Thomas Fourquet, novembre 2005
Bâtisseurs de paix. Auteur : David Chemla.
Responsable pour la France du mouvement israélien La Paix Maintenant, David Chemla a voulu comprendre ce qui a mené des hommes et des femmes des deux camps, issus d’horizons politiques divers, à s’engager en faveur de la paix.
Mots clefs : Conflit israélo-palestinien | Initiatives de coopération politique internationale pour la paix | Initiative de Genève | Citoyens palestiniens pour la paix | Mener des négociations politiques pour rechercher la paix | Accompagner des exilés politiques | Palestine | Israël
Réf. : Auteur~: David Chemla., Ed. Liana Levi, 2005
Langues : français
Type de document : Ouvrage
David Chemla a mené une série d’entretiens au cours desquels les acteurs revenaient sur leur parcours (la plupart ont participé aux guerres successives qui ont déchiré la région), sur l’évolution personnelle qui les avait conduits à s’asseoir autour d’une table avec leurs ennemis d’hier. Tous, à l’exception de deux d’entre eux, ont participé aux négociations ayant abouti à l’« initiative de Genève » qui, si elle ne présentait aucune valeur officielle, a toutefois montré qu’il était possible d’arriver à un règlement global du conflit.
Sionistes, marxistes, religieux, militaires, civils, tous ont pris conscience, progressivement ou soudainement, que cet adversaire qu’ils combattaient avec acharnement ou regardaient avec indifférence, avait souffert, qu’il avait pu lui aussi connaître l’injustice, qu’il était possible de parler avec lui.
Tous, également, ont été en butte à l’hostilité de leur propre camp, voire considérés comme des traîtres, aussi lourde qu’ait été leur contribution à la défense de leur cause.
Ils racontent avec leurs mots – froidement et posément comme Ami Ayalon, ancien commandant en chef de la marine israélienne, ou au contraire avec chaleur et emphase, comme l’écrivain David Grossman – leur parcours, leurs rencontres avec ceux « de l’autre bord », les amitiés qui se sont parfois nouées. Ils évoquent leurs positions sur les questions essentielles du conflit : le statut de Jérusalem, le droit au retour des réfugiés palestiniens, l’évacuation des colonies juives dans les territoires occupés… Les divergences sont parfois notables, mais elles n’empêchent ni le dialogue ni la confiance, pourtant mis à mal par le raidissement consécutif à l’échec du processus d’Oslo.
Ces « bâtisseurs de paix » partagent encore un point essentiel : ils ont fait leur deuil des illusions. S’ils savent que la solution sera probablement bancale, insatisfaisante, voire injuste, ils constatent également l’urgence de la paix.
Commentaire
L’initiative de David Chemla est remarquable à plus d’un titre : elle est d’abord un témoignage émouvant sur la manière dont des hommes qui ont pour la plupart consacré leur vie à une lutte ont pu remettre en question les préjugés qui les avaient portés jusque là sans pour autant se renier.
Il nous révèle également que la paix n’est pas nécessairement une affaire d’idéologie : ce qui les réunit n’est pas un pacifisme de principe mais le constat, au prix souvent de nombreuses années de prison, qu’il n’est plus possible de continuer à se faire la guerre mutuellement.
Enfin, ce n’est pas le moindre des mérites de cet ouvrage que de nous offrir un aperçu fascinant des coulisses d’une négociation, avec ses avancées décisives, ses retours en arrière, ses stratégies complexes. On peut seulement regretter, mais c’est un détail, que l’un des obstacles à la paix, à savoir la corruption qui gangrène non seulement l’Autorité palestinienne, mais également une partie de la classe politique israélienne, ne soit pas évoquée. Ce livre qui délivre bien plus qu’un message d’espoir à tous les « hommes de bonne volonté », propose des témoignages concrets d’engagement actif et responsable pour la paix, au cœur d’un des conflits des plus complexes de notre époque : le conflit israélo-palestinien.