Joseph Le Marchand, Paris, 2005
Le défi de mettre les institutions politiques nationales et internationales au service de la construction de la paix
Si les institutions politiques peuvent jouer un rôle dans la construction de la paix sociale et internationale, celles-ci ne peuvent jamais suffire à elles seules pour mettre en œuvre une paix durable.
Mots clefs : La démocratie, facteur de paix | Droit international et paix | Relations internationales et paix | Gouvernement national et paix | ONU
L’État et les administrations qui le composent ont un grand rôle à jouer dans l’établissement d’une paix durable. Cela fait partie de leur objectif premier. Même les puissances impérialistes du XXe siècle avaient comme finalité l’instauration d’un monde pacifié durable (Reich de 1000 ans, « Lendemains qui chantent » des soviétiques…).
Les institutions étatiques regroupent l’ensemble des administrations de service public, mais peuvent aussi comprendre des coutumes.
Les institutions étatiques diffèrent d’un État à l’autre, mais regroupent l’ensemble des administrations et des pratiques immuables mises en place pour mener une politique visant la « paix perpétuelle ».
Napoléon Bonaparte a repris en France la centralisation jacobine, l’a formalisée et rendue immuable. C’est ainsi que la plupart des institutions politiques et sociales françaises, mais aussi européennes (code civil…) remontent sans interruption à Napoléon.
Cet exemple n’est que l’illustration d’un vieux fantasme de la politique : les institutions sont à la base de toute science politique, sauf de l’idéologie anarchique. La finalité de la politique étant d’instaurer un modèle de fonctionnement garantissant la paix civile, il est nécessaire de se pencher sur la constitution d’institutions permettant d’y parvenir et ainsi de ne plus les modifier.
L’exemple le plus probant de paix instaurée par un régime politique juste, reposant sur de solides institutions est celui de la Rome antique. La « pax romana » durable reposait principalement sur le respect des institutions politiques établies, et avec un certain succès : à l’apogée de l’empire, au siècle des Antonins (troisième après J.-C.), l’Europe n’a connu aucune guerre, ce qui est un exploit qui n’a jamais été renouvelé depuis.
On a alors pensé dépasser le cadre national pour assurer une paix mondiale : c’est dans ce sens que Kant dépose son « projet de paix perpétuelle » assise sur une communauté internationale de nations. Cette idée est reprise par la Société des Nations (S.D.N.) au lendemain de la Première Guerre mondiale (« la der. des der. »), puis par l’Organisation des Nations unies (O.N.U) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
On pourrait croire que les institutions politiques n’ont plus vraiment le vent en poupe lorsque l’on voit émerger de part et d’autre des propositions de re-dimensionnement de la politique. On jure actuellement par la « démocratie locale », les « logiques de proximité » ou par la « décentralisation ». Toutes ces expressions reviennent sur le principe des institutions uniformes, centralisées et immuables, qui se révèleraient mal adaptées à la multiplicité des situations locales.
Mais en même temps, on attribue les situations dramatiques instigatrices de violence et de guerres au manque d’institutions politiques : l’anarchie administrative fait le lit de l’injustice et des conflits sociaux, on en appelle aux institutions pour répondre aux bruits de bottes.
Des solides institutions constitutionnelles démocratiques sont même devenues un gage de paix. La ligne de politique extérieure affichée par les États-Unis n’est elle pas de propager la démocratie ? Ce credo qui relève de la pensée unique dérive pour une bonne partie de la théorie de Francis Fukuyama « la fin de l’histoire et le dernier homme », affirmant que la propagation de la démocratie dans le monde débouchera sur un dialogue international permettant d’éviter les guerres. Elle garantira également au citoyen un traitement juste et équitable garant de la paix sociale. L’institution démocratique est donc le rempart absolu contre la guerre internationale comme la guerre civile, et l’on aurait alors atteint un système définitif. C’est le sens du titre de l’ouvrage, « la fin de l’histoire » représentant la fin des guerres mais aussi la finalité, l’aboutissement du processus historique ; tandis que le « dernier homme » signale l’accomplissement du développement humain.
Toutefois, le contre-exemple de la démocratie colombienne, la tendance très nette consistant à faire de la politique démocratique un art de la communication, l’impréparation des populations de nouveaux citoyens, le caractère occidental (remontant à la Grèce antique) du principe démocratique font que les institutions démocratiques ne peuvent suffire à instaurer un état de paix systématique.
Si les institutions politiques peuvent jouer un rôle dans la construction de la paix sociale et internationale, celles-ci ne peuvent jamais suffire à elles seules pour mettre en œuvre une paix durable.