A l’origine, l’outil fut développé pour les experts du développement et les responsables politiques soucieux de mettre en œuvre efficacement des programmes de développement dans des contextes fortement affectés par les conflits.
L’outil servant de catalyseur, le dialogue ainsi facilité peut donner lieu à un processus d’évaluation par les pairs permettant aux membres du groupe de réfléchir ensemble quant à leurs interventions respectives. Cette discussion peut devenir très utile dans une démarche de planification et de suivi, au sein d’un processus de développement plus vaste.
L’outil se concentre principalement sur les conflits sociaux, surtout ceux qui interviennent au niveau communautaire. Il identifie et met en évidence les liens entre les différents niveaux et les différentes formes de conflits et il cherche à trouver des réponses adaptées au besoin de développement.
Avantages et limites de l’outil
Les organisations peuvent s’aider de l’outil pour repenser l’incidence de leur programme de développement sur les dynamiques de conflit (dans leur contexte de travail). L’outil a pour vocation de dépeindre les liens entre les initiatives de développement, celles de consolidation de la paix, et celles orientées vers la sécurité humaine.
Dans un contexte de conflit, où la réalité est complexe, l’outil permet également aux organisations d’identifier d’autres acteurs concernés avec lesquels elles auraient intérêt à coopérer ou collaborer, pour inscrire leurs efforts respectifs dans une réponse systémique.
Par ailleurs, l’outil permet aux organisations de ne plus considérer leur action comme isolée ou indépendante, mais comme faisant partie d’un ensemble d’interventions. Elles se sentent ainsi moins accablées face aux multiples défis que posent les conflits.
Enfin, l’outil fonctionne au mieux lors de débats en groupe, entre des experts menant une réflexion sur leur propre programme par rapport au contexte où il est mis en œuvre. C’est également un outil intéressant de planification, de suivi et d’évaluation, surtout dans les contextes de sortie de crise, ou après un conflit, durant les phases de reconstruction et de développement des sociétés en transition.
En revanche, il ne serait pas très utile dans un contexte de crise marqué par des conflits armés ou un niveau de violence trop élevé. En effet, l’outil nécessite du recul et une réflexion sur l’intervention, un luxe souvent impossible lorsqu’un conflit violent fait encore rage.
Un outil enraciné dans l’expérience
Ardent défenseur d’un développement tourné vers l’humain, Chambers souligne que l’information et le savoir prennent une importance différente en fonction de la source dont ils proviennent (Chambers, 1997). Chambers propose que nous cherchions à modifier nos pratiques de développement en conférant une place centrale à l’apprentissage. C’est ce qui inspire à la fois le développement de l’outil, et la démarche plus large de transformation des conflits dans laquelle il s’inscrit.
La méthode du « praxis cycle », utilisée dans le développement de l’outil en présence, associe la recherche à la pratique (et valorise toutes les contributions à ce modèle de développement particulier).
L’innovation, la réflexion et la recherche-action sont devenus des outils essentiels pour de nombreux artisans du développement et spécialistes de la transformation des conflits, qui cherchent à apprendre de leur action et à l’améliorer. Ce développement d’une culture de l’apprentissage introspectif et réflexif a souvent cours dans des contextes où peu d’écrits utiles à la pratique, sont disponibles.
Chambers reconnaît l’intérêt d’apprendre à partir de l’expérience lorsqu’il écrit, « Cette période est idéale pour les professionnels du développement, car il semble que nous soyons au beau milieu d’une révolution calme mais extrêmement exaltante en terme d’apprentissage et d’action » (1997:xxiv).
C’est dans cet esprit, et à partir de ce type de culture de l’apprentissage que l’outil a été élaboré. Il a été développé au cours de plusieurs ateliers de formation, organisés sur une période d’une dizaine d’années, avec des acteurs de l’aide humanitaire et du développement, des spécialistes de la transformation de conflits, ainsi que des représentants d’organisations et d’institutions internationales, tous issus de contextes extrêmement différents.