Bilan d’Irenees au mois de septembre 2007

I. Situation actuelle d’Irenees

IRENEES, Institut de Ressources pour la Paix, réunit des acteurs - personnes et organismes - qui travaillent au cœur des conflictualités actuelles en Inde, en Afrique, en Amérique Latine, en Europe, pour rechercher, avec eux, une rénovation profonde des manières de concevoir et de construire la paix.

Lors de sa conception, l’objectif était triple :

• Capitaliser et valoriser le savoir-faire de différents artisans de paix afin d’enrichir l’élaboration commune d’un Art de la Paix et les transformer en un capital intellectuel directement mobilisable pour rénover les pratiques de construction de la paix.

• Concevoir et développer un site web de ressources afin d’élaborer un capital méthodologique destiné à servir de prototype pour la construction d’autres sites web de ressources.

• Valider l’hypothèse de travail consistant à élaborer un capital social en construisant une alliance autour d’un outil, l’Alliance d’Artisans de Paix.

Le site web de ressources <irenees.net>.

Outil privilégié de gestion de bases de données complexes, de valorisation sociale de la connaissance pour la création d’intelligences collectives et générateur d’avantages concurrentiels durables, <irenees.net> constitue le premier site ressources développé par la Fondation Charles Léopold Mayer.

• 2002 – 2003 a été la période de conception du prototype de site : Henri Bauer a assuré la partie théorique, Vincent Calame la partie technique.

• 2004 – 2005 a été la période de test : établissement des premiers partenariats, élaboration des premiers dossiers, mise en ligne du site. Les premiers partenaires, notamment en France et en Amérique Latine, ont adopté l’outil, avec ses approches, ses méthodes et ses contraintes techniques, tout en le faisant évoluer selon leurs besoins.

• 2006 – 2007 a été la période du développement du site.

A l’heure actuelle, le site <irenees.net> :

• Compte une vingtaine de partenaires ; plus de 200 auteurs participent à l’élaboration de dossiers.

• Propose une cinquantaine de dossiers portant sur des enjeux majeurs de la paix et plus d’un millier de fiches.

• L’intérêt suscité par <irenees.net> montre sa pertinence : 60 000 visites par mois en moyenne en 2007, soit environ deux mille visites par jour.

• Avec des visiteurs provenant d’une trentaine de pays…

L’Alliance d’Artisans de Paix.

Les différents partenaires d’<irenees.net> ont commencé à s’organiser en pôles régionaux afin de former progressivement l’Alliance d’Artisans de Paix, conçue comme une dynamique interculturelle, multipolaire et convergente :

• Pôle Europe ;

• Pôle Amérique centrale ;

• Pôle Région andine ;

• Pôle Afrique du Sud ;

• Pôle Afrique des Grands Lacs ;

• Pôle Inde ;

Les membres de cette Alliance ont vocation à :

• Partager des valeurs communes et une éthique de la co-responsabilité.

• Se donner des objectifs convergents.

• Mettre en oeuvre des initiatives partagées pour la construction de la paix.

La première rencontre de cette Alliance aura lieu à Paris, en novembre 2007.

II. L’organisation d’Irenees

La plus importante des richesses d’Irenees sont ses ressources humaines. Irenees est un réseau composé actuellement d’une vingtaine d’artisans de paix institutionnels travaillant en Inde, en Afrique, en Amérique Latine et en Europe. Irenees fait le choix de chercher comme partenaires des Institutions et des personnes porteuses d’une éthique de la co-responsabilité et de valeurs au service d’une pratique cohérente de la paix. Composée de membres dotés de divers statuts (Fondations, ONG, Universités, Centres de Recherche, etc.) et travaillant sur différents domaines : respect des différences, pratique du dialogue et de la négociation, déconstruction de la figure de l’ennemi, instauration d’un état de droit, respect des droits humains, démocratisation du pouvoir, gestion responsable des ressources naturelles, distribution de la richesse, réforme des rapports sociaux, éducation, non-violence, santé, liberté, justice, dignité…

La « base sociale » d’Irenees, qui existe maintenant sous forme de « réseau d’acteurs », évolue progressivement vers la formation d’une « Alliance d’Artisans de Paix ». Les membres du Conseil d’Administration ainsi que les employés d’Irenees sont également considérés comme des biens stratégiques : ils doivent favoriser de façon effective la mise en œuvre des orientations d’Irenees.

S’agissant du caractère institutionnel de l’initiative Irenees : celle-ci s’est dotée d’un outil administratif, une association à but non lucratif, loi de 1901, créée en 2002 et déclarée à la Préfecture de Paris en février 2003. Son objectif est bien précis : constituer un outil administratif au service de l’initiative.

Cette double stratégie organisationnelle - une initiative citoyenne avec, à son service, un outil administratif - permet à Irenees de se développer dans une démarche aussi ouverte que transparente en s’appuyant sur un management professionnel et rigoureux.

En ce sens, Irenees considère la cohérence entre ses ambitions et ses moyens comme un bien stratégique, son statut « associatif » faisant partie de ses moyens.

Un autre moyen est celui des finances. C’est la « Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme », fondation suisse indépendante, qui assure la majorité du financement d’Irenees depuis la naissance de celle-ci. Si des partenaires peuvent recevoir d’Irenees une subvention destinée à participer aux frais de mise en œuvre de la convention, ils participent aussi au co-financement d’Irenees en fonction de leurs moyens. En aucun cas Irenees n’assure les 100 % du coût de mise en œuvre de la convention. D’autres partenaires financent entièrement leur participation à Irenees.

III. Quelques propositions innovantes

Irenees a élaboré des propositions innovantes. Ci-après, quelques-unes parmi celles qui ont été mises en œuvre.

Concernant le site <irenees.net> : lui donner un contenu théorique intéressant, une transversalité de regards, des capacités de dialogue avec d’autres sites web et une approche interculturelle.

• Un contenu théorique intéressant par l’élaboration de Dossiers composés d’une diversité d’outils :

Avant Irenees, la plupart des bases de données développaient des méthodes de collecte d’information sous forme de documents autonomes ou « fiches ». Dans une démarche de continuité ainsi que d’innovation, Irenees a proposé de travailler non plus sous forme de fiches autonomes, mais sous forme de dossiers thématiques ; ce qui engendrait le remplacement du format unique de fiche par une diversité de formats permettant l’expression d’approches différentes sur un même sujet. Travailler sur des dossiers thématiques, plus que sur des fiches autonomes, répondait bien aux besoins de capitalisation des différents artisans de paix qui voulaient valoriser non pas des actions isolées mais de vraies initiatives.

• Une transversalité de regards par le croisement de divers thésaurus :

La plupart des banque de données existants fonctionnaient avec une seule liste de mots clés. Cela ne permettait pas d’aborder la complexité des tensions entre conflits, guerre et paix. Irenees a proposé le croisement de plusieurs perspectives. Irenees est construit autour de quatre approches proposant chacune un regard particulier. Ces quatre approches ont donné naissance à quatre thésaurus aussi évolutifs que complémentaires.

•  

  • Géographique ;

  • Thématique ;

  • Par acteurs ;

  • Temporel.

• Des capacités de dialogue avec d’autres sites web par le biais d’un Atlas relationnel commun :

Lorsque plusieurs organisations citoyennes ont lancé la construction de sites web de ressources travaillant sur des thématiques autres que la paix, Irenees a proposé que tous ces sites puissent dialoguer entre eux, favorisant les transversalités entre sites, entre approches, entre expériences. Cela a donné lieu à l’initiative pour la création d’un « atlas relationnel », sorte de cartographie de mots clés communs, permettant à divers sites d’utiliser un moteur de recherche commun. Actuellement, une vingtaine de sites de ressources sont engagés sur cette voie de l’ouverture à d’autres sites, d’interdisciplinarité et de transversalité.

• Une approche interculturelle par le biais du Multilinguisme :

Le développement d’Irenees dans d’autres régions du monde a exigé la mise en œuvre d’un site de ressources en trois langues (français/espagnol/anglais). Il s’agit d’une proposition stratégique majeure : outiller les rencontres entre ceux qui se considèrent différents, les dialogues entre ceux qui se pensent opposés, les échanges entre ceux qui ne se connaissent pas.

Concernant l’Alliance d’Artisans de Paix : réaliser des Ateliers de Paix dans des régions traversées par des conflictualités importantes afin de valoriser leur savoir-faire pour la paix.

• Atelier Asie : « Action pour la paix et recherche de sens », Bangalore, / Delhi, Inde, novembre 2006.

Il s’agissait de favoriser la capitalisation du savoir-faire sur la méthode non-violente de gestion des conflits en tant que génératrice de paix par négociations et consensus entre acteurs.

Quatre-vingt acteurs de paix de l’ensemble du sous-continent indien ont participé à cet atelier. Huit thèmes ont été travaillés, concernant les enjeux majeurs de la paix en Inde, à savoir : Travail infantile et Droits des enfants ; Gestion de conflits interreligieux ; Conditions de vie dans les bidonvilles ; Mondialisation économique et endettement des paysans ; Respect de l’environnement et gestion de l’eau ; Lutte contre le sida ; Médias et Paix ; L’appropriation du pouvoir par les femmes (empowerment).

• Atelier Afrique : « Rwanda : déconstruire l’image de l’ennemi, réconcilier et reconstruire / Afrique du Sud : réussir les transitions par la transformation des rapports sociaux », Johannesbourg, Afrique du Sud, mai 2007.

Il s’agissait d’identifier l’apport de l’Afrique pour la construction de la paix dans le monde.

L’Afrique a vécu et vit encore de situations de conflits, de violence et de guerre extrêmement graves. En même temps, au cœur de ces conflictualités, les Africains se sont beaucoup investis dans la construction de la paix. Ils ont beaucoup appris de leurs violences et ils possèdent aujourd’hui un savoir-faire pour la paix qui n’est ni connu, ni valorisé, autant par la communauté internationale que par les Africains eux-mêmes. Ce savoir-faire peut être un apport majeur de l’Afrique à la construction de la paix, à condition de le reconnaître, de le valoriser et de le partager.

Cet atelier pour le Rwanda a été mis en œuvre par le biais de deux dynamiques conjointes : d’une part, une cinquantaine d’acteurs de paix rwandais, congolais et burundais, dont beaucoup ont eu des liens avec la rencontre de 1994 « Rwanda : reconstruire », se sont réunis plusieurs fois chez eux pour identifier les défis majeurs pour la paix dans la région des Grands Lacs. D’autre part, quelques-uns d’entre eux ont participé à la rencontre de mai 2007.

Le reste des participants travaillent au sein de plusieurs institutions du Sud de l’Afrique, telles que COPA, la coalition pour la paix en Afrique, Afrique du sud. PROPAZ, Mozambique. SCC, Swazi Council of Churches, Swaziland. NOVASC, Zimbabwe.

• Atelier Amérique Latine : « Défis pour construire la paix après la guerre ». San José, Costa Rica, mars 2007 – Guatemala, août 2007

L’intérêt de cet atelier consistait à valoriser des initiatives de reconstruction de la paix après un conflit armé. La région Amérique Centrale a été choisie en raison de son histoire récente.

L’atelier a été constitué de plusieurs dynamiques d’échanges entre des artisans de paix locaux, notamment du Guatemala et du Costa Rica, ayant joué un rôle majeur lors de l’élaboration en 1987 du traité de paix « Esquipulas II » pour la pacification de la région : des intellectuels, des militaires, des leaders sociaux, des chercheurs et de professeurs de sciences politiques et de relations internationales, des étudiants, des responsables de fondations, etc. ont participé à cette dynamique.

• Atelier équipe de chercheurs Irenees :

Proposer de nouveaux modes d’action pour la paix exige de repenser la paix afin de parvenir à proposer de nouvelles alternatives, inventer de nouveaux outils, élaborer de nouvelles approches. Irenees mobilise un groupe de chercheurs travaillant pour ses partenaires dans une démarche de confrontation, d’échange et d’approfondissement transversal. La première réunion de l’équipe de recherche a eu lieu à Paris en 2006, la deuxième au Guatemala, en août 2007 et la prochaine aura lieu dans le cadre de la rencontre à Paris, au mois de novembre 2007.

La réalisation de ces ateliers de paix a permis d’une part l’identification et la valorisation de multiples savoir-faire d’un Art de la Paix épars et recelés au cœur de multiples initiatives de construction de la paix et d’autre part de lancer la formation de l’Alliance d’Artisans de paix comme une dynamique interculturelle, multipolaire et convergente.

IV. Quelques défis d’Irenees

Les difficultés rencontrées par Irenees sur son chemin l’ont amené à chercher des réponses. Voici quelques-uns des défis actuels d’Irenees :

• Les attentes et les propositions des différents membres d’Irenees dépassant pour la plupart les moyens matériels d’Irenees, une décision a été prise avec l’accord de la FPH : réunir tous les responsables des institutions partenaires d’Irenees à Paris, en novembre 2007 pour, d’une part, décider d’initiatives communes à mettre en oeuvre et, d’autre part, initier une politique de recherche de partenaires financiers pour réussir le co-financement d’Irenees. Autrement dit, Irenees fait un travail d’adéquation de ses ambitions à la réalité de ses moyens, en même temps, Irenees cherche à réaliser un travail de développement de ses moyens pour mieux répondre aux exigences de ses ambitions.

• Nombreux sont les acteurs de paix qui ne savent pas capitaliser leur expérience pour construire leur mémoire. En même temps, l’essor de la politique de « gestion du savoir » (« knowledge management ») montre que la maîtrise des savoirs est essentielle pour toute stratégie. Dans ce contexte, Irenees répond au défi de proposer des méthodes et des outils efficaces de capitalisation, d’analyse, d’organisation et de valorisation publique de savoirs pour la création d’intelligences citoyennes.

• Irenees est né en 2002, pendant la guerre en Afghanistan, un an après les attentats terroristes de 2001 aux Etats-Unis et un an avant la guerre en Irak : c’est une année traversée par la question de la violence et de la guerre. En 2003, le monde a connu des manifestations massives contre la guerre, cependant, si les sociétés savaient manifester contre la guerre, celles-ci ne savaient pas penser la paix. Dans ce contexte Irenees lance le défi de proposer une approche innovante qui cherche une triple articulation, entre :

  • La dénonciation critique et l’élaboration de propositions pour la paix ;

  • L’action sur le terrain et l’élaboration de savoirs ;

  • L’éthique de la conviction et l’éthique de la co-responsabilité.

• L’inadéquation des procédures actuelles pour répondre aux nombreuses conflictualités qui traversent la planète ainsi que le choix d’une réponse à la violence par la violence trop souvent opéré en cas de conflits, sont des expressions d’une mutation considérable : par le biais d’une certaine banalisation de la violence, une tendance à délaisser la question de la paix se répand au sein des responsables politiques, des intellectuels, de l’opinion publique, etc… Comment construire la paix est une question qui ne se pose plus. Toutes les questions sont posées en termes de guerre, de violence ou de sentiment d’insécurité… Alors que, éparpillées aux quatre coins du monde, des millions d’artisans de paix travaillent, à toutes les échelles et sous les formes les plus diverses, en vue de construire une paix durable, authentique, pour tous. Pour Irenees c’est un défi que de proposer l’objectif stratégique de replacer sur l’agenda citoyen l’un des enjeux majeurs du 21ème siècle, celui de la Paix : comment construire un monde où la paix constituerait l’art de vivre ensemble en faisant de nos différences, de nos contradictions, de nos tensions et de nos conflits, des occasions pour nous rencontrer, pour dialoguer et pour nous enrichir mutuellement ?