Emmanuel Decaux, Paris, janvier 2006
Justiciabilité et Coopération
Mots clefs : Dialogue social pour construire la paix
Dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de 1993, « la Conférence mondiale des droits de l’Homme encourage la Commission des droits de l’Homme à poursuivre - en coopération avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels - l’étude de protocoles facultatifs se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » (1).
Depuis que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a rendu sa copie en 1997, en présentant un avant-projet de protocole facultatif (2), la question était restée en sommeil devant la Commission des droits de l’Homme, malgré tous les efforts, notamment au sein des Institutions nationales, comme en France la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Au moment où les voix les plus autorisées mettent en cause la « crédibilité » et la légitimité de la Commission des droits de l’Homme (3) - enterrée avant même d’être remplacée - c’est avec une amère ironie que l’on peut observer la dynamique qui s’est récemment créée autour du protocole facultatif. Dix ans après la Conférence mondiale, la Commission des droits de l’Homme a enfin mis en place son groupe de travail sur les « options ». Pour avoir participé aux côtés de Doudou Diène et de Jean Ziegler à un « panel » lors de la 2ème session du groupe de travail, en janvier 2005, j’ai pu mesurer l’intérêt, l’acuité et la vivacité des débats menés avec autant de diplomatie que de rigueur par Catarina de Albuquerque. Cette volonté de regarder les problèmes de front, y compris en abordant clairement les enjeux politiques est une condition du succès, tout comme les discussions techniques parallèles qui permettent de sérier les difficultés en déminant le terrain, lors de séminaires informels, comme celui particulièrement stimulant qui a été organisé au nom de la France par l’ambassadeur Michel Doucin, en septembre dernier, à Nantes.
Ce séminaire, qui a fait se rencontrer des experts et des diplomates de différents continents ne partageant pas a priori la même vision sur un bon nombre de sujets, m’a paru particulièrement positif en ce qu’il a permis, à partir de l’exposé de points de vues argumentés différents, sinon d’atteindre un consensus, du moins d’élaborer un questionnement commun et non idéologique sur quelques questions clés. J’en retiens essentiellement trois :
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L’amélioration de l’effectivité de l’ensemble des droits de l’Homme qui devrait s’enrichir de la quasi-justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels ;
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La portée de l’argument éventuel d’une insuffisante coopération internationale ;
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La fonction d’audit social qui pourrait revenir à un comité recevant des communications individuelles.
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L’amélioration de l’effectivité de l’ensemble des droits de l’Homme devrait s’enrichir de la quasi-justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels
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La nécessité d’une application effective des droits de l’Homme
D’abord la nécessité pour les Etats de prendre au sérieux l’indivisibilité et l’universalité des droits de l’Homme, qui au-delà des mots, passe par leur effectivité, c’est-à-dire leur application effective. A cet égard, il est temps de dépasser la fausse symétrie entre les deux Pactes, largement idéologique et issue de la guerre froide, pour opérer une mise à niveau des deux traités. Le constat est clair, sur les sept instruments de référence qui comportent création d’un comité de suivi, cinq instruments prévoient désormais la possibilité de communications individuelles, soit parce qu’une telle disposition était prévue dès l’origine - Protocole additionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, déclaration de l’article 11 de la Convention contre la discrimination raciale (CERD), déclaration de l’article 22 de la Convention contre la torture et déclaration de l’article 77 de la convention sur les droits des travailleurs migrants - soit en vertu d’un nouveau protocole additionnel - comme dans le cas de la Convention contre la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Seule la Convention des droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont encore privés d’un tel mécanisme.
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La quasi-justiciabilité des DESC, un pas de plus vers une meilleure effectivité des droits de l’Homme
Dans les deux cas, c’est la question de la justiciabilité des droits qui est mise en avant pour expliquer ce décalage. Or cette question reste subjective, comme on le voit bien en France avec les divergences de jurisprudence entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation quant au caractère d’exécution directe, self-executing, de la Convention sur les droits de l’enfant. On pourrait inverser le raisonnement, en considérant que les notions de « procès équitable » ou de « traitement dégradant » sont tout aussi vagues que bien des droits sociaux, alors que le Pacte comporte des obligations particulièrement précises, notamment au regard du droit à l’éducation. Mais en admettant même la critique, ce sont justement l’application pratique par les Etats parties et l’interprétation par les juges qui donnent substance et consistance à ces notions floues. Autrement dit, ce n’est pas l’imprécision qui empêche la justiciabilité, c’est la jurisprudence qui apporte l’interprétation. Mais « qui veut noyer son chien dit qu’il a la rage » …
Un autre argument récurrent est le « coût » des droits économiques et sociaux, là aussi on a beau jeu de répondre que la bonne administration de la justice a elle aussi un prix, alors que le Pacte comporte une série d’obligations négatives qui n’ont pas de coût en elles-mêmes, par exemple en matière de liberté syndicale. Bien plus si le respect effectif du principe de non-discrimination entraîne des charges sociales supplémentaires, on voit mal comment cela pourrait justifier de différer la pleine égalité des hommes et des femmes ou la lutte contre la discrimination raciale et religieuse. Il faut admettre que tous les droits de l’Homme ont un coût dès lors que l’on ne se contente pas d’obligations négatives des pouvoirs publics – à travers la « non-ingérence », l’abstention de l’autorité dans la jouissance des droits - mais que l’on vise des obligations positives, qui ne sauraient être réduites à de simples « droits-créances », alors qu’il s’agit tout à la fois de respecter, de protéger et de mettre en œuvre les droits de l’Homme.
Cette lecture diversifiée des droits de l’Homme qui est le fruit des travaux de la Sous-Commission des droits de l’Homme des Nations Unies - en particulier des rapports pionniers de Danilo Turk et d’Asbjörn Eide - concerne tous les droits de l’Homme.
L’existence du Pacte relatif aux droits civils et politiques ne saurait servir d’argument contre l’adoption d’un protocole facultatif au PIDESC
En ce sens le rapprochement entre droits civils et politiques et droits sociaux, déjà constaté dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (4), devrait valoir tout autant dans le cadre onusien où universalité et indivisibilité doivent aller de pair. Que le Comité des droits de l’Homme, par le biais de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ait ouvert la voie, avec une jurisprudence substantielle en matière de discrimination, comme l’illustre bien l’affaire Gueye et autres contre France (5), ne devrait pas servir d’argument contre un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. D’abord parce que sur le plan technique de la recevabilité la règle de litispendance et plus généralement le principe de la via electa, empêchent tout cumul des procédures, y compris au regard des systèmes régionaux, mais surtout parce que sur le fond, une approche directe des droits économiques, sociaux et culturels est tout aussi nécessaire qu’une jurisprudence indirecte, par le détour de la non-discrimination. Ce double éclairage ne peut qu’enrichir l’interprétation croisée des deux Pactes. Mais inversement, il ne faut pas craindre que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels utilise l’article premier qui est commun aux deux Pactes pour empiéter sur la sphère politique que le Comité des droits de l’Homme a sagement su éviter depuis près de vingt ans s’agissant du principe de l’autodétermination.
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Le PIDESC comporte d’indéniables particularités
Pour autant, le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels comporte des particularités qu’il serait absurde de nier. Il faut simplement transformer ces faiblesses en atouts comme a su si bien le faire le Comité lui-même, en faisant de son absence de base juridique dans le Pacte, un élément de souplesse et de dynamisme, par rapport à d’autres comités entravés par des règles statutaires. C’est sous cet angle que l’on doit aborder la question de la coopération internationale qui pèse sur les travaux préparatoires. On trouve la formule dès l’article 2 §.1 : « Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte, par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ». La formulation à tiroir est complexe, et le Comité lui-même a eu l’occasion d’en donner une première interprétation dans ses observations générales.
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La responsabilité première du respect des droits de l’Homme incombe aux Etats eux-mêmes
Les Etats parties peuvent être tentés de mettre en avant leurs « besoins » ou leurs revendications en matière de coopération pour différer leurs propres engagements. Mais les droits de l’Homme sont de la responsabilité première de l’Etat concerné qui d’ailleurs peut seul adopter les mesures législatives requises. L’article 2 §.3 tient compte de manière spécifique de la situation des « pays en voie de développement » s’agissant des droits à accordés au non-ressortissants. A contrario, il ne dit rien qui permettrait à un Etat de remettre à plus tard en bloc la mise en œuvre du Pacte, en raison d’un défaut de la coopération internationale, que celle-ci soit le fait d’un régime international de sanctions, d’une politique d’ajustements structurels ou d’une simple négligence.
Mais si l’article 2 §.1 écarte l’idée du tout ou rien, il introduit une réalisation progressive des engagements, « au maximum des ressources disponibles ». Cette exigence pèse d’abord sur l’Etat qui dans le choix de ses priorités nationales ne saurait sacrifier les droits de l’Homme, mais qui doit également savoir mobiliser la coopération internationale « sur les plans économique et technique ». Des obligations de moyens pèsent donc sur l’Etat, aussi bien dans sa propre action que dans sa recherche de l’assistance internationale. De même, d’autres dispositions spécifiques du Pacte semblent créer une sorte de responsabilité collective, notamment à l’article 11 §.2 qui mentionne les mesures adoptées contre la faim « individuellement et au moyen de la coopération internationale », ou de manière plus vague l’article 15 §.4 qui évoque l’« encouragement et (le) développement de la coopération et des contacts internationaux dans les domaines de la science et de la culture ». A ce stade un problème d’imputation peut se poser s’agissant de la responsabilité collective des Etats, voire de la responsabilité indirecte des organisations internationales, à travers leurs programmes, comme le PAM. Dès maintenant le Comité n’hésite pas à interroger les Etats parties sur leurs politiques de coopération et d’aide au développement, mais il faut bien distinguer l’approche générale et politique de l’examen des rapports, de la procédure spécifique d’examen des communications qu’il s’agisse de recevabilité, de causalité et d’imputabilité de la responsabilité.
L’exigence de coopération internationale ne saurait être un préalable au respect des droits de l’Homme
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La coopération internationale comme un deuxième filet de sécurité
Plutôt que de faire de la coopération un préalable au respect des droits de l’Homme par l’Etat à l’égard de ses propres citoyens, à travers une sorte d’action récursoire contre les Etats tiers ou la « communauté internationale » dans son ensemble, il faut voir la coopération internationale comme un deuxième filet de sécurité. La coopération internationale n’est pas prévue dans le Pacte en des termes qui la rendent imputable à une autre Partie, par une sorte d’effet de ricochet ni même comme une cause exonératoire permettant de se dispenser du respect d’une obligation. L’article 2 §.1 crée des obligations de moyen et des obligations de résultat, s’inscrivant dans le temps, mais excluant toute régression, qui pèsent sur l’Etat partie et sur lui seul. C’est lorsque l’examen d’une communication aura permis de constater la violation d’une obligation, que l’article 2 §.1 pourra trouver tout son sens. Sur la base du diagnostic fait par le Comité, l’assistance et la coopération internationales pourront être dirigés en connaissance de cause. Autrement dit la coopération interviendrait au stade de la mise en œuvre et du suivi, ex post, et non ex ante, comme une excuse absolutoire.
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L’exigence de la coopération internationale tend à favoriser la pleine réalisation des droits garantis
Comme le souligne le document préparé par le président-rapporteur du groupe de travail pour la 3ème session (6), la IV° partie du Pacte comporte des dispositions concrètes en matière de coopération, notamment aux articles 22 et 23. Ils relèvent de l’ordre de la prescription, de la préconisation plus que de la condamnation. Rien ne serait plus contre-productif pour les Etats que de chercher à se défausser les uns sur les autres de leur responsabilité première, en multipliant les alibis pour couvrir leurs propres défaillances.
L’exigence de coopération internationale doit être conçue de manière positive, pour favoriser la pleine réalisation des droits garantis, et non de manière négative pour exonérer les violations commises par un Etat. Mais cette lecture non-contentieuse et non-polémique de la coopération va de pair avec la nature du contrôle qui sera mis en œuvre par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité des droits de l’Homme a su développer au fil du temps, depuis près de vingt ans, une fonction quasi-contentieuse, en développant une « jurisprudence » fondée sur des communications individuelles, là où le Pacte parle seulement de « constatations », de views, de « vues » …. Mais dans sa phase de démarrage, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels sera sans doute plus modeste, en tenant compte de la nature et de la portée des communications qui lui seront soumises. A défaut de communications étatiques ou de communications collectives, traduisant de véritables class-action – le contentieux sera sans doute ponctuel et circonstancié, partant d’échantillons de violations systémiques. Au-delà des constations dans le cas d’espèce, il s’agira de déceler des dysfonctionnements de portée plus générale, se situant soit au niveau des textes législatifs, soit à celui des politiques mises en œuvre.
La fonction d’audit social pourrait revenir à un comité recevant des communications individuelles
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Un diagnostic précis et concret, sur la base de cas individuels et non seulement de rapports généraux
Plus que la fonction quasi-contentieuse, c’est plutôt une fonction d’audit social que devrait jouer le comité des droits économiques, sociaux et culturels. Alors que le système d’examen des rapports reste trop souvent au niveau des généralités, sans prendre appui sur les situations concrètes, le système des communications permettra des coups de projecteur sur les cas individuels, à l’échelle humaine. Les deux exercices sont complémentaires pour empêcher que la forêt ne cache les arbres, tout autant qu’il faut éviter que les arbres ne cachent la forêt. Mais le caractère de quasi-contentieux devrait être souligné, comme une forme souple d’accountability pesant sur les Etats. L’objet même du contrôle serait double, d’abord l’interprétation des obligations, en allant ainsi dans le sens d’une justiciabilité plus grande, d’autre part la détection des dysfonctionnements pour permettre la recherche de politiques correctrices, y compris dans le cadre de la coopération internationale. Dans ce sens, l’objet premier du Protocole ne me semble pas de « juger » ou de « condamner » les Etats, mais bien de faire un diagnostic précis et concret, sur la base de cas individuels et non seulement de rapports généraux. Si l’enrichissement de la quasi-jurisprudence permet au fil du temps la même évolution que celle qu’a connu le Comité des droits de l’Homme dans sa fonction contentieuse, tant mieux, cela voudra dire que la fausse querelle de la justiciabilité est dépassée. Mais dans un premier temps, l’hypothèque pesant sur la justiciabilité de nombre de dispositions du Pacte ne fait que renforcer la nécessité d’un mécanisme souple d’élucidation, et de préconisation.
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L’interprétation effective du Pacte doit ouvrir la voie à l’application progressive
Pour ce faire, il convient de sauvegarder la dynamique en cours. D’autant que l’objet des travaux préparatoires est la rédaction d’un simple protocole additionnel qui - par définition - ne concernera que les Etats qui y auront souscrits et dans la mesure où ils auront souscrits cet engagement ratione temporis et ratione materiae. Le comble serait que des Etats tiers ou simples signataires du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, empêchent les Etats parties qui le souhaitent d’aller plus loin pour leur propre compte. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a été maximaliste dans sa démarche, mais il convient sans doute aujourd’hui d’être plus modeste. Il faut qu’un mécanisme se mette enfin en place et puisse se développer peu à peu de manière expérimentale. Les seules limites à ne pas accepter seraient celles qui hypothéqueraient l’avenir. Par exemple, un système « à la carte » aboutirait à remettre en cause l’indivisibilité des droits de l’Homme, en introduisant a posteriori une hiérarchie entre les droits qui n’a pas sa place dans la construction du Pacte, là où la Charte sociale européenne a été rédigée pour offrir des options, des variantes, des étapes progressives aux Etats. De même une distinction entre des « droits fondamentaux » et des droits de seconde classe serait tout aussi inacceptable, d’autant que les « besoins de base» les plus urgents en matière d’alimentation, de travail ou de logement sont les plus impératifs mais aussi les moins justiciables. Ils nécessitent en priorité une mobilisation des politiques publiques et de la coopération internationale, à travers les Objectifs du Millénaire.
L’important est de commencer, de disposer d’un outil de travail, afin de diversifier les instruments dont dispose le Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour préciser l’interprétation concrète du Pacte et veiller à son application effective. Une ambition réaliste passe aujourd’hui par ce pragmatisme. Il faut souhaiter qu’un groupe d’Etats pionniers pourra ouvrir la voie et démontrer le mouvement en marchant, mais il n‘y a que le premier pas qui coûte… L’Union européenne qui se définit aujourd’hui tout autant par son engagement en faveur des droits de l’Homme que par son attachement à un « modèle social » original, devrait trouver sur ce terrain l’occasion de s’affirmer et de se réconcilier autour de ces deux grands objectifs, en donnant la première l’exemple. De leur côté, les grands pays du Tiers monde qui ont souvent une jurisprudence très avancée en la matière, de l’Afrique du Sud à l’Inde devraient également prendre la tête de ce grand mouvement pour rééquilibrer les droits de l’Homme, au nom de la démocratie et du développement. Seule une nouvelle coalition nord-sud donnera ainsi tout son sens à l’universalité et à l’indivisibilité des droits de l’Homme. Nantes a été un test de cette volonté collective, il reste à transformer l’essai à Genève.
Notes
1. Déclaration et programme d’action de Vienne, II, §.75.
2. E/CN.4/1997/105. Cf. « la réforme du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels » , notre contribution aux Mélanges en l’honneur de Nicolas Valticos, Droit et justice, Pedone, 1999, pp.405-415.
3. Emmanuel Decaux (sous la dir), Les Nations Unies et les droits de l’homme, enjeux et défis d’une réforme, colloque international du CRDH, Pedone, 2006.
4. Cf. Frédéric Sudre, « La protection des droits sociaux par la Cour européenne des droits de l’homme : un exercice de jurisprudence-fiction ? » , Revue trimestrielle des droits de l’homme, juillet 2003, n°55, pp.755-779.
5. Décision Ibrahim Gueye et al du 13 avril 1989, in Sélection des décisions du Comité des droits de l’homme prises en vertu du Protocole facultatif, NU, 2002, vol.3, p.107. Contra, Conseil d’Etat, avis Dame Doukouré du 15 avril 1996 et arrêt Diop du 30 novembre 2001, AJDA 2001, chr. p.1039.
6. E/CN.4/2006/WG.23/2, §.48 et sq.