Magdalena Sepulveda, janvier 2006
La protection des droits de l’Homme en Amérique latine
La nécessité d’un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques et sociaux pour compléter les systèmes nationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme en Amérique latine.
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Un large consensus s’est dégagé autour de cette idée lors du séminaire de Nantes
Il s’est dégagé un large consensus parmi les participants universitaires, ONG, représentants d’institutions inter- gouvernementales (Commission inter-américaine des droits de l’Homme) d’Amérique latine ayant participé au séminaire d’experts de haut niveau sur les droits économiques, sociaux et culturels à Nantes du 5 au 7 septembre 2005, sur la nécessité d’adopter un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
En général cette opinion a été partagée par les représentants d’Etats de la région présents au séminaire, ce fut le cas par exemple de l’Argentine, du Brésil, du Chili, du Panama et du Guatemala. Cette position s’inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par le GRULAC (Groupe de pays d’Amérique latine et de la Caraïbe) lors des deux sessions du groupe de travail à composition non limitée et des 60ème et 61ème session de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies. En effet, à ces occasions, l’appui et le vote des pays d’Amérique latine ont été essentiels à la poursuite du processus au sein de la Commission (1).
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L’adoption d’un protocole a également été soutenue lors de différents séminaires nationaux
Une impulsion concernant l’adoption d’un protocole a également été donnée lors de différents séminaires nationaux dans lesquels des représentants gouvernementaux ont clairement exprimé leur soutien au processus. Il est nécessaire de souligner à ce titre, par exemple, le séminaire international sur les droits économiques, sociaux et culturels tenu à Mexico (18-19 Août 2005) sous la houlette du programme de coopération Commission européenne - Mexique en matière de droits de l’Homme, au cours duquel le Directeur Général du Service droits de l’Homme et Démocratie du Ministère des affaires étrangères, Juan José Gomez Camacho, a souligné que le gouvernement Mexicain serait favorable au démarrage de la rédaction d’un protocole global (2).
Le séminaire de Nantes a été l’occasion pour des représentants d’Etats ainsi que pour des experts du monde entier d’exprimer leur point de vue sur le protocole facultatif et a représenté une opportunité pour construire un consensus indispensable à la poursuite d’un processus soutenu de longue date par les organisations de la société civile et certains universitaires. Le séminaire a démontré qu’un tel consensus existe tout du moins en Amérique latine.
L’adoption d’un protocole améliorerait la justiciabilité des DESC au niveau interne et compléterait le Protocole de San Salvador
En général, gouvernements d’Amérique latine, universitaires et institutions non gouvernementales, s’accordent sur le fait qu’un protocole améliorerait la justiciabilité de ces droits au niveau interne et complèterait le protocole additionnel à la Convention américaine des droits de l’Homme dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador) (3). Comme cela a été souligné lors de la Conférence, notamment par Ariel Dulitzky, secrétaire de la Commission inter-américaine des droits de l’Homme, un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne dupliquerait pas le “Protocole de San Salvador” mais en serait plutôt un complément nécessaire.
Le Protocole de San Salvador couvre de nombreux droits qui sont en général ceux inclus dans le PIDESC mais il comprend également des droits qui ne sont pas envisagés par le Pacte comme le droit à un environnement salubre (article 11), ainsi que le droit à la création d’une famille et à sa protection (Article 15). Le Protocole prévoit également la protection des personnes vulnérables et des groupes moins avantagés comme les enfants (Article 16), les personnes âgées (article 17)et les personnes handicapées (Article 18).
Cependant, le Protocole présente également des limites auxquelles un protocole facultatif pourrait remédier.
D’une part, la comparaison entre le Protocole de San Salvador et le PIDESC démontre qu’il y a des lacunes quant aux droits protégés. Par exemple, le Protocole ne fait pas référence au droit au logement qui est prévu par l’article 11 du PIDESC. C’est une omission importante au regard de l’importance de ce droit et des développements qu’il connaît dans le cadre des travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (4).
D’autre part, parfois, les obligations reconnues dans le Protocole sont moins contraignantes que celles prévues par le Pacte. En l’occurrence, l’article 13 du Protocole prévoit que “le droit à l’éducation devrait être obligatoire et accessible à tous gratuitement.”(surligné par l’auteure). En revanche, le PIDESC établit une obligation plus stricte dans la mesure où il stipule que le droit à l’éducation doit être obligatoire et disponible gratuitement pour tous. (Surligné par l’auteure). C’est pourquoi un protocole facultatif au PIDESC permettrait une meilleure protection pour ces droits envisagés par le Pacte mais non inclus dans le Protocole de San Salvador ou prévu avec une force moins contraignante.
Une complémentarité importante existerait entre le Protocole de San Salvador et un futur protocole facultatif en ce qui concerne les mécanismes de surveillance. Le principal système de suivi établi par le Protocole de San Salvador est un système de rapports, toutefois il prévoit également un système de plainte individuelle mais limité uniquement à deux droits: (i) le droit pour les travailleurs à former et faire partie de syndicats (Article 8.a) et (ii) le droit à l’éducation (article 13). C’est pourquoi un protocole facultatif permettrait aux victimes de violations de droits économiques, sociaux et culturels de présenter des communications individuelles devant un organe international, après épuisement des voies de recours internes.
Un protocole facultatif autoriserait également le Comité à enquêter, sur la base d’informations fiables, reçues ou obtenues de sa propre initiative, sur des situations révélant des cas de violations graves et systématiques de droits économiques, sociaux et culturels dans un Etat partie. Un tel mécanisme n’est pas prévu par le Protocole de San Salvador.
L’adoption d’un protocole facultatif au PIDESC permettrait de compléter en matière de droits de l’Homme le traité régional relatif aux DESC
En résumé, le séminaire de Nantes a été un forum international dans lequel les représentants d’Etats, les organisations de la société civile et des universitaires d’Amérique latine se sont accordés pour exprimer ce qui semble être le désir des peuples de la région : qu’il est nécessaire d’adopter un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques et sociaux qui complèterait en matière de droits de l’Homme le traité régional gouvernant les droits économiques, sociaux et culturels.
(traduit de l’anglais)
Notes
1. Voir par exemple, E/CN.4/2005/52 paragraphes 7 et 59,dans le même esprit voir, le vote des pays d’Amérique latine sur les droits économiques, sociaux et culturels lors de la 60ème session de la Commission des droits de l’Homme (E/CN.4/2004/L.10/Add.10). La Commission a à cette occasion décidé de renouveler, pour deux ans, le mandat du groupe de travail à composition non limitée afin d’étudier la question de l’élaboration d’un protocole facultatif au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
2. Informations supplémentaires consultables sur : www.sre.gob.mx/comunicados/comunicados/2005/agosto/b_155.htm et www.pdhumanos.org/actividades/seminarios/programa_sem5.pdf (last revised January 2006)
3. Adopté à San Salvador, Salvador le 17 novembre 1988, à la 18ème session ordinnaire de l’Assemblée Générale. Il est entré en vigueur le 16novembre 1999.
4. Voir, par exemple, l’Observation Générale N°4 sur le droit à un logement décent E/1992/23) et l’Observation Générale N°7 sur les expulsions forcées (E/1998/22, annexe IV).