Xavier Guigue, Bruxelles, décembre 2004
Rechercher la paix passe par une analyse précise de la nature d’un conflit
Distinguer les différents objectifs, explicites ou non, et les moyens utilisés par les acteurs du conflit, en regard du droit international, est une première étape qui peut aider dans les choix à faire pour reconstruire une paix juste et durable
Notre imaginaire concernant la guerre est très riche : affrontement, hostilité, conflit, combat, attaque, bataille, assaut, lutte, bombardement, génocide, massacre, violence, terrorisme, résistance, armée, défense…
Chacun de ses mots est porteur d’une histoire, aussi il est nécessaire d’en préciser le sens.
Dans un premier temps, il est utile d’utiliser une approche juridique sommaire pour caractériser une période de paix, ou plus exactement de non-guerre et caractériser ce que nous avons coutume d’appeler guerre : dans les moyens utilisés et dans les objectifs visés par les belligérants.
En cas de non-guerre dans un Etat de droit ou entre Etats dans le respect du droit, les conflits relatifs à la conquête du pouvoir, aux revendications légitimes de territoires, d’autonomie… sont (ou devraient être considérés) comme des enjeux ou des objectifs politiques acceptables, ou à défaut que l’on peut entendre.
Le droit est alors le mode de régulation, avec l’usage de la force dans le respect du droit, si nécessaire (code civil, code pénal…). A améliorer sans cesse, ce système politique est un chantier permanent qui demande toute la vigilance des citoyens.
Quand le désaccord grandit, quand le conflit dégénère, quand la force est utilisée abusivement, quand il y a abus de la force, quand le droit est bafoué pour atteindre des objectifs qui auraient pu faire l’objet de négociation, alors il y a conflit armé. Il y a violation là des interdits concernant les moyens utilisés, s’applique alors comme garde fou, le Droit international humanitaire (conventions et protocoles de Genève). C’est typiquement le cas du fondement du conflit israélo-palestinien auquel une solution politique est tout à fait possible.
Quand il y a volonté de conquérir, quand il y a agression, quand la force est mobilisée sans le respect du droit… alors il y a violation des interdits quant aux moyens utilisés et violation des interdits quant à l’objectif visé puisqu’il y a menace contre la paix ou acte d’agression. Il s’agit d’une situation que l’on peut nommer guerre. On peut lui attribuer deux noms selon l’approche juridique ou politique : guerre d’agression ou guerre de libération. En effet, dans de tels cas la Charte des Nations unies et les Conventions de Genève s’appliquent.
Sans en définir les modalités, la Charte prévoit le droit de légitime défense, tandis que les Conventions de Genève s’appliquent aux luttes contre l’occupation étrangère, la domination coloniale et contre les régimes racistes en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Dans les faits, la reconnaissance des mouvements de libération et de la justesse de leur combat est soumise aux rapports de force et aux enjeux internationaux du moment.
L’histoire nous montre aussi que des sorties de guerre peuvent aboutir au moins en partie à travers des rapports de force non-violents : le combat de Gandhi pour l’indépendance de l’Inde ou celui de Mandela contre l’Apartheid.
Quand il y a, à la fois violation de l’interdit concernant les moyens et violation des interdits fondateurs de l’humanité, quand les motifs de la violence sont inacceptables, quand ils ne peuvent être entendus, il y a horreur, monstruosité, barbarie.
C’est le cas des guerres où les mobiles sont le pillage ou le viol, où la terreur est l’arme principale, c’est le cas d’un régime qui cherche à éliminer :
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celui qui a le tort de penser autrement (le régime stalinien, les Khmers rouges au Cambodge) ;
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celui qui a tort d’avoir des options politiques différentes, et qui « contamine » son entourage, ses enfants (la dictature en Argentine) ;
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ceux qui ne sont pas de la même ethnie (le régime de Milosevic) ;
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celui qui a eu le tort d’être né (les génocides) ;
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celui que l’on va chercher parce qu’il a eu le tort d’être né (le nazisme).
La guerre, la violence est alors au service d’un projet monstrueux. La souffrance est indicible, car elle ne se comprend pas. La raison des crimes ne peut être « embrassée par la pensée ».
La protection juridique est maigrement assurée par les conventions relatives aux crimes de génocide, aux crimes contre l’humanité… et par la Cour pénale internationale.
Si les cloisons ne sont pas étanches entre ces différentes dénominations, il est important dans l’analyse d’un conflit, dans son évolution dans le temps et dans l’espace géographique où il se déroule, de saisir ces distinctions. Les réponses seront alors différentes, elles devront elles aussi évoluer et s’adapter pour être les plus pertinentes : solutions politiques, sanctions juridiques, mesures de réparation, médiation ou réconciliation… avec pour finalité aboutir à la construction d’un processus démocratique, au respect des droits de la personne humaine, au respect des minorités et des droits des peuples, au « vivre ensemble » …