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, Paris, June 2003

Le Bön, aux sources de la tradition spirituelle tibétaine

Le Bön est à l’origine de la culture et de la spiritualité tibétaine. Sa connaissance permet une meilleur compréhension du peuple tibétain.

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Avant l’arrivée du bouddhisme au Tibet, le peuple Tibétain pratiquait les rites du Bön, religion indigène traditionnelle. Il est difficile de dater les débuts du Bön et de savoir d’où il provient avec exactitude. A l’origine, il désignait une catégorie particulière de « prêtres-shamans » et ce n’est qu’avec l’arrivée du bouddhisme au VII ème siècle, qu’il fut considéré comme une religion à part entière.

I. De la légende à l’histoire

Selon les récits légendaires Bönpo, dix-huit grands maîtres ayant atteint l’illumination apparaîtront dans notre monde. Le premier d’entre eux, celui de notre ère, est le maître Tönpa Shenrab, fondateur de la religion Bön, apparu dans sur la terre mythique d’Olmo Lung Ring (identifiée par certains comme étant le Mont Kailash, au Tibet occidental).

Il est dit que Tönpa Shenrab étudia la doctrine Bön au ciel avant de s’engager auprès du dieu de la compassion, Shenla Okar, à descendre sur terre guider les hommes. A l’âge de 30 ans, il renonça au monde et mena une vie d’austérité, propageant la doctrine pour sauver les hommes de leur souffrance. Suivant son chemin, il arriva au Tibet dans la région du Mont Kailash, devenu aujourd’hui le site historique de la culture Bön.

II. Croyances et doctrine

D’après le Bön, le monde est fait de trois parties : les nuages et le ciel, la terre et les « régions basses ». Chacune est habitée d’esprits plus ou moins malicieux qui influent sur la vie des hommes. Ces esprits sont ceux des cinq éléments (l’espace, l’air, le feu, l’eau et la terre), des quatre saisons et de la nature (arbres, rochers, montagnes, rivières, plantes, ciel, soleil, lune, étoiles, nuages etc.). Ils ne sont pas les esprits de morts mais bien des dieux à part entière.

Les activités humaines dérangent la quiétude de ces esprits qui à leur tour se vengent sur les hommes. Ainsi lorsqu’un homme coupe un arbre, il dérange Nye, le dieu des arbres. Lorsqu’il creuse un puit, c’est le dieu de la terre, Sadag, qu’il dérange. En polluant l’air, il provoque la colère de Theurang, le dieu de l’espace, ainsi que celle de Lu, le dieu de l’eau, lorsqu’il pollue les lacs et les rivières. La vengeance des dieux s’abat ensuite sur les hommes. « En polluant l’espace, ils polluent leur esprit ; en polluant le feu, ils polluent leur chaleur intérieure ; en polluant l’eau, ils polluent leur sang, et en polluant la terre, ils polluent leur corps. De ces pollutions résultent la maladie et la mort ».

Pour lutter contre les colères des dieux, les « prêtres-shamans » du Bön, les Bönpos, se livrent à des rituels et des cérémonies complexes. Ils servent de médium entre les esprits et les hommes. Les rites qu’ils accomplissent sont différents dans chacune des régions du Tibet, car chaque endroit est habité par un esprit particulier faisant partie intégrante de la vie quotidienne des habitants de la région, et à qui sont faits offrandes et sacrifices.

Dans le Bön, la mort n’est pas considérée comme la fin de la vie, mais comme une transformation. Les morts sont incinérés, parés de bijoux, au cours d’un rituel shamanique. Cette cérémonie leur permettra d’être récompensés de leurs actes dans l’autre vie.

La doctrine transmise par Tönpa Shenrab est généralement classée en deux genres: les Quatre Portails et le Trésor Unique. Les Quatre Portails sont:

  • L’Eau Blanche (Chabdkar): doctrine liée aux phénomènes ésotériques.

  • L’Eau Noire (Chab-nag): doctrine concernant les rites du récit, les rites magiques et ceux des funérailles, ainsi que le rite de rachat des âmes.

  • La Terre de Phan (’Phanyul): recueil contenant les règles monastiques et les présentations philosophiques.

  • Le Guide Divin (Dpon-gasa) : doctrine contenant uniquement les enseignements de la Grande Perfection.

Le trésor Unique (Mtho-thog) recense les points essentiels des Quatre Portails.

III. Le Bön jusqu’à nos jours

On sait peu de chose de la religion Bön lors de l’arrivée et de la diffusion du bouddhisme au Tibet, aux environs du VIIème siècle. Certains disent qu’il subit de fortes persécutions sous les rois qui implantèrent le bouddhisme sur les Hauts Plateaux, mais les informations sont trop peu nombreuses pour infirmer ces déclarations. Néanmoins il est évident que le Bön a souffert de l’arrivée du bouddhisme.

Grâce à quelques fervents adeptes tels que Drenpa Namkha (IX ème siècle) et Shenchen Kunga (X ème siècle), la religion Bön ne tomba pas dans l’oubli. De nombreux monastères furent bâtis à partir du XI ème siècle; on en comptait plus de 300 avant l’invasion chinoise. Au XIX ème siècle, le Bön retrouva une dynamique nouvelle sous les enseignements et les écrits du maître bön Sharza Tashi Gyeltsen. Mais malgré cela, l’arrivée des troupes chinoises infligea au Bön des dommages irréparables.

Aujourd’hui la communauté Bön tente de préserver ses croyances depuis le Népal ou l’Inde, le Bön subissant, comme le bouddhisme, de fortes pressions au Tibet même. A Dolanji, dans la province de l’Himachal Pradesh en Inde, un monastère a été fondé, avec le soutient du Dalaï Lama, le monastère Tashi Menri Ling. Il a été pendant longtemps le seul centre religieux où les moines pouvaient recevoir des enseignements complets, aussi bien dans les domaines religieux (philosophie, règles monastiques, danses et rituels religieux) que dans des domaines profanes (grammaire, médecine, astrologie, poésie). De grands efforts sont faits aujourd’hui, avec le soutien du gouvernement tibétain en exil, pour créer un Institut International du Bön au Népal, afin que cette doctrine qui est une part indissociable de l’identité culturelle et spirituelle unique du Tibet soit préservée.

Notes

  • À lire : « Le tibet est-il chinois? » de Anne-Marie Blondeau et Katia Buffetrille, éditions Albin Michel, 2002.

  • À consulter : le site du gouvernement tibétain en exil : www.tibet.com