs rivaux par arme à feu mais aussi souvent par arme blanche.

Mais en plus de toutes ces activités illégales, les gouvernements du Salvador, du Honduras et des Etats-Unis ont émis l’hypothèse qu’il existerait des liens entre la Salvatrucha 13 et la M18, et le terrorisme international, et plus précisément avec le réseau Al Qaida d’Oussama Ben Laden. Toujours d’après cette hypothèse, les néoconservateurs de Washington diffusent l’idée selon laquelle les terroristes d’Al Qaida auraient recouru aux Maras pour s’introduire aux Etats-Unis. Nombreux sont aussi les fonctionnaires de l’Etat comme le ministre de la sécurité du Honduras, Oscar Alvarez, qui affirment que les Maras sont liées à la guérilla colombienne. Mais pour l’heure, ni le gouvernement américain, ni ceux d’Amérique centrale n’ont pu apporter de preuves ni d’éléments concrets sur l’existence de liens entre les Maras et ces groupes terroristes.

En 2004, toujours partant de l’hypothèse qu’il existerait des liens avec Al Qaida, le Washington Times reprenait la « nouvelle » selon laquelle Adnar G. el-Shukrijumah, terroriste d’origine saoudienne, considéré par le FBI comme un des principaux relais d’Al Qaida en Amérique, avait été vu au Honduras lors d’une rencontre avec les chefs de la MS13. Toujours selon le journal, l’entrevue aurait eu pour but de planifier des attentats contre les ambassades américaine, britannique et espagnole dans la capitale du pays. Mais cette information demeure infondée.

Récemment, il semble que les Maras soient en voie de professionnalisation, les chefs de gangs tentant de rentabiliser leurs profits.

Enfin, les Maras sont aujourd’hui, selon les spécialistes, le réseau criminel le plus étendu d’Amérique, devant les guérillas, et l’un des plus prolifiques au monde. Les gouvernements du Honduras, du Salvador et du Guatemala ont opté pour des mesures répressives et purement policières afin d’essayer de faire obstacle au phénomène des Maras.

III. Ambitions et influence des gangs

On ressent les activités des gangs au niveau :

  • Economique (coût du système de santé, judiciaire, policier) ;

  • Démographique (taux de mortalité plus élevé avec meurtres, suicides, drogues et alcool) ;

  • Social (relations interpersonnelles, qualité de vie) à tous les niveaux de la société.

A. A l’échelle locale

Un gang se crée au départ par nécessité : issus des quartiers les plus défavorisés, des jeunes se regroupent pour trouver sécurité et soutien. Leurs activités (trafic en tous genres) leur permettent de gagner beaucoup d’argent et l’appartenance au gang devient aussi une promesse de richesse, un exemple pour les plus jeunes.

On peut donc résumer l’« utilité » du gang en 3 mots : protection, pouvoir et argent.

Les gangs font régner la terreur dans leurs quartiers, tuant pour un ticket de bus et faisant payer des taxes d’entrée dans leur zone d’appartenance. Cela contribue à enclaver les quartiers pauvres, et favorise donc le chômage et l’exclusion. Par exemple, 67 % des usagers des transports en commun de la ville de Guatemala ont déjà vécu au moins une attaque.

Tout manque de respect de la part de la population, toute trahison ou tentative d’abandon du gang sont punis de mort. Ils n’hésitent pas à tuer femmes et enfants pour se faire craindre et faire régner leur loi. Plus un membre a tué de personnes, plus la méthode a été cruelle et plus il est respecté par ses pairs.

Prendre la vie de quelqu’un est passé du crime impardonnable au défi, c’est un jeu qui n’a pas de règles. Comme si les jeux vidéo de guerre étaient passés de la fiction au réel. On tue pour le simple plaisir, on omet l’étape de la dispute, de l’argumentation, pour passer de la simple conversation au règlement de comptes meurtrier.

L’insécurité est telle que des « contre-gangs » se forment de façon spontanée, insatisfaits des efforts gouvernementaux, et font leur propre justice : les « escadrons de la mort » (Sombra Negra au Salvador). Ils se composent d’anciens militaires ou policiers, et font également régner leur loi mais dans le seul but d’éliminer les membres des gangs. Ils sont souvent cautionnés par les habitants, désireux d’en finir au plus vite avec le danger de mort omniprésent. Corrompus, les représentants du gouvernement ferment les yeux sur les meurtres.

Les habitants assez riches pour payer une garde privée sont protégés. En revanche, les habitants, eux, ne sont pas protégés de cette police qui tue dès qu’elles sentent un danger, parfois à tort.

B. A l’échelle nationale

Les politiques ont beau soudoyer les gangs au moment des élections, il n’existe pas de volonté de prendre officiellement le pouvoir politique, en fait les gangs jouent sur la violence pour intimider le gouvernement afin qu’il les laisse agir librement. Le fils du président du Honduras Ricardo Maduro a été kidnappé et assassiné en 1997, un gang a fait parvenir au gouvernement le corps démembré d’un homme avec le message suivant : « D’autres gens mourront… les prochaines victimes seront la police et les journalistes ». De plus, 28 personnes, dont des enfants, ont été tuées dans un bus du Honduras en 2004 en guise de représailles suite à l’arrestation de membres importants.

Les gouvernements les plus touchés (Salvador, Guatemala) ont durci leurs lois et lancé une politique répressive, comme par exemple la « Mano Dura » au Salvador. Elle engage l’emprisonnement jusqu’à 12 ans de toute personne suspectée d’appartenir à un gang par son tatouage ou les personnes qu’elle fréquente, sans aucune preuve. Cette loi est très controversée par les associations de défense des droits de l’homme puisqu’elle viole les principes des libertés fondamentales en rendant tout geste suspect, et ne concerne qu’une partie de la population. Et pourtant, de nombreux témoignages de la population latino-américaine cautionnent ce plan. Pour elle, il n’est pas question de parler des droits humains des membres de gangs alors que ceux-ci violent les leurs.

D’un autre côté, le gouvernement a mis en place un système plus positif de prévention des gangs : « Mano amiga », qui prépare les jeunes à la réinsertion sociale.

Le problème est que l’accent mis sur les lois immédiates et répressives empêche de consacrer une plus grande partie du budget du gouvernement à d’autres actions pour sortir le pays de sa pauvreté et donc prendre le mal à la racine. Le court terme est globalement favorisé parce qu’il refuse de sacrifier une génération de jeunes (qui représentent l’avenir du pays) au profit de l’éducation des enfants avant leur enrôlement dans les gangs.

En revanche, les gangs ont beau constituer une partie majeure du problème des pays d’Amérique Centrale, on ne peut pas les accuser de tous les maux et ils ne sont pas la cause de la pauvreté mais sa conséquence directe. Les gouvernements l’oublient bien souvent et se concentrent sur les gangs alors que la solution pourrait se trouver ailleurs, dans un développement durable et sur des bases économiques solides de saines.

C. A l’échelle “internationale”

Le fort taux d’immigration vers les Etats-Unis, surtout dans les années 1980 après la guerre civile du Salvador (100 000 victimes, un à deux millions d’immigrants), a permis aux gangs d’accroître leur champ d’action.

Les trafics internationaux de voitures volées ou armes contre drogue sont nombreux et les membres des gangs ne redoutent ni la prison américaine, bien plus confortable que celles d’Amérique Latine, ni la loi qui est bien loin de la « tolérance zéro ». D’après une étude, 80 % des voitures conduites au Salvador sont des voitures volées aux Etats-Unis. Le commerce officiel du pays est donc concurrencé, c’est une véritable économie souterraine qui s’est mise en place et qui mine les pays de l’intérieur au niveau économique.

D. Perspectives

En plus des conséquences visibles et déjà énoncées, on constate une influence grandissante des gangs à l’étranger : le besoin de sensationnel de la presse pousse aux crimes sordides, les jeux vidéo (par exemple « La guerre des gangs ») ne favorisent en rien l’aversion des jeunes pour ces pratiques, mais les poussent plutôt à la fascination. Certes, un jeune étranger (c’est-à-dire non ressortissant d’Amérique Latine) ne court aucun risque de se voir mêlé à un gang quel qu’il soit, mais le narcotrafic s’infiltre partout à l’étranger et son commerce augmente leur puissance : un jeune français, par exemple, en achetant régulièrement de la drogue, contribue à favoriser ces pratiques. La solution ne se trouve pas dans la simple sensibilisation à ce problème, c’est tout un phénomène de dépendance qu’il faut combattre, un réseau très développé.

IV. L’aspect international dans le combat contre les gangs

Pour comprendre la situation actuelle des gangs en Amérique Centrale, il faut aborder la question de leur portée géographique. On a déjà vu dans la partie histoire des gangs que les groupes sont nés des événements hémisphériques, pas seulement locaux.

Les gangs sont des organismes internationaux non seulement au niveau de leurs finances et de leurs liens avec le trafic des drogues, mais aussi au niveau social et démographique. Les mêmes gangs qui opèrent au long de l’isthme centroaméricain (surtout au Salvador et au Guatemala), ont des liens forts avec d’autres pays – surtout les Etats-Unis. Les gangs sont un phénomène international avec des conséquences pour toute la région.

Selon l’analyste Ana Arana, l’expulsion systématique des immigrés clandestins depuis les États-Unis vers les pays du sud a favorisé la création des réseaux des gangs plus forts partout dans le continent. (1) En exportant des criminels étrangers aux pays où le système judiciaire n’est pas capable d’administrer la justice, la politique des Etats-Unis a encouragé la libération en avance de ces mêmes criminels, qui reviennent fréquemment aux Etats-Unis pour rejoindre les autres 10,000 membres qui habitent au nord du Rio Grande. (2)

Un exemple de ce cycle : Melvin Cruz-Mendoza, un membre du Mara Salvatrucha (connu aussi comme le M-13), a fait le voyage entre le Salvador et Los Angeles 5 fois. Arrêté en 2004 pour le cambriolage, il a été renvoyé à son pays. Deux mois plus tard, il a été arrêté à la frontière entre le Mexique et le Texas. Selon la loi américaine, rentrer dans le pays après une expulsion vaut une peine de 20 ans, mais les citoyens texans préfèrent jeter que tremper leurs prisons avec des non-citoyens. Alors, Cruz-Mendoza a été renvoyé au Salvador. Un policier de sécurité frontière américain décrit la situation comme un « carrousel ». (3)

Cette politique trouve ses origines dans les émeutes de Los Angeles de 1992, où la tension raciale a fait que la majorité blanche est devenue plus figée dans leur peur des non-blanches – non seulement les noirs mais aussi les immigrés centroaméricains. A partir de cette année, les politiciens connus pour leurs politiques « Mano dura » contre les immigrés ont gagné plus d’élections.

Dans le cadre de la nouvelle politique anti-immigré suivant les émeutes de 1992, les immigrés clandestins qui avaient commis des offenses, même ceux qui sont venus aux Etats-Unis à l’âge de 2 ou 3 ans et qui ne parlaient même pas l’espagnol, ont été renvoyés dans leur pays d’origine. Arrivées au Guatemala, par exemple, sans aucune connaissance ni de la culture, ni de la langue, ni même des gens, ces personnes cherchent forcément à répliquer leurs réseaux sociaux (les gangs) :

  • Soit ils continuent à appartenir à leurs gangs internationaux-américains (comme le Mara Salvatrucha ou Barrio 18) ;

  • Soit ils en créent de nouveaux (d’où la présence de 340 gangs au Guatemala, selon la police nationale) (4).

Et même ceux qui finissent dans les prisons centraméricains ont toujours le droit d’exercer pas mal de pouvoir de ces prisons, qui sont devenus pratiquement des bases des maras (comme dans le cas des prisons Ciudad Barrios et Quetzaltepeque au Salvador). (5)

Encouragé par les Etats-Unis, dans les années 2000 les gouvernements du Honduras et du Salvador ont passé des lois « Mano dura » et « anti-maras » qui ont fait qu’un membre de gang peut être condamne pour un crime avec très peu d’évidence. Dans ces mêmes pays, on a noté la croissance des groupes anti-maras extramilitaires comme {« Sombra Negra » qui se charge de l’exécution des membres de gangs. (6)}} Le Guatemala, sous Oscar Berger a choisi de ne pas passer des lois nationales visées aux maras (ils n’employaient que des initiatives locales), et dans les élections de 2007 le candidat de droite, du partido patriota (un nouveau parti politique qui soutient une politique de « Mano dura ») a perdu en faveur du candidat de centre-gauche, Alvaro Colom. Ce résultat est une indication d’une vague de changement politique en Amérique Latine. L’explication pour les victoires récentes des gauchistes se trouve principalement dans les questions économiques, mais en Amérique Centrale, où des sondages montrent que la préoccupation majeure des citoyens est celle de la violence et de l’insécurité, la victoire électorale de la gauche reflète le désir d’une nouvelle approche pour combattre les gangs. (7) Pour le moment, malgré les efforts des Etats-Unis de « nationaliser » le combat anti-gang, le Guatemala continue sur son chemin de combat contre les gangs dans des zones spécifiés, avec le soutien financier de 15 millions de dollars chaque année des Etats-Unis à travers les fonds de l’A.I.D. (American International Development Organization). (8)

La présence étrangère dans la lutte contre les gangs reste assez petite, surtout à l’échelle militaire et policière. Plusieurs gouvernements européens, notamment les belges et les espagnols, ont soutenu les initiatives éducatives et culturelles, mais les Etats-Unis est le seul gouvernement à offrir de l’entraînement et de la collaboration militaire et technique. Par contre, les ONG étrangères de tous les continents ont contribué au combat anti-maras dans le domaine de l’éducation et de la « réhabilitation ». L’ONU sponsorise le programme « Casa Joven », des centres culturels pour les jeunes de la rue dans plusieurs pays. Selon le témoignage du chef d’USAid dans le pays, les églises, surtout les nouvelles églises protestantes, ont beaucoup aidé les membres des maras à sortir de leurs situations. Un défi spécifique pour les étrangers voulant contribuer au combat contre les gangs, c’est que la situation des droits humains reste délicate dans ces pays qui sont récemment sortis de guerre et dont la population ne veut pas une forte présence militaire.

L’ironie du rôle des Etats-Unis dans le combat contre les gangs en Amérique Centrale, c’est que la politique étrangère des Etats-Unis, surtout le financement des gouvernements qui violaient les droits humains dans les années 70 et 80, est une cause principale des vagues d’immigration vers les Etats-Unis, ce qui a rendu le problème des gangs plus complexes, plus larges, et plus difficile à combattre.

Aujourd’hui, la problématique peut se centraliser sur trois questions primaires :

  • 1) A l’échelle humanitaire, quel rôle peuvent avoir les gouvernements étrangers en aidant les gouvernements centraméricains à combattre les gangs sans remilitariser ces sociétés ? Il semble que les initiatives éducatives, culturelles, et réformatrices ne sont pas suffisantes pour aborder les racines du problème des gangs.

  • 2) Au niveau de la politique intérieure des pays centraméricains, comment les dirigeants peuvent-ils adopter des mesures effectives contre la menace des maras sans empêcher la nouvelle tendance latino-américaine vers la démocratisation ? C’est-à-dire, si nous considérons l’aide actuelle des étrangers comme étant insuffisante, quels changements faut-il faire ? Peut-on parler d’un sacrifice temporaire des droits démocratiques pour le but de développement politique à long terme ? Ou est-ce que cette attitude va renvoyer ces démocraties naissantes au années 80 ? Si les Etats-Unis voient que les gouvernements centraméricains font des progrès dans leur combat contre les gangs, mais aux dépens de la liberté politique, doivent-ils toujours soutenir financièrement ces pays ?

  • 3) A l’échelle économique, l’ouverture aux marchés libres (surtout au commerce avec les Etats-Unis) va-t-elle créer suffisamment de richesse pour que les gouvernements centraméricains aient les ressources nécessaires pour combattre les gangs sans l’aide étranger ? Ou cette nouvelle richesse va-t-elle être distribuée de façon inégalitaire, en accentuant la disparité entre les classes sociales, ce qui rendra le problème des gangs même plus grave.

Notes