, Paris, enero 2008

Eido-Idea : pôle de Ressources et de Recherche pour l’Élaboration de Savoirs citoyens.

Le monde associatif chinois, moteur de la société harmonieuse ou des revendications sociales?

Les associations chinoises peuvent-elles être de véritables acteurs de paix sociale dans un pays où les inégalités augmentent au rythme d’une croissance effrénée ?

La résolution adoptée à l’issue de la sixième session plénière du XVIème Congrès du Comité Central du Parti Communiste Chinois a insisté sur la nécessité, pour construire une société harmonieuse, de « développer les activités philanthropiques, d’améliorer la politique de défiscalisation des dons ainsi que de renforcer la sensibilité de l’ensemble de la société aux attitudes charitables ».

La société harmonieuse est le mot d’ordre de la présidence de Hu Jintao, arrivé au pouvoir en 2003. C’est à la lumière de ce concept que sont considérées toutes les questions sociales. Evoquer la philanthropie comme un des moyens de garantir l’harmonie sociale est une première dans d’aussi hautes instances que celle du congrès chinois, et un indicateur de changements récents.

Tournée vers le monde depuis son accession à l’OMC en 2001, la Chine est aujourd’hui confrontée à de nombreuses inégalités intra-rurales, entre villes et campagnes et au sein même des villes. Ce n’est bien évidemment pas le seul pays confronté à cette situation, puisque selon le rapport mondial sur le développement humain réalisé par le PNUD en 2006, sur 177 pays recensés, une trentaine enregistrent des inégalités de revenus au sein de leur population plus importantes qu’en Chine, tandis qu’une douzaine d’autres sont dans une situation comparable. Cependant, une étude de l’Institut Mondial pour le Développement de la Recherche Economique de l’Université des Nations-Unies soulignait qu’en 2000, la Chine ne possédait que 8,7 % des richesses mondiales pour 22,8 % de la population de la planète… Depuis 1985 et la prédiction de Deng Xiaoping : « Certains s’enrichiront, d’autres suivront », la question des inégalités et de la redistribution des richesses est plus que jamais d’actualité.

Entre 1990 et 2005, la part de l’agriculture dans le PNB est passée de 25,6% à 12,6% (1). Cette forte baisse a entrainé une migration massive de paysans vers les villes, à la recherche d’emplois peu voir sous- payés, transformant ces anciens agriculteurs en immigrés de l’intérieur, selon l’expression du sinologue et chercheur français Jean-philippe Béja. Quant à ceux restés sur les terres, ils ont été poussés à l’intensification de leurs activités agricoles ou à la diversification de celles-ci.

Aujourd’hui, le revenu des « urbains » est 3,2 fois supérieur à celui des « ruraux ». Cette différence de revenus est exacerbée par les inégalités d’accès à la protection sociale et aux services d’état tels que l’éducation. Le rapport du PNUD de 2006 consacré à la Chine stipule qu’en 2000, 84,7% des hommes urbains et 56,5% des femmes vivant en ville bénéficiaient d’une allocation retraite, alors que ce chiffre n’était pour les hommes et les femmes de la campagne, que de 6,7% et 0,7% respectivement. Quant au système de santé, les financements gouvernementaux ont chuté de 16% ces dernières années, impliquant une participation financière des usagers aux frais de santé, participation impossible pour une grande partie des foyers ruraux. Si l’on ajoute à ce tableau le fait que les dépenses gouvernementales destinées à l’éducation ont elles aussi baissé de 62% les années précédentes (2), on peut alors se demander comment les larges franges de la population qui n’ont pas accès à une éducation plus aboutie que les neuf années obligatoires et dont les revenus restent marginaux pourraient aujourd’hui défendre leurs droits civiles et politiques.

« Les campagnes grondent… » titrent de nombreux articles traitant des inégalités croissantes en Chine. Un grand nombre d’intellectuels occidentaux jugent les réforme politiques non seulement nécessaires mais inévitables, alors même que le Parti analyse chaque émeute comme la justification d’un régime fort. Si les points de vue divergent, il reste cependant évident qu’au fur et à mesure du désengagement de l’état renait en Chine une conscience citoyenne soutenue par de nouveaux concepts tel que celui de société civile. L’augmentation du bénévolat, en dehors des structures para-étatiques, telles que les unités de travail ou comités de quartiers, est un indicateur de cette participation croissante des chinois à l’amélioration de leur condition de vie au sens large.

Depuis une dizaine d’année, les associations se multiplient. On en dénombre aujourd’hui 460 000 enregistrées, plus d’un million non-enregistrées et environ un millier de fondations. Or la complexité des liens état-société remet en cause nos grilles de lecture occidentales face à cette société civile d’un genre nouveau. L’idée de monde associatif en France sous-entend toute une série de concepts hiérarchisés, allant du non-gouvernemental à la notion radicale de contre-pouvoir. Mais est-ce réellement avec ces concepts là qu’il faut aborder la question des associations en Chine ? Les associations chinoises ne se voient-elles pas plutôt dans un rapport constructif et étroit avec l’Etat ? Et d’ailleurs, est-il judicieux de parler de non-gouvernemental quand la simple question du droit d’exister reste encore sans réponse, tant les problèmes d’enregistrement et d’existence légale sont prégnant dans le monde associatif chinois ? Bien en amont de la question de l’autonomie, qu’en est-il réellement du respect du droit de se rassembler ?

Nous avons décidé de brosser un tableau général des associations en Chine qui reprend, au fil d’analyses et d’entretiens, les questions qui agitent aujourd’hui les activistes chinois aussi bien que les chercheurs occidentaux, avides de voir dans cette société civile émergente l’espoir d’une percée de la démocratie et à fortiori un atout pour la paix dans le pays le plus peuplé du monde.

Notes :

  • (1) : Une partie de l’analyse suivante est basée sur le rapport spécial de China Development Brief How much inequality can China stand, Nick Young, Février 2007.

  • (2) : China’s budget system and the financing of education and health, Mei Hong et Wang Xiaolin, UNICEF et le Groupe de travail national sur les femmes et les enfants, Novembre 2006.

Auteur du dossier :

  • Astrid FOSSIER

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