Xavier Guigue, Bruxelles, mars 2005
Israël, Palestine, une communauté où vivent les deux peuples
La preuve du vivre ensemble par la pratique.
Historique
Neve Shalom/Wahat as-Salam est un village coopératif de Juifs et d’Arabes palestiniens (musulmans et chrétiens), tous citoyens d’Israël. Son nom se traduit par Oasis de Paix. Il a été fondé par le frère dominicain Bruno Hussar, juif d’origine, citoyen d’Israël en 1966, pour faire vivre ensemble les trois religions. Petit à petit, Neve Shalom-Wahat Al Salam est devenu le village de deux peuples, israélien et palestinien.
Le village est situé sur une colline en bordure de la vallée d’Ayalon qui fut le théâtre de nombreuses guerres. Fondé en 1970 sur un terrain de 20 hectares, il se trouve á égale distance (30 km) de Jérusalem, de Tel Aviv et de Ramallah. Cette colline, située dans l’ancien “no man’s land” démilitarisé avant 1967, n’avait été ni habitée ni cultivée depuis l’époque byzantine.
La Communauté
Les premières familles arabes et juives sont venues y résider à partir de 1977. Elles ont choisi de vivre ensemble, convaincues que leurs différences, loin d’être causes de conflits, peuvent être, au contraire, sources d’enrichissement. Les membres de NSH/WAS veulent démontrer ainsi la possibilité de coexistence en développant une communauté sociale, culturelle et politique, fondée sur l’acceptation mutuelle, le respect et la coopération dans la vie quotidienne – chaque personne demeurant fidèle à sa propre identité nationale, culturelle et religieuse.
Le village, en croissance continuelle, comprend aujourd’hui environ 50 familles. La vie quotidienne de la communauté est organisée sur des bases démocratiques. Un secrétaire et un secrétariat sont élus chaque année et tous les membres participent aux assemblées régulières où les questions concernant la communauté sont discutées et décidées. NSH/WAS est indépendant de toute autorité extérieure et n’est affilié à aucun parti politique.
Dans un contexte où il y a des relations dominants-dominés, les discussions ne sont pas toujours faciles mais au moins elles existent et c’est tous les jours que les habitants doivent agir pour s’efforcer à une certaine égalité. Par cette attitude, ils montrent ce qui est concrètement possible car ils ne se sentent ni meilleurs ni pires que les autres.
La crèche, le jardin d’enfants et l’école
L’éducation ayant été depuis les débuts l’une des finalités de NSH/WAS, dès les premières naissances dans le village s’est imposée l’idée de la création d’un cadre éducatif conforme à l’idéal de la communauté. La première réalisation fut la crèche binationale, suivie plus tard du jardin d’enfants et de l’école. Cette dernière s’est ouverte en 1990 aux enfants des villes et villages proches. Près de 300 élèves sont scolarisés dont 90% provienne de l’extérieur.
Quelques principes-clés régissent le système éducatif : instruction dans les deux langues, hébreu et arabe, dès la première classe ; égale participation des Juifs et des Palestiniens dans la gestion et l’enseignement ; insistance sur l’identité de l’enfant sous tous ses aspects : culture, langue, littérature, tradition ; enseignement aux enfants de leurs culture, littérature et tradition mutuelles ; organisation du cadre de vie pour favoriser les rencontres des enfants des deux peuples.
A vivre au quotidien, les relations entre enfants juifs et arabes ne sont pas toujours faciles. Elles sont influencées par les médias habituels et le poids de l’histoire, mais enseignants et élèves peuvent aborder ces difficultés sans tabous et c’est cela qui va créer des liens.
Sur un plan institutionnel, le Jardin d’Enfants est reconnu par le Ministère de l’Education. L’Ecole Primaire, unique en son genre dans le pays, a été reconnue en 1993 par le Ministère de l’Education, puis promue en 1997 « Ecole Expérimentale » , et en septembre 2000 « Ecole Officielle Extra-Régionale » . Mais cela crée d’autres problèmes : le Ministère de l’éducation a nommé sans concertation une nouvelle directrice de l’école primaire ne parlant pas arabe ce qui est contraire aux idées fondatrices et incite NSH/WAS a changé de statut de son école.
Depuis 1996, un Centre d’Apprentissage du Langage travaille par des méthodes actives à équilibrer les niveaux des enfants en arabe (mal maîtrisé chez les juifs) et en hébreu (langue dominante).
Ce système d’éducation constitue un modèle qui a commencé à être imité par d’autres dans les villes ou régions à population mixte : Jérusalem, Jaffa, la Galilée.
NSH/WAS a aussi ouvert une école secondaire où participent une majorité d’élèves palestiniens d’Israël, car le système éducatif israélien leur offre beaucoup moins d’établissements de haut niveau qu’aux Juifs. Des matières à option, informatique, musique, art, communication sont abordées sous l’angle des deux cultures.
Neve Shalom/Wahat as-Salam mène d’autres actions pour promouvoir la connaissance, la compréhension et le dialogue entre les deux peuples : une espace de débat, un centre spirituel, un lieu de détente, un hôtel… c’est un modèle de coopération à une échelle réduite, mais c’est un exemple vivant. Car si la construction de la paix nécessite un engagement politique des dirigeants, elle s’appuie aussi sur des pratiques très concrètes.
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