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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’analyse Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

Grenoble, juin 1996

De grands chantiers.

Mots clefs : Reconvertir les armements

La conversion de l’économie de défense nécessite l’engagement simultané d’un programme de grands chantiers scientifiques et technologiques qui mobilisent les énergies humaines, la créativité des chercheurs et le goût d’entreprendre des ingénieurs. Durant les dernières années de la course aux armements entretenue par la confrontation des deux blocs, une grande partie des ressources scientifiques ont été drainées vers les technologies "avancées", armement, aérospatial, nucléaire, sans doute au détriment des autres secteurs civils. En 1987, la R&D à objectif militaire représentait aux Etats-Unis 32,5 % de la DIRD (Dépense Intérieure de Recherche et Développement), 23 % en Grande Bretagne, 21 % en France, contre 5 % en Allemagne et 1 % au Japon. L. Dumas estime que 30 % des scientifiques et ingénieurs américains ont été engagés dans des travaux de R&D à objectif défense durant ces trente dernières années.

De même l’influence des crédits en provenance du secteur de la Défense sur les laboratoires civils français (CNRS et Universités) est loin d’être négligeable. Ils représentaient en 1990 encore plus de la moitié des ressources externes (hors personnel et dotations de leurs ministères) des laboratoires des Universités et Grandes Ecoles.

Depuis la brutale évolution de la fin des années quatre vingt, les Etats-Unis et l’Europe ont pris conscience que la recherche militaire ne pouvait plus assurer seule ce rôle de mobilisation des énergies, d’où l’importance donnée aux programmes communautaires de recherche en Europe et à l’initiative de la présidence américaine, "Technology Reinvestment Project". Le quatrième programme cadre lancé par la Commission en 1994 pour quatre ans s’élève à 12,3 Milliards d’ECU contre 20 Milliards de dollars pour l’initiative technologique du Président Clinton, pour la même période.

Au niveau des universités et laboratoires, l’influence de ce redéploiement s’est rapidement fait sentir. La Commission Européenne est ainsi devenue le premier bailleur de fonds des laboratoires universitaires de Grenoble, se substituant peu à peu aux crédits de la DGA.

Au delà de la recherche, c’est également l’énergie des ingénieurs et le savoir faire de nombreuses entreprises de haute technologie qu’il faut mobiliser sur d’autres grands projets. Chaque époque a été marquée par de grands chantiers mobilisateurs qui ont façonné notre cadre de vie et modifié nos comportements. Nous avons rapproché deux textes qui, à un siècle de distance, montrent la même passion des ingénieurs à mettre la technologie au service du développement :

 

Un grand chantier en 1891 :

"L’art de l’ingénieur a pris de nos jours une telle importance qu’on ne pourrait songer à faire, en dehors d’une encyclopédie, un exposé complet des résultats acquis dans chacune de ses branches, dont le nombre va sans cesse en augmentant et qui correspondent à autant de spécialités distinctes, en raison de la diversité des applications qu’elles comportent. Les grands exemples que nous nous bornerons à choisir parmi les travaux les plus considérables exécutés par les ingénieurs modernes suffiront à donner de l’oeuvre accomplie dans ce siècle un tableau d’ensemble dont nous pouvons rapidement esquisser les grandes lignes.

Considérée dans son ensemble, l’oeuvre industrielle du XIXe siècle dérive presque entièrement de l’invention de la machine à vapeur. C’est ainsi que, parmi toutes les merveilleuses conquêtes dont notre siècle a pu voir la réalisation, l’application de la vapeur aux chemins de fer et à la navigation a certainement donné lieu aux plus grandes entreprises dont les ingénieurs puissent revendiquer la gloire.

Les besoins nouveaux que créait l’établissement des voies ferrées ont fait surgir immédiatement une foule de problèmes qui ne s’étaient jamais posés à l’esprit des ingénieurs avant l’ère des chemins de fer. Il fallut, dans certains cas, percer des montagnes qui formaient jusqu’alors un obstacle infranchissable à la libre communication entre deux pays voisins, et, dans d’autres circonstances, s’efforcer de gravir des rampes fortement inclinées par des moyens d’une hardiesse surprenante. De même, on a dû jeter sur des fleuves des ponts gigantesques dont l’utilité ne s’était jamais fait sentir, et la nécessité de réaliser de pareils travaux a été pour ainsi dire le point de départ du mouvement scientifique auquel nous devons les grandes constructions métalliques modernes, qui marquent un des progrès les plus considérables qui aient été accomplis dans notre siècle".

 

Un grand chantier en 1996 :

"Un événement considérable s’est produit ces dernières années, qui bouleverse de nombreuses données de l’économie mondiale. Grâce aux progrès de la technologie, trois domaines précédemment disjoints, l’informatique, l’audiovisuel et les télécommunications sont amenés à converger. Les percées technologiques fondamentales que constituent la numérisation de l’information et de sa transmission, le transistor et le circuit intégré et la fibre optique débouchent sur les extraordinaires perspectives de la mondialisation de l’information, qu’elle soit écrite, sonore ou visuelle. Tout le monde a pris maintenant conscience, à travers le développement d’Internet qui concrétise le concept d’autoroutes de l’information, qu’une ère nouvelle s’offre à nous.

Au siècle dernier les chemins de fer déterminaient pour longtemps l’économie des pays occidentaux, à la fin de notre siècle les autoroutes de l’information auront des effets tout aussi importants. D’autres chantiers scientifiques et technologiques vont également s’ouvrir permettant d’utiliser notre intelligence et notre énergie créatrice au service de la société : l’environnement, la maîtrise de l’énergie, l’éducation, le développement, l’aménagement des villes, la santé… La rubrique « De grands chantiers » de notre bulletin doit permettre de présenter ces nouveaux chantiers et voir comment ils opèrent une réallocation des ressources financières et des compétences précédemment mobilisées par les préoccupations de défense vers d’autres objectifs.