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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Guatemala, janvier 2005

Les populations mayas du Guatemala : les nouvelles organisations religieuses, instruments de participation citoyenne.

Des nouvelles organisations sociales fondées sur des principes religieux deviennent des instruments privilégiés et efficaces de propositions et de participation politique alternative pour des secteurs sociaux exclus du système politique dominant.

Mots clefs : Utilisation de la religion pour la guerre, utilisation de la religion pour la paix | Population Maya | Protestants | Guatemala

Après cinq siècles de religion sous la houlette du catholicisme, la population maya peuplant le Guatemala se trouve en pleine dérégulation religieuse. Le marché des biens symboliques se diversifie et se libéralise. L’hégémonie de l’Église catholique couvrant de son manteau la religion maya laisse la place à la croissance du protestantisme mais, surtout, à la prolifération de nouvelles sociabilités religieuses indépendantes du catholicisme et du protestantisme institutionnel. De petites communautés évangéliques, pentecôtistes, charismatiques, etc. s’organisent ici et là, mettant en marche une dynamique de décentralisation du contrôle du symbolique.

Suite au processus de conquête et d’évangélisation de la part des espagnols, les mayas avaient su recomposer leur positionnement religieux par des moyens très divers de conversion, d’association, de brassage, de résistance, etc.

Actuellement, une nouvelle recomposition religieuse se déploie dans deux espaces spécifiques.

  • Premièrement, au sein d’une population sortant d’une guerre civile meurtrière où celle-ci a occupé l’une des premières places, tant comme victime que comme acteur malgré elle, dont les blessures sont encore aujourd’hui ouvertes.

  • Deuxièmement, parmi les populations rurales de la campagne ou de la périphérie des grandes villes de la région, vivant dans des situations de précarité extrêmement difficiles.

Des communautés mayas officiellement catholiques dont l’exclusion politique était légitimée et sublimée par des approches théologiques trascendentalistes « dans le royaume de Dieu les derniers seront les premiers », « heureux seront les pauvres car le royaume des cieux est à eux », « vous aurez votre récompense dans les cieux », s’organisent en des communautés nouvelles, sans organisation institutionnelle et sans liens directs avec les religions historiques, privilégiant la solidarité communautaire et donnant naissance à de nouveaux types d’organisation sociale. Ces nouvelles petites communautés sont souvent gérées par un « pasteur », aussi charismatique qu’autoritaire, articulant les fonctions de « père protecteur » ainsi que de « cacique » d’un groupe de personnes cherchant à se donner une certaine crédibilité dans un contexte d’anomie sociale.

Une distinction entre le domaine théologique et le domaine politique s’avère nécessaire.

Si les contenus théologiques maniés par ces petites communautés, notamment par leurs pasteurs, issus de processus sociaux d’improvisation et d’auto-nomination, n’ayant presque aucune formation théologique, mettent l’accent sur le respect de l’autorité légitime et sur la « quiétude politique » des nouveaux croyants, les pratiques mises en place produisent comme de façon paradoxale des effets politiques pouvant être considérés comme « collatéraux ».

S’organisant en petites communautés à caractère religieux, habitées par le désir de sortir de l’exclusion politico-sociale, les marginaux de la société maya arrivent à former de nouveaux acteurs religieux, devenant également des acteurs sociaux, économiques et politiques, opposés à l’imposition séculière d’un système politique favorisant l’exclusion et à l’hégémonie d’une seule élite étrangère et étrange.

Les effets politiques possibles de cette recomposition religieuse ont été analysés en termes de reproduction des formes traditionnelles d’autorité à la périphérie du système politique, contribuant à l’établissement de liens de clientélisme avec les vieux caciques nationaux via les partis politiques, et portant atteinte, de ce fait, à la démocratisation par le détournement du processus électoral.

Une autre approche est possible : celle de l’émergence d’une petite élite sociale, organisant et structurant une grande partie de la population maya à la base, qui prenne de plus en plus de pouvoir à l’échelle locale. Des expressions sociales de démarches à l’origine religieuses deviennent des instruments privilégiés et efficaces de propositions et de participation politique alternative pour des secteurs sociaux exclus du système politique dominant.