Fiche d’analyse Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

Olivier Boissin, He Youn, Grenoble, France, mai 2000

La conversion du secteur militaire en Chine

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1- Historique

Depuis l’arrivée au pouvoir du Parti communiste en 1949 et avec l’aide de l’ex-Union Soviétique, la Chine a développé un secteur militaire performant et complet. Le lancement du premier satellite et la fabrication de sa première bombe atomique dès les années 60 en sont des témoins. En raison de la guerre froide et de la tension avec l’ex- Union Soviétique, Mao avait considéré le développement des industries militaires comme une priorité. Jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, les dépenses militaires étaient très fortes, équivalentes à environ 20% du budget de l’Etat Central. Il n’y a toutefois guère de chiffres officiellement publiés mesurant l’importance de ce secteur. On peut cependant estimer qu’en 1998, près de 8 millions d’employés peuvent encore être classés dans le secteur militaire et que sa production représente plus de 10% de la production industrielle du pays. Six principaux domaines d’activités sont représentés au sein de ce secteur :

  • l’industrie nucléaire,

  • l’industrie aéronautique,

  • l’industrie électronique militaire,

  • l’industrie d’armement,

  • la construction navale,

  • l’industrie aérospatiale.

Depuis la fin des années 1970, de profondes modifications touchent ce secteur. Les allocations budgétaires sont certes toujours massives. Toutefois, la priorité n’est plus donnée aux applications militaires mais à ses applications civiles. Quasiment inexistante jusqu’en 1978, ces dernières représentent ainsi en 1998 environ 75 % de la production du complexe militaro-industriel. Cette tendance qui est constatée depuis la fin des années 1970 s’explique en grande partie par l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir mais aussi par une évolution du contexte géopolitique international. D’une part, l’ex-Union Soviétique ne constituait plus une menace et d’autre part, on assistait à une détente des relations avec les Etats-Unis. Notons que cette situation n’est plus qu’en partie constatée de nos jours. Depuis 1996, les investissements chinois en matière notamment de missiles balistiques s’inscrivent dans une politique d’armement de grande ampleur. Le climat détérioré actuel qui prévaut entre la Chine et les Etats-Unis n’est pas, à cet effet, sans poser quelques interrogations sur la politique future qu’adoptera le gouvernement chinois. L’implication croissante des Etats-Unis auprès notamment du Japon, de Taiwan et de la Corée du Sud à travers le développement de son système moderne et de grande ampleur de défense antimissile (le Theater Missile Defence) relance fortement depuis 1998 les tensions entre Washington et Pékin. Cette présence soutenue de la puissance américaine dans la zone Asie, qui vise indirectement sinon directement la Chine, peut avec une forte probabilité intensifier une course aux armements entre les deux puissances Chine - Etats-Unis. Parallèlement aux budgets de défense chinois qui témoignent d’une forte augmentation durant les dix dernières années, il n’en reste pas moins qu’un mouvement significatif de conversion militaire soit toujours en cours. Soulignons toutefois qu’il est toujours difficile de savoir si la Chine souhaite réellement opérer une conversion de son industrie militaire vers des applications civiles ou si, de manière plus opaque, elle vise une amélioration de son armement par incorporation de techniques modernes d’origine civile. L’ampleur des doubles transferts et des projets d’armement qui sont développés ne doit pas faire oublier cette seconde possibilité.

Un retour sur l’histoire de ce complexe militaro-industriel nous amène à distinguer deux grandes périodes en matière de conversion industrielle.

Années 1980 : une conversion forte du complexe vers les applications civiles

Au début des années 1980, face à la très forte diminution des commandes de produits militaires et à la décision donnée à beaucoup d’entreprises de stopper leur production d’armement, la Chine a connu une croissance soutenue de sa production de biens de consommation courante. Cette production reposait le plus souvent sur des activités à faible intensité capitalistique bien que la volonté du gouvernement Central était d’inciter à la valorisation technologique des entreprises d’Etat du secteur militaire. Le contenu assez simple des biens produits s’expliquait essentiellement par la difficulté à se lancer rapidement dans une conversion industrielle complexe tant du point de vue organisationnelle que technique. Pendant cette période, sur la base d’incitations financières et d’aides directes, beaucoup d’entreprises militaires se lancèrent ainsi dans la fabrication de bicyclettes et motocyclettes, de machines à coudre, de machines à laver, de réfrigérateurs, de pièces détachées, d’articles de sport et de confection, etc. Ces aides substantielles étaient fournies à la fois par l’Etat Central et les autorités provinciales pour conduire la conversion. Toutefois, très rapidement, un grand nombre de ces marchés se sont trouvés excédentaires et les entreprises dans une situation de forte rivalité concurrentielle. A partir du milieu des années 1980, cette croissance de la concurrence était par ailleurs aggravée par un manque de cohérence des décisions émanant de l’Etat central et celles provenant des autorités provinciales. Les entreprises reconverties, structures jusqu’ici habituées à une planification quinquennale centralisée de leurs activités, se trouvaient ainsi dans une situation nouvelle et complexe de libre marché en matière de mode de gestion de leurs activités et de planification en matière d’objectifs globaux à atteindre.

Peu familières aux lois du marché et à l’analyse de la concurrence, cela s’est traduit par la présence de secteurs fortement atomisés, concurrentiels et produisant des biens de qualité variable et souvent en faible adéquation avec l’évolution rapide de la demande.

Années 1990 : un repositionnement des entreprises vers les marchés de demande

Face à la croissance de la concurrence, l’apprentissage de la compétitivité et de l’adaptation aux marchés de demande devient alors une nécessité. C’est ce que vont réussir en partie les entreprises du complexe militaro-industriel avec une montée en technicité et en qualité de leurs productions.

En partie seulement car en 1999, encore la moitié des entreprises du complexe militaro-industriel ne parviennent pas à dégager des bénéfices. Cela provient de nombreuses difficultés à surmonter : localisation géographique pénalisante en matière de transport, de logistique et d’accès aux informations économiques ; étroitesse du marché du travail et manque de qualification interne ; faiblesse des expériences en matière de relations commerciales, de règles de gestion et de management ; déficience du secteur bancaire pour le financement des investissements ; endettement important ; présence de technologies souvent obsolètes. On peut toutefois parler d’une conversion réussie si l’on se réfère, d’une part, à l’importance de la production du complexe à application civile (environ 75 % de la production en 1998 contre 8% en 1979) et, d’autre part, à l’importance des inerties, des cultures et spécificités des organisations industrielles héritées du secteur militaire des années 1970. Un élément va jouer positivement dans cette adaptation progressive aux nouvelles conditions de marché : un régime de croissance très soutenu notamment tiré par une insertion rapide et marquée de la Chine dans le commerce international. Et cela, de 1978 jusqu’à nos jours même si la crise asiatique se traduit depuis 1998 par un ralentissement sensible des activités du pays. Un chiffre suffit pour illustrer l’ampleur du phénomène : entre 1978 et 1998, la Chine a enregistré une croissance annuelle de 8% de son PIB .

Accompagnées par ailleurs par des aides directes et des prêts bonifiés, les entreprises reconverties bénéficient ainsi durant les vingt dernières années d’une très forte conjoncture limitant à la fois leur inefficacité organisationnelle, leurs coûts d’apprentissage et de redéployabilité de leurs activités.

Autre raison expliquant la bonne transition du complexe militaro-industriel : à partir du début des années 1990, les entreprises profitent de transferts technologiques émanant d’entreprises étrangères s’implantant sur le territoire. Rappelons qu’à partir de 1994, la Chine devient le deuxième pays mondial derrière les Etats-Unis en matière d’accueil d’investissements directs étrangers. A travers des réglementations le plus souvent strictes en matière d’obligation pour les investisseurs étrangers de transfert technologique, l’Etat Central facilite ainsi l’appropriation de nouvelles technologies et de méthodes de gestion et d’organisation transférables aux entreprises nationales.

De même, des transferts technologiques sont encouragés entre le secteur militaire et le secteur civil par l’intermédiaire notamment de structures d’interface chargées de valoriser les technologies militaires (le CAPUMIT, association chinoise pour l’utilisation pacifique des technologies militaires et surtout la COSTIND, la Commission of Science, Technology and Industry for National Defense). Il en découle de nombreux résultats dont :

  • le développement du système nucléaire à usage civil par les entreprises travaillant sur les applications nucléaires dans le domaine de la défense ;

  • la production d’avions à usage civil par les entreprises aéronautiques militaires ;

  • la forte présence dans le secteur informatique d’experts issus des entreprises de l’électronique militaire ;

  • l’exportation de bateaux à usage civil par les entreprises appartenant à la construction navale militaire ;

  • le lancement de satellites par le secteur aérospatial qui a été essentiellement militaire.

Nous pourrions mentionner également la production d’automobiles et de camions par des entreprises d’armement, bien que dans ce secteur, c’est principalement la réalisation de joint-venture avec des constructeurs automobile étrangers qui soit privilégiée.

Durant cette période des années 1990, de profondes réorganisations industrielles sont ainsi menées. La logique de valorisation est généralement la suivante :

(i) identification des secteurs dont les procédés de fabrication témoignent de certaines ressemblances techniques. Par exemple, la fabrication de camions par les usines produisant des blindés ; la réalisation de composants destinés à l’industrie informatique par des entreprises initialement positionnées sur l’électronique militaire ; etc.

(ii) l’Etat Central, généralement appuyé par les autorités de la province d’accueil des entreprises, accordent les aides financières et les supports techniques et logistiques pour opérer les transferts.

A la différence de la période des années 1980, l’Etat accompagne par des investissements importants les entreprises dès que les projets : (i) témoignent de fortes intensités technologiques et (ii) sont positionnés sur des secteurs jugés porteurs (informatique, électronique grand public, télécommunication et technologies de l’information, automobile et secteur énergétique notamment). Inversement, et contrairement à la période antérieure, au niveau des entreprises témoignant d’une forte intensité de main d’œuvre et produisant des biens le plus souvent à faible valeur ajoutée, les réformes en cours visent une restructuration de ces activités. Sur le plan quinquennal en cours, ces restructurations s’effectuent toutefois au prix d’une croissance significative du chômage. Cette tendance est d’autant plus à souligner que ces entreprises sont souvent localisées dans des zones géographiques déjà handicapées en matière d’infrastructures. Le complexe militaro-industriel couvrait en effet dès son origine l’ensemble du pays et notamment les zones peu développées de l’Ouest et du Centre. Si une partie importante du secteur reconverti n’arrive pas à poursuivre de manière efficace sa réorganisation interne, des déséquilibres territoriaux pourraient en découler. Plusieurs indicateurs vont dans ce sens : même si la Chine a relativement bien résisté à la crise asiatique, l’investissement étranger et la consommation n’arrivent toujours pas à repartir depuis 1998. De même, le secteur bancaire chinois est dans une situation critique et ne pourra que difficilement accompagner la reprise d’une partie des entreprises du complexe militaro-industriel qui sont déficitaires. Enfin, les implantations étrangères restent encore très en retrait des zones centrales de la Chine et privilégient massivement les zones côtières. Associé au contexte actuel de crise, il est ainsi probable que la Chine connaisse dans les années à venir un accroissement des écarts de développement entre les zones du Centre et de l’Ouest et les pôles dynamiques des provinces côtières. Cette proposition reste toutefois à prendre avec précaution de par la volonté affichée par Jiang Zemin (et relayée par la COSTIND) de développer un plan de relance auprès des entreprises du complexe militaro-industriel localisées dans ces zones économiquement handicapées. Jusqu’à maintenant, la conversion a contribué très positivement à maintenir l’emploi dans ces zones. En sera-t-il de même dans le court et moyen terme ? De par l’ampleur des enjeux économiques et sociaux sous-jacents, c’est là un point important à surveiller.

 

2- Organisation et résultat de la conversion du secteur

En premier lieu, soulignons que le complexe militaro-industriel reste une industrie d’Etat placée sous contrôle du Conseil des affaires d’Etat. Sur le plan institutionnel, les six secteurs des industries militaires étaient initialement sous la responsabilité de six ministères. Leurs activités étaient uniquement gérées sur le principe d’une planification centralisée. Depuis 1982, dans le cadre de la politique de conversion du secteur militaire, le gouvernement central a progressivement mis en place le principe de l’économie de marché au sein de ces ministères. L’objectif était de conférer une plus grande autonomie décisionnelle et de réactivité aux différentes entreprises du complexe. A cet effet, des sociétés générales ont été créées pour gérer les activités. Par ailleurs, le ministère chargé de l’électronique militaire a été fusionné avec le ministère de l’industrie électronique. Les entreprises auparavant sous sa direction n’ont actuellement plus de spécificité militaire. Les cinq sociétés générales (la société générale de construction navale, de l’industrie nucléaire, de l’armement, de l’industrie aérospatiale et de l’industrie nucléaire) gèrent ainsi, au nom de l’Etat, un très grand nombre de holding et d’entreprises.

Il ne faut toutefois pas conclure à une perte de pouvoir des militaires dans la gestion des activités. Bien au contraire, ces derniers contrôlent de nombreuses entreprises, souvent rentables, ainsi que les principaux canaux de distribution formels et informels en matières de commerce international. L’Armée Populaire de Libération est à cet effet incontestablement un acteur majeur de l’activité économique chinoise.

Pendant leur conversion, les entreprises militaires ont établi des liens de coopération économique, technologique et commerciaux avec plus de mille entreprises étrangères. L’Etat chinois a ainsi pu acheter des technologies étrangères, bénéficier de crédits de la part de pays étrangers, créer des joint-venture, effectuer de la sous traitance et de la réexportation de produits pour des firmes étrangères. De plus, l’Etat central a compris très vite la nécessité de collecter et coordonner l’information relative à la conversion du secteur de la défense et de répartir les activités aux entreprises militaires ou civiles selon les domaines d’application. A cet effet, comme esquissé précédemment, une institution centralisée chargée de gérer l’interface entre le civil et le militaire a été créée : la Commission of Science, Technology and Industry for National Defense (COSTIND). Structure centrale placée à la tête d’autres institutions chargées de collecter notamment de l’information sur les marchés, les technologies et les possibilités de transfert, elle contribue efficacement à la conversion du secteur militaire. Sa présence est d’autant plus importante que la tradition industrielle planifiée du pays se traduit encore par de fortes inerties organisationnelles et une faible capacité de positionnement stratégique et de réactivité des entreprises vis-à-vis de leur environnement concurrentiel. Au global, nous pouvons parler d’une conversion rapide et réussie du secteur militaire chinois depuis 1978. Quelques chiffres témoignent de cette évolution. En 1979, la production totale des entreprises classées dans le secteur de la défense à application civile représentait seulement 8 % contre 92 % à application militaire. En 1985, ce ratio était de 35 % contre 65 %, en 1990 de près de 70 % contre environ 30 % et en 1998 d’environ 75 % contre 25 %.

Plus en détail, identifions les principales retombées issues de la conversion du complexe militaro-industriel. Bien que ces chiffres doivent être pris avec précaution de par le manque de fiabilité du système statistique chinois, quelques données permettent en effet de comprendre l’importance des mouvements à l’œuvre.

Industrie nucléaire

Concernant l’industrie nucléaire, la part des produits à usage civil a augmenté de 4,9 % en 1980 à plus de 80 % en 1998. Sur le plan de la construction des centrales nucléaires, entre 1990 et 1995, la Chine a construit une centrale nucléaire de 300.000 kW. Entre 1996 et 2000, quatre projets de construction seront réalisés avec une capacité totale de 6,6 millions de kW. Quant aux projections de long terme, en 2010 la capacité des centrales nucléaires du pays devrait atteindre 20 millions de kW. Cette croissance remarquable est en grande partie issue de la conversion de l’industrie nucléaire militaire. Par ailleurs, de nombreuses applications issues des technologies de l’isotope et du rayonnement nucléaire sont appliquées dans le domaine de l’agriculture et de la médecine. Grâce à ces applications, la Chine a désormais 1.200 unités médicales capables d’utiliser la technologie de médecine nucléaire.

Industrie aéronautique

Dans ce domaine, la part de produits à usage civil est passé de 6 % en 1978 à plus de 70 % aujourd’hui. L’accent est mis sur la fabrication des avions à usage civil. Plus de 200 avions à usage civil ont ainsi été fabriqués. En coopération avec le constructeur américain McDouglas, 25 D-82 ont été réalisés (donc 5 revendus aux Etats-Unis). Plus de cent entreprises fabriquent des pièces détachées d’automobile (10 % des parts du marché national). De nombreuses entreprises du secteur des motocyclettes et des moteurs sont également issues du secteur de la défense, avec une capacité de production annuelle de 5 millions de motocyclettes et de 300.000 moteurs par an. Depuis 1979, la Chine réalise par ailleurs pour une vingtaine de firmes aéronautiques occidentales des pièces détachées d’avions.

Industrie électronique

Concernant l’industrie électronique, notons que la fabrication des produits à usage civil a commencé bien avant 1980. En 1979, la part de ces produits avait déjà atteint 20 % de la production. Cette part est passée à 62 % en 1985 et 97 % en 1992. En 1998, la quasi totalité de la production est dédiée aux applications civiles. Au premier plan arrivent les produits électroménager. Concernant le marché des téléviseurs fabriqués par les usines appartenant administrativement au secteur militaire, la production représente 33 % du marché national. De même, 50 % des exportations de réfrigérateur sont réalisées par cette industrie. Mais les atouts les plus significatifs des entreprises d’électronique militaire sont à chercher dans les domaines des systèmes de contrôle et de surveillance. Dans ces domaines, beaucoup d’applications sont possibles tant dans le développement de logiciels, le traitement de données, la transmission d’information, le contrôle d’information industrielle et financière, l’automatisation, la micro-informatique, etc. Parmi les 50 plus grands groupes chinois appartenant au domaine de l’électronique, 30 sont d’origine militaire.

Industrie d’armement

Dans le domaine de l’armement, là aussi la part de produits à usage civil est passée de 9 % en 1979 à plus de 80 % aujourd’hui. Le taux de croissance de la production à usage civil est de 15,6 % entre 1985 et 1990 et de 26,8% de 1990 à 1995. En 1995, parmi les produits à application civile, 82,1 % sont des produits mécaniques, 6,8 % des produits chimiques et 4,1% des produits d’optique (autres : 7 %). Dans le secteur mécanique, la production automobile et de motocyclette représente la grande majorité (80 %). De 1979 à 1995, la société générale d’armement a ainsi fabriqué 10,9 millions de motocyclette, soit 34,8 % du marché national. Plus de 100 entreprises en joint- venture ont par ailleurs été créées.

Construction navale

Le développement de la construction navale en Chine a été principalement effectuée grâce à la politique de conversion. A la fin des années 1970, la fabrication de bâtiments militaires représentait 70 à 80 % de la production totale. En 1996, la part des bateaux à usage civil représentait déjà 80 % de la production totale (avec plus de 40 % de la production destinée à l’exportation). La capacité de production du secteur est passée de 800.000 tonnes en 1981 à 1,5 millions de tonnes en 1990. En tant qu’exportateur, la Chine est passée du 16e rang mondial au début 1980 au 5e rang en 1998. En 2000, la capacité de production atteindra 3 à 3,5 millions de tonnes, représentant près de 10 % du marché mondial.

Industrie aérospatiale

Depuis 1979, le taux de croissance des produits à usage civil est de 30 %. Sur la période 1979-1995, la part des produits à usage civil est passée de 10 % à 70 %. Jusqu’en juillet 1996, 36 satellites à usage civil de fabrication chinoise ont été lancés. La Chine est dorénavant entrée dans le marché mondial de l’aérospatiale et a déjà lancé 9 satellites étrangers.

Conclusion

Les résultats de la politique de conversion du secteur militaire chinois menée depuis la fin des années 1970 sont positifs. Cette réussite doit toutefois être nuancée par deux éléments. D’une part, les statistiques chinoises doivent inviter à la prudence et, d’autres part, cela ne doit pas masquer le fait que des problèmes structurels majeurs restent à traiter. La Chine est face à une crise importante de ses entreprises d’Etat, dont une partie se réfèrent au complexe militaro-industriel. Ces dernières, souvent pénalisées sur le plan de leur localisation géographique, doivent faire face à des difficultés financières et d’adaptation à des marchés de plus en plus complexes à maîtriser tant sur le plan technique que sur le plan de l’organisation industrielle et du management. Les défis à relever restent ainsi importants dans un contexte politique où le gouvernement chinois doit à la fois articuler la poursuite des réformes économiques et gérer un problème de chômage en croissance forte depuis 1997.

Notes

Résumé :

Même s’il faut considérer avec beaucoup de prudence les statistiques chinoises, voici un point sur l’état de la conversion dans ce pays. Après une conversion forte et forcée des entreprises du complexe militaro-industriel vers les applications civiles dans les années 80, on a assisté dans les années 90 à un repositionnement du à l’adaptation aux contraintes de marché. L’Etat accompagne de façon importante les entreprises dès que les projets sont positionnés sur des secteurs porteurs et à forte intensité technologique. Par contre, les entreprises à faible valeur ajoutée sont contraintes à des restructurations fortes au prix d’une croissance significative du chômage, le plus souvent dans des zones géographiques déjà défavorisées.