Simone GIOVETTI, Paris, mai 2007
Palestine : présentation et contexte historique
I. Repères historiques
Pour appréhender le conflit israélo-palestinien, il convient de garder à l’esprit la dimension territoriale de celui-ci. Deux nationalismes, l’un juif et l’autre arabe puis palestinien, s’affrontent pour un même territoire, la Palestine dans les frontières du mandat britannique. Chacune de ces revendications s’est construite autour d’une identité basée sur un projet de territoire et par la mise en valeur de la notion de peuple en s’appuyant sur l’Histoire, les mythes et les rêves.
A. De la fin du XIX siècle à la Nakba
L’histoire de la Palestine a souvent tendance à commencer avec celle du sionisme et de l’implantation des premières colonies juives. Cependant, bien avant l’arrivée des premiers sionistes, il existait une population arabe autochtone en Palestine laquelle vit sous domination ottomane. Population essentiellement rurale et organisée de façon clanique. Le sionisme et la mise en application de son projet vont bouleverser l’histoire de cette région.
Le sionisme est l’expression politique de la volonté des Juifs d’Europe de créer un Etat pour le peuple juif. Les premiers pogroms dans la Russie Tsaristes en 1880 et l’antisémitisme latent en Europe occidentale, consacré par l’affaire Dreyfus, seront quelques-uns des éléments conduisant à l’émergence des théories sionistes. Théodore Herzl, journaliste viennois est l’un des grands penseurs de ce mouvement. Ce dernier organise en 1897 le premier congrès sioniste mondial au cours duquel est adopté un programme définissant les ambitions du mouvement sioniste : les Juifs doivent établir en Palestine un « foyer », dont l’existence sera garantie par le droit international public.
Les Britanniques, le 2 novembre1917, par la déclaration Balfour, accèdent aux demandes des organisations sionistes en aidant à la création d’un « foyer juif national » en Palestine, alors sous mandat britannique. Ce document entraînera l’hostilité des populations arabes peuplant la Palestine pour plusieurs raisons :
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Dans la déclaration, les Arabes de Palestine sont désignés par le terme de « collectivités non-juives » alors qu’ils représentent l’essentiel de la population. De plus, le texte ne leur reconnaît pas de droits politiques alors que ceux-ci sont garantis aux Juifs.
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Cette déclaration rend surtout manifeste aux yeux des Arabes le déni de leurs revendications nationales et contredit les promesses d’un Royaume arabe faites par MacMahon.
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La présence juive et la volonté d’y créer un Etat sont perçues par les populations arabes comme une preuve des ambitions impérialistes des puissances occidentales.
L’arrivée croissante d’immigrants juifs et de leur expansion territoriale conduit à une multiplication des affrontements (1929, 1936 –1939) avec la population arabe de Palestine. Ces premières confrontations marquent le début de la construction identitaire des Palestiniens et d’un sentiment national qui se forgera dans l’opposition au sionisme et au panarabisme, au fur et à mesure que la renonciation à une partie de la terre deviendra une évidence.
B. 1947-1977 : Guerres israélo-arabes et résolutions fondatrices des Nations-Unies
Face à la gestion de plus en plus difficile de la situation en Palestine due à la multiplication des heurts entre communautés juives et la population arabe autochtone, les Britanniques annoncent en 1947 leur souhait de remettre leur mandat à l’ONU.
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies recommande, par la résolution 181, le partage de la Palestine mandataire en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe et une zone « sous régime international particulier » qui engloberait les Lieux saints.
Le 14 Mai 1948, les Britanniques annoncent la fin de leur mandat et aussitôt l’Etat d’Israël est proclamé par David Ben Gourion. Au lendemain de la naissance de l’Etat hébreu, le 15 mai 1948, les armées des Etats arabes refusant le plan de partage pénètrent en Palestine.
Les frontières de l’armistice de 1949 permettent à l’Etat hébreu d’établir son autorité sur les trois quarts de la Palestine mandataire. Jérusalem est coupé en deux. La partie occidentale du Jourdain, la Cisjordanie, passe sous contrôle jordanien tandis que la bande de Gaza est contrôlée par l’Egypte. Derrière la « cause palestinienne » et « l’unité arabe » se cachent les appétits territoriaux de chacun. Les Palestiniens appellent cet épisode de leur histoire : la Nakba, « la catastrophe ».
La vie politique palestinienne, qui durant toute la période mandataire et jusque dans les années 50 reste dominée par les notables citadins et religieux, à l’image de Hajj Amin Al Husseini, évolue avec l’apparition sur la scène politique de la génération issue des réfugiés. C’est le cas de Yasser Arafat, ancien étudiant en Egypte, il fonde en 1959 au Koweït le Mouvement de Libération de la Palestine (FATAH, « ouverture »). Dès lors, la revendication palestinienne tend à se démarquer du discours panarabiste et à désigner la Palestine comme étant une terre palestinienne en premier lieu puis arabe. Dans le même temps, la guérilla palestinienne se développe et lancent de plus en plus d’actions commando sur le territoire israélien depuis les pays arabes voisins.
Le 5 juin 1967, la guerre dite des Six jours est déclenchée par l’aviation israélienne qui parle de « guerre préventive » face à la menace militaire des pays arabes. A la fin des affrontements, Israël a triplé son territoire en occupant d’une part la bande de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem-Est, et en annexant le Golan syrien et le Sinaï égyptien d’autre part. Une nouvelle génération de palestiniens (200 000) prend le chemin de l’exil à la suite de cette guerre. Le nombre de réfugiés atteint au lendemain de la Guerre des Six jours 1,3 millions.
Le Conseil de sécurité adopte, le 22 novembre 1967, la résolution 242 qui « exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient », appelle au « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant le récent conflit ». Cette résolution, reprise dans toutes les négociations ultérieures, jette les bases de la paix au Proche-Orient :
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L’évacuation par Israël des territoires occupés.
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La reconnaissance par les Etats arabes du droit d’Israël à la paix dans des frontières sûres.
Mais Israël, loin de se conformer aux exigences de l’ONU, entame la colonisation des territoires annexés et proclame le 29 juin 1967 la réunification de Jérusalem en la proclamant « capitale unique et indivisible du peuple juif ». Israël conçoit, sur le plan militaire, ces territoires comme des « zones tampons » visant à empêcher une agression du territoire israélien. Au nom de la sécurité, un programme de colonisation de l’espace palestinien est entamé (installation de population civile israélienne et de bases militaires, saisie de terres palestiniennes).
La résistance palestinienne s’intensifie et les combats se multiplient. La première OLP (Organisation de Libération de la Palestine), crée en 1964 est discréditée par la défaite de 1967. En 1968, les organisations de résistance entrent dans l’OLP et réorientent les priorités du mouvement vers la lutte armée révolutionnaire pour la libération de la Palestine. En 1969, Yasser Arafat accède au poste de président de l’OLP qu’il conservera jusqu’à sa mort en 2004.
Le 06 octobre 1973, le jour de Yom Kippour (Le Jour du Grand Pardon), les armées égyptienne et syrienne attaquent par surprise l’Etat hébreu déclenchant ainsi la troisième guerre israélo-arabe : la guerre du Kippour. Malgré la surprise, l’armée israélienne réussit à reprendre le contrôle du Sinaï et du Golan.
C. 1977-1994 : Processus de paix et établissement de l’Autorité palestinienne.
La visite du président égyptien Anouar Al-Sadate à Jérusalem et son discours à la Knesset en 1977 marque l’ouverture du processus de paix et la perspective d’une normalisation des relations entre pays arabes et Israël. En parallèle, les positions de l’OLP évoluent. En effet, lors de la 19ème session du Conseil national palestinien (Alger 1988), l’OLP proclame l’État de Palestine, reconnaît les résolutions 181, 242 et 338 et réaffirme sa condamnation du terrorisme.
Malgré toutes ces avancées de l’OLP vers une reconnaissance d’Israël, la situation sur le terrain se détériore. Les Territoires palestiniens sont depuis la fin de l’année 1987 engagés dans une lutte contre l’occupation israélienne, c’est l’Intifada (le Soulèvement). Cette fois-ci, la résistance n’est plus menée à partir des pays arabes voisins mais par les Palestiniens dit « de l’intérieur ». Cet épisode marque l’émergence des Palestiniens des Territoires sur la scène politique et leur appropriation du discours national.
Ce n’est qu’au début des années 90 que le processus de paix connaît une véritable avancée avec la conférence de Madrid (1991). Même si l’OLP n’est pas présente du fait de sa position pro-irakienne au moment de la première guerre du Golfe, les Palestiniens sont représentés par une délégation commune jordano-palestinienne. Cette conférence n’atteignit pas totalement ses objectifs mais permit d’amorcer un début de dialogue entre Israël et le reste du monde arabe dont les Palestiniens.
Les négociations secrètes menées durant l’hiver 1992 en Norvège vont permettre toutefois une avancée considérable. Ces pourparlers aboutissent aux accords de Washington, également connus sous le nom d’ « Accords d’Oslo » ou « Accords de Jéricho-Gaza », signés le 13 septembre 1993 à Washington entre Yasser Arafat et Izthak Rabin. L’accord est composé de lettres de reconnaissance réciproque. L’OLP reconnaît l’Etat d’Israël, son droit à exister en paix et en sécurité et renonce à l’usage du terrorisme et autres actes de violences. Israël, pour sa part, reconnaît l’OLP comme le représentant légitime du peuple palestinien. L’établissement d’une autorité intérimaire palestinienne sur deux régions : la bande de Gaza et Jéricho est également prévue. Ils fixent également un calendrier de négociations ultérieures portant sur d’autres retraits israéliens et sur le statut final des territoires palestiniens.
Le retard pris par l’accord dit d’Oslo I est très important. Ce n’est que le 4 mai 1994, au Caire, que Yasser Arafat et Itzhak Rabin signent un texte sur les modalités d’application de la Déclaration du 13 septembre 1993, notamment sur le plan de retrait des forces israéliennes, et le transfert de pouvoirs limités à l’Autorité palestinienne. C’est à cette date que commence l’autonomie palestinienne qui doit s’achever le 4 mai 1999 sur un statut définitif préalablement négocié. Le 1er juillet 1994, Yasser Arafat arrive à Gaza.
D. La décennie d’Oslo
Le 28 septembre 1995, malgré un nouvel attentat à Jérusalem, le 21 août, M. Arafat et Rabin signent à Washington, en présence des présidents Clinton et Moubarak ainsi que du roi Hussein, des accords sur l’extension de l’autonomie à la Cisjordanie, dits « Oslo II » ou « Accords de Taba » (ville égyptienne où ont eu lieu les négociations). L’accord de Taba définit les échéances et les conditions de l’entrée en vigueur de l’autonomie pour la majorité des Palestiniens. Il prévoit notamment : l’élection d’un conseil palestinien disposant de pouvoirs législatifs et exécutifs ; le découpage de la Cisjordanie en trois zones au degré d’autorité et de contrôle différent. L’OLP s’engage également à abroger les articles de la Charte nationale palestinienne évoquant la destruction d’Israël. Les points les plus épineux du conflit israélo-palestinien (les réfugiés, le statut de Jérusalem, le tracé des frontières, la question de l’eau…) sont reportés aux négociations finales.
C’est au cours de cette décennie où Palestiniens et Israéliens rechercheront la paix que les mouvements radicaux de chaque bord tenteront de déstabiliser le processus politique. En effet, le nombre d’attentats suicides commis par le Hamas et Djihad Islamique ne cessera d’augmenter, le premier ayant été perpétré en avril 1993. Les radicaux israéliens s’illustreront, entre autres, le 04 novembre 1995 par l’assassinat de Rabin lors d’un rassemblement pacifiste.
Le processus de paix soumis aux aléas des négociations, des alternances politiques (parti travailliste, Likoud), aux attentats palestiniens, à la colonisation grandissante, se poursuit malgré tout avec la signature d’accords visant à mettre en application les objectifs fixés par les accords d’Oslo. Cependant la période d’autonomie palestinienne, prévue dans la Déclaration de principes et censée aboutir à la proclamation de l’Etat palestinien touche à sa fin le 4 mai 1999. Au vu de la situation, le conseil central de l’OLP accepte de reporter la proclamation de l’Etat palestinien. En juillet 2000, sous l’égide du président américain Clinton, Ehud Barak et Yasser Arafat se retrouvent à Camp David. L’objectif était d’arriver à un accord sur le statut final des territoires palestiniens occupés par Israël en juin 1967. La sensibilité des sujets traités et les divergences profondes de points de vue ont empêché la signature d’un accord. Cependant, à l’issue du sommet les deux parties s’engagent « à poursuivre leurs efforts pour conclure le plus tôt possible un accord sur tous les dossiers liés au statut permanent ».
E. La deuxième Intifada et la difficile reprise du dialogue
Suite à la visite d’Ariel Sharon, leader du Likoud, sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem, des affrontements entre l’armée israélienne et les Palestiniens éclatent dans les Territoires et en Israël même. Cette date du 28 septembre 2000 marque le début de la seconde Intifada qui se caractérise par une militarisation bien plus importante des groupes palestiniens.
Les Etats arabes à l’initiative du Prince Abdallah, prince héritier du royaume d’Arabie Saoudite, tente de relancer en mars 2002 le processus de paix par une proposition de plan. Cette initiative de paix arabe appelle Israël à se retirer totalement des territoires conquis en 1967 en accord avec les résolutions 194, 242 et 338 du conseil de sécurité. Il est également exigé d’Israël, en se référant aux accords de Madrid en 1991, que l’Etat hébreu accepte l’établissement d’un Etat palestinien indépendant et souverain avec pour capitale Jérusalem-Est. En échange de ces concessions, les Etats arabes s’engagent à établir des relations normales et pacifiées avec Israël. Ariel Sharon alors 1er ministre rejette ce plan.
Le 30 Avril 2003 est présenté officiellement la Feuille de route pour la paix au Moyen-Orient, instiguée par les membres du Quartet diplomatique. L’objectif est le règlement définitif et général du conflit israélo-palestinien d’ici à 2005 en tenant compte des fondements de la conférence de Madrid, du principe de l’échange de territoires contre la paix, des résolutions 242, 338 et 1397 (qui mentionne pour la première fois l’Etat palestinien) du Conseil de sécurité de l’ONU, des accords conclus antérieurement par les parties et la proposition du prince héritier saoudien Abdallah. Cette feuille de route repose sur le principe d’une solution à deux Etats. Au préalable, les Palestiniens doivent s’engager à mettre fin au terrorisme et réformer leurs institutions tandis qu’Israël doit se retirer des territoires qu’il occupe depuis le début de la deuxième Intifada et suspendre ses activités quant à la création de colonies de peuplement, conformément au rapport Mitchell.
En décembre 2003 est dévoilé un projet d’accord de paix israélo-palestinien dit « Initiative de Genève ». Sous l’égide de la diplomatie helvétique, cette initiative non officielle est le résultat de négociations menées, entre autres, par l’Israélien Yossi Beilin et le Palestinien Yasser Abed Rabbo, tous deux anciens ministres. Ce projet est dénoncé par le gouvernement de M. Sharon et soutenu timidement par Yasser Arafat. Les accords, très détaillés, prévoient un règlement global du conflit dont les points essentiels sont : le partage de la souveraineté sur Jérusalem (capitale de deux Etats), l’évacuation par Israël de 98% de la Cisjordanie et de la totalité de la bande de Gaza et la renonciation des réfugiés au droit au retour.
Le 21 octobre 2003, l’AGNU adopte la résolution ES-10/13 élaborée par l’Union européenne exigeant d’Israël qu’il cesse la construction du mur. Constatant qu’Israël ne se conforme pas à cette demande, l’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution (ES-10/14) demandant à la Cour internationale de justice de rendre un avis consultatif sur les conséquences, au regard du droit international, de l’édification du mur. Le 20 juillet 2004, l’AGNU adopte la résolution ES-10/15, après avoir pris acte de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice. La résolution « exige qu’Israël, puissance occupante, s’acquitte de ses obligations juridiques telles qu’elles sont énoncées dans l’avis consultatif» étant donné que l’édification du mur dans son tracé actuel est contraire au droit international.
Deux éléments majeurs marquent également l’histoire du processus de paix. Le 11 novembre 2004, le leader historique et emblématique de la lutte palestinienne, Yasser Arafat, décède. Une nouvelle page s’ouvre avec les élections présidentielles de janvier 2005 où Mahmoud Abbas, un fidèle d’Arafat est élu président de l’Autorité palestinienne. A l’été 2005, Ariel Sharon, premier ministre d’Israël applique son plan de désengagement unilatéral de la bande de Gaza mettant ainsi fin à 38 ans d’occupation.0
F. Le Hamas au pouvoir : le nationalisme palestinien à l’épreuve
Début 2006, en l’espace de deux mois, Palestiniens et Israéliens ont radicalement transformé la scène politique de leurs pays. Les premiers, fin janvier, en offrant un triomphe électoral au Hamas lequel a abouti à la formation d’un gouvernement dirigé par Ismaël Haniyeh, chef de liste du mouvement islamiste. Fin mars, les Israéliens, convoqués pour des législatives anticipées suite à l’attaque cérébrale d’Ariel Sharon, ont donné l’avantage à Kadima, formation centriste crée par ce dernier peu de temps avant son accident.
Depuis, le Hamas qui ne reconnaît pas Israël et appelle à la lutte armée contre l’Etat hébreu, est boycotté politiquement et économiquement par Israël et le Quartet diplomatique (Nations Unies, Etats-Unis, Europe et Russie). Alors que le processus de paix semble plus que jamais dans l’impasse, la communauté internationale paraît incapable de susciter une initiative capable de parvenir à une résolution politique de la crise. On entre dans une période où la communauté internationale semble se contenter de gérer les aspects humanitaires de la crise.
C’est dans ce contexte sensible que se multiplient les affrontements intra-palestiniens. La dualité du pouvoir au sein de l’Autorité palestinienne, exacerbée par le soutien politique et financier de la communauté internationale à M. Abbas et à son parti, avive les tensions entre factions palestiniennes. Celles-ci n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la formation d’un gouvernement d’Union nationale, censé pouvoir sortir l’Autorité palestinienne de l’isolement politique et financier dans laquelle elle se trouve.
Réunis en Arabie saoudite les 6-7 février 2007, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, et Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, ont signé un accord de principe, dit « Document de La Mecque». Il interdit l’effusion du « sang palestinien » et prévoit, notamment, les modalités de la formation d’un gouvernement d’union nationale dans un délai de cinq semaines par le Premier ministre sortant issu du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Le gouvernement devra « respecter les résolutions internationales et les accords signés par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP)", référence implicite à la question de la reconnaissance d’Israël et aux accords israélo-palestiniens conclus antérieurement, facteurs de divergences entre le Hamas et le Fatah. Le sommet intervient après plusieurs flambées de violences dans les Territoires, essentiellement à Gaza, de nombreuses victimes.
II. Présentation générale
A. Géographie et climat
Depuis 1967, on parle de Territoires palestiniens pour désigner les entités territoriales dans lesquelles les Palestiniens vivent et aspirent à créer un Etat souverain. Ces Territoires se composent de deux zones séparées par Israël à savoir la Bande de Gaza (« Qita’ Ghazza ») et la Cisjordanie (Ad-Diffa Al-Gharbiya) qui intègre la partie orientale de la ville de Jérusalem (72 km2).
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Bande de Gaza : Celle-ci s’étend sur 40 km le long de la mer Méditerranée. Elle partage ses frontières terrestres avec Israël (51km) au Nord et à l’est et avec l’Egypte (11 km) au sud. D’une superficie de 365 km2, la Bande de Gaza connaît l’une des densités les plus élevées au monde avec une moyenne de 3945,4 pers./Km2. La bande de Gaza bénéficie d’un climat de type méditerranéen, sec et chaud. Les ressources en eau provenant des régions d’Hébron et du Néguev permettent la pratique de cultures arbustive et maraîchère.
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Cisjordanie : L’ensemble des frontières de la Cisjordanie dans les limites de la « Ligne verte » sont de 404 km. La Cisjordanie partage avec Israël 307 km de frontière sur un arc Nord-Ouest-sud et 97 km avec la Jordanie à l’est. La Cisjordanie se compose de trois zones distinctes :
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Une dorsale montagneuse allant de Jenin au Nord à Hébron au Sud. Celle-ci reçoit des précipitations abondantes en hiver. C’est une zone propice aux cultures (céréales, légumes, oléagineux…) et à l’élevage.
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Un ensemble de collines à l’est de cette dorsale surplombe la dépression du Jourdain. C’est une zone aride favorable au pâturage extensif.
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La vallée du Jourdain terminée au Sud par la Mer morte est également une zone caractérisée par son aridité, cependant la présence du fleuve permet une certaine irrigation des cultures.
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B. Population
Selon les estimations les plus récentes, 45,7% de la population des Territoires est âgée de moins de 15 ans. Le pourcentage de Palestiniens de plus de 65 ans est, quant à lui, seulement de 3%. Avec un taux d’analphabétisme limité à 7,7% de la population et un taux de scolarisation dans le secondaire de 58%, le niveau de formation est tout à fait satisfaisant au regard du développement économique. La population palestinienne est d’ailleurs considérée comme étant l’une des plus diplômées du Proche-Orient.
La répartition de la population par gouvernorat place celui d’Hébron en tête avec 542 593 personnes suivi de Gaza-City (505 702), de Jérusalem (407 090 hbts) et de Naplouse (336 380). Le gouvernorat de Jéricho ne réunit que 43 620 habitants.
La population des Territoires est à 56,5% urbaine et à 28,5% rurale. Le reste de la population (15%) vit dans des camps.
C. Economie et développement
Avec l’établissement de l’Autorité palestinienne en 1994, nombre de projets et d’initiatives pour développer l’économie des Territoires ont été planifiés et entrepris. Cependant l’économie palestinienne demeure grandement dépendante d’Israël et de l’aide extérieure. Le secteur des services domine la vie économique tandis que l’industrie reste sous-développée. Quant à l’agriculture, elle pâtit des restrictions imposées par l’armée israélienne en terme d’accès aux terres pour les paysans palestiniens.
Après les deux années noires (2001 et 2002) suivant le déclenchement la seconde Intifada (fin septembre 2000), l’économie palestinienne avait entamé une lente récupération avec un taux de croissance de 6,1 % en 2003 et 6,2 % en 2004. Mais au cours du dernier trimestre 2005, la croissance s’est nettement ralentie en raison du renforcement, dès les premiers jours de novembre, du bouclage des Territoires par l’armée israélienne et d’un nombre croissant d’entraves à la circulation des biens et des personnes. La relance de l’économie palestinienne au regard des spécialistes passe par le rétablissement de la libre circulation des personnes et des biens à toutes les échelles (au sein des Territoires, entre la bande de Gaza et la Cisjordanie et entre les territoires et les pays voisins).
La victoire du Hamas aux législatives de janvier 2006 a entraîné la suspension des aides financières des principaux donateurs, Etats-Unis et Union européenne en premier lieu, à l’Autorité palestinienne. Le Gouvernement israélien avait, dès l’annonce de la victoire électorale du Hamas, décrété le gel des taxes de douanes censées revenir à l’AP soit 55 MUSD mensuel. La reprise des aides est conditionnée par l’adhésion explicite du gouvernement palestinien aux principes énoncés par le « Quartet diplomatique » à savoir la reconnaissance d’Israël, l’acceptation des accords antérieurs conclus entre Israël et l’OLP et la renonciation à la lutte armée. D’un point de vue économique, ces deux décisions ont plusieurs conséquences majeures pour l’économie palestinienne :
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Une crise financière : depuis la suspension des aides directes, l’Autorité palestinienne doit trouver chaque mois 150 MUSD pour régler le salaire des quelques 164 700 agents publics (dont les revenus font vivre un quart de la population et participent de fait à l’activité commerciale et industrielle des Territoires). Ne pouvant compter sur les revenus provenant des taxes douanières, le Ministère des finances doit se contenter de la collecte des impôts « intérieurs », lesquels n’atteignent ces temps-ci que les 10 MUSD par mois. Sans une aide financière considérable de la Communauté internationale, l’Autorité palestinienne est condamnée à moyen terme à la banqueroute.
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Une crise bancaire : la dette de l’Autorité palestinienne s’élève à 1 300 MUSD. Un certain nombre d’entreprises sont également en difficulté du fait des retards pris par l’administration à régler ses factures. Si le remboursement des emprunts tarde, c’est le système bancaire palestinien qui est menacé.
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Une crise humanitaire : Les ONG, plébiscitées par la Communauté internationale pour devenir les relais de leurs aides à la population palestinienne, mettent en garde contre une grave crise humanitaire dans les TP, et notamment dans la bande de Gaza. Elles rappellent également qu’elles n’ont ni les moyens ni la vocation à se substituer aux ministères palestiniens.
D. Un territoire occupé : faits et conséquences
1. Les faits
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a) Les colonies
La colonisation des Territoires palestiniens, Jérusalem compris, débute au lendemain de la Guerre de juin 1967. Cette colonisation répond à deux logiques : assurer la sécurité d’Israël en créant des « zones tampons » avec les zones à forte population arabe et établir un contrôle de cette population par un maillage très dense d’infrastructures.
La colonisation est aussi basée sur la stratégie du « fait accompli ». Certaines colonies de Cisjordanie sont en effet considérées par le Gouvernement israélien comme partie intégrante de l’Etat d’Israël et revendiquées comme telles lors des négociations.
D’après des chiffres du Ministère de l’Intérieur israélien, on dénombrait en 2004, 250 179 colons. Depuis, Ariel Sharon a procédé au désengagement de la bande de Gaza, évacuant quelque 9000 colons de ce territoire. Les colons représentent 9% de la population israélienne et 10,5% de la population de Cisjordanie.
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b) Checkpoints et restrictions de mouvements
Au nom d’impératifs sécuritaires, l’armée israélienne a mis en place tout un système de contrôle de la population à l’intérieur des Territoires. Le contrôle des déplacements de la population constitue le cœur des mesures sécuritaires lesquelles prennent des formes diverses.
Les points de contrôle ou « Checkpoint » : Le nombre de checkpoints permanents en Cisjordanie est évalué à 54. 29 d’entre eux sont situés sur la ligne verte et contrôlent les entrées des Palestiniens sur le territoire israélien. Pour pouvoir franchir ces points de contrôle, les Palestiniens doivent être munis d’un permis délivré par le Ministère de l’intérieur israélien.
Les autres checkpoints sont situés à des points stratégiques à l’intérieur de la Cisjordanie permettant un contrôle des déplacements de la population palestinienne.
Obstacles physiques : Aux checkpoints s’ajoutent des centaines d’obstacles physiques (monticules de terre, blocs de bétons, tranchées…) visant à entraver les déplacements de la population. Selon l’organisme des Nations Unies pour les Affaires humanitaires (OCHA), on dénombre 219 obstacles bloquant soit l’entrée de localités palestiniennes ou coupant des routes.
Routes de contournement ou « Bypass roads » : les routes de contournement ont été construites afin de relier les colonies au territoire israélien et d’éviter aux colons israéliens d’emprunter les mêmes routes que les palestiniens. Cependant, derrière la logique sécuritaire apparaît un autre enjeu : le découpage du territoire palestinien créant des zones palestiniennes séparées les unes des autres. Selon l’organisation israélienne B’Tselem, un quart des routes de Cisjordanie (soit 700km) sont totalement ou partiellement interdites aux palestiniens.
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c) « Barrière de sécurité »
Afin de prévenir l’entrée non contrôlée de Palestininens en Israël et mettre un terme aux attentats suicides, le gouvernement israélien, dirigé par Ariel Sharon, décide en juin 2002 la construction d’une barrière visant à séparer Israël des Territoires palestiniens. Désigné par les uns comme une « barrière de sécurité », elle est perçue par les autres comme une « barrière de ségrégation ». La désignation même de cet ouvrage constitue un enjeu.
En 2003, la construction de la barrière débute dans le nord de la Cisjordanie. A terme, elle devrait avoir une longueur de 680 km. En juillet 2005, 214 km était construit, essentiellement autour des villes proches d’Israël (Qalqilya, Jérusalem, Bethléem…). Celle-ci est une combinaison de pans de mur haut de huit mètres et de barrière électrifiée. Le tracé de cette barrière constitue l’un des points les plus discutés. En effet, seulement 20% de la barrière sont construits sur la « ligne verte », considérée comme la « frontière officielle » entre Israël et le futur Etat palestinien. Par ailleurs, l’objectif clairement affiché par les autorités israéliennes est d’intégrer le maximum de colonies à Israël par le biais de cette barrière.
Malgré la condamnation par la Cour de Justice internationale en 2004, la construction se poursuit. Cette barrière dont les responsables politiques israéliens disent qu’elle est provisoire, paraît au vu des sommes engagées et de la stratégie adoptée s’inscrire dans le temps et définir à terme les nouvelles frontières d’Israël.
2. Les conséquences
Ces mesures sécuritaires affectent la vie quotidienne des Palestiniens dans tous ses aspects. La principale des conséquences est la segmentation du territoire palestinien et le cloisonnement des localités palestiniennes, qui progressivement se retrouvent isolées les unes des autres. Les déplacements de personnes et de marchandises sont de plus en plus difficiles, paralysant une économie déjà très affaiblie. En effet, nombre d’ouvriers ne peuvent plus se rendre en Israël car ils ne bénéficient pas de permis. Beaucoup d’agriculteurs n’ont plus accès à leur champ car ils en ont été séparés par le mur ou alors réquisitionnés par l’armée israélienne.
Toutes ces contraintes physiques rendent difficile l’accès des Palestiniens aux lieux de soins, aux universités et entravent fortement les relations familiales et sociales. Par ailleurs, il est à noter que la construction croissante de colonies, du mur, des routes de contournement ont des conséquences directes pour l’environnement.
Enfin, Israël en tant que puissance occupante doit veiller à la liberté religieuse et à préserver l’accès aux Lieux saints pour l’ensemble des croyants. Or dans les faits, la liberté religieuse est souvent bafouée au nom d’impératifs sécuritaires.
E. Système politique
Après avoir été sous contrôle jordanien et égyptien puis à partir de 1967 sous occupation israélienne, les accords d’Oslo permettent d’établir un pouvoir autonome chargé d’administrer les Territoires palestiniens : l’Autorité Nationale Palestinienne. Cette institution, pensée comme temporaire, avait pour objectif de poser les bases du futur Etat palestinien censé naître à la fin du processus de négociations, le 4 mai 1999.
Autorité palestinienne (AP) et Organisation de Libération de la Palestine (OLP)
Autorité palestinienne et OLP sont souvent perçues comme une seule et même organisation. La confusion réside dans les liens étroits qui unissent ces deux structures. L’OLP est considérée par le droit international comme le représentant du peuple palestinien (population des Territoires et de la diaspora), est de fait la seule organisation capable de négocier au nom des Palestiniens. L’AP, quant à elle, est en charge de l’administration et de la gouvernance des Territoires. L’hégémonie de l’OLP sur cette institution et le fait que le Président élu de l’OLP fut pendant longtemps le président élu de l’AP, Yasser Arafat ont contribué au mélange des genres. Le Hamas, qui ne fait pas partie de l’OLP, en intégrant les structures de l’AP soulève l’épineuse question de la répartition des pouvoirs et de l’avenir de l’OLP.
F. Organisation des pouvoirs
Selon la loi fondamentale («Basic law») de 2002, fondations de la future constitution, la Palestine est une démocratie parlementaire basée sur la séparation des pouvoirs. La structure institutionnelle de l’AP repose sur trois types de pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. La loi fondamentale garantit l’indépendance de la justice.
A. Le pouvoir exécutif
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1. La Présidence
Le Président est élu directement par le peuple et possède le titre de commandant en chef des forces armées. Par un amendement de 2003 à la Loi fondamentale, sous la pression des membres du « Quartet diplomatique », le Président nomme un Premier ministre.
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2. Le Premier ministre
Depuis sa création, le poste a été occupé successivement par Mahmoud Abbas puis Ahmad Qoreï et depuis février 2006 par Ismaël Haniyyeh du Hamas. Le Premier ministre a la charge de former et diriger le gouvernement. Il est également le chef des services de sécurité.
Le gouvernement est composé de 23 ministères.
B. Le pouvoir législatif : le Conseil Législatif Palestinien (CLP)
Créé par les arrangements intérimaires issus des accords d’Oslo de 1993, le Conseil de l’autonomie palestinienne avait des compétences très générales. Composé en 1996 de 88 membres, il est passé à 132 lors des élections législatives de janvier 2006. Le « Conseil » est doté, selon l’accord du 28 septembre 1995 (Oslo II), de « pouvoirs législatifs et exécutifs ». Cependant, le CLP pâtit rapidement des conditions internationales dans lesquelles il est né. Deux restrictions majeures sont apportées à la fonction législative : l’assemblée doit se limiter aux domaines de l’éducation, de la culture, de la santé, de la protection sociale, des impôts directs et du tourisme ; et ne pas intervenir dans les domaines réservés à la phase finale des négociations (Jérusalem, réfugiés, implantations…). La centralité du pouvoir en la personne d’Arafat, les allégeances locales et partisanes des députés et les restrictions imposées par Israël ont fortement limité les ambitions de cette institution.
Pendant 10 ans, le CLP fut dominé par le Fatah. Les élections législatives de 2006 ont permis un rééquilibrage des forces et une représentativité plus juste des forces politiques palestiniennes.
La nomination du Premier ministre et la constitution du gouvernement doivent être approuvées par le CLP.
C. Le pouvoir judiciaire
Le pouvoir judiciaire se hiérarchise de la façon suivante : Cour de magistrature, Cour de Première instance et Cour d’appel. La Cour suprême est composée de la Haute cour constitutionnelle, une cour de cassation pour traiter des affaires civiles, criminelles et commerciales et d’autre part d’une Haute cour de justice pour régler les différends administratifs.
La Haute cour constitutionnelle a l’autorité pour réviser les lois et les règles et veiller à la conformité de celles-ci par rapport à la constitution.