Fiche d’expérience Dossier : La formation des volontaires de paix

Marly-le-Roi, octobre 2007

Evaluation de la préparation et du retour d’une mission de paix

Une volontaire partie en mission de paix au Kosovo avec Equipe de paix dans les Balkans revient sur sa préparation à la mission et évalue ce que sa mission lui a apporté ainsi que les conditions de son retour.

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I. Préparation à la mission

J’ai suivi les 3 modules de la formation à l’Intervention Civile de Paix coordonnée par le Comité ICP. J’ai suivi quelques jours de formation avec le SCD (Service de Coopération et Développement). Ces quelques journées étaient plutôt vécues comme une formalité qui permettait à notre association de bénéficier de l’agrément national d’envoi de volontaires à l’étranger.

J’ai aussi rencontré les membres d’EPB : les membres du bureau, la coordinatrice, la volontaire de l’association alors sur le terrain (rencontrée lors de ses vacances en France en milieu de mission). Avec chacun d’eux, j’ai beaucoup échangé et j’ai pu poser toutes les questions que je voulais.

Ils m’ont prêté des ouvrages à lire : ouvrages théoriques sur la non-violence, rapport de missions exploratoires avant la création d’EPB, ouvrages politiques et historiques sur la guerre des Balkans et sur la résistance non-violente au Kosovo.

Entre la fin de ma formation ICP et mon départ en mission, j’ai travaillé en tant que coordinatrice au siège d’EPB, ce qui m’a permis de découvrir encore plus l’association.

II. Evaluation de la préparation au départ

Je crois que j’étais assez bien préparée à d’éventuelles situations de violence et au travail dans un contexte interculturel. En revanche, je crois que je ne maîtrisais pas bien la notion d’intervention civile de paix et donc j’ai eu du mal à comprendre quelle forme pouvait prendre ma mission. Ce qui m’a manqué surtout c’était une préparation plus précise de ma mission : une meilleure compréhension de mon rôle par les partenaires locaux qui m’accueillaient, et leurs attentes quant à ma présence. Cela m’a manqué car une fois sur place c’était difficile de faire ce travail étant donné que les autres ONG, qu’elles soient locales ou internationales, ne fonctionnaient pas de la même manière qu’EPB et n’avaient pas du tout les mêmes objectifs. Enfin, ce qui m’a manqué aussi c’est de connaître les langues locales (serbe et albanais).

III. Compétences acquises ou renforcées au cours de la mission

J’ai beaucoup exercé ma capacité d’écoute. Je me suis questionnée sur les limites d’une écoute neutre. Je pense avoir pu écouter les inquiétudes, les questionnements, les propos racistes exprimés par les communautés l’une envers l’autre, les récits de moments difficiles vécus pendant la guerre. En revanche, ce que je n’ai pas réussi à accepter ce sont les propos hostiles remettant en cause ma présence. Je ne savais pas comment y répondre puisque cela remettait en question la légitimité de ma mission.

Ce que j’ai surtout appris c’est à ne pas m’attacher à ce qui avait été prévu et à pouvoir m’adapter à ce qui se présentait. En fait, quand on planifiait quelque chose, cela ne se passait jamais comme prévu. Et parfois on était amené à changer non seulement la forme mais le fond même de l’action que l’on avait envisagé de mener. Ce qui importait surtout c’était les échanges qui pouvaient avoir lieu au cours de la réalisation d’une action et par la réalisation de l’action en tant que telle. Cela est assez déstabilisant au début de ne pas pouvoir s’appuyer sur une démarche et un objectif précis.

IV. Valorisation de l’expérience sur le terrain au retour

J’ai eu l’occasion de parler de mon expérience au cours d’un entretien d’embauche pour une association française de prévention des addictions. Il s’agissait d’harmoniser les messages de prévention qui étaient dispensés par des acteurs aux profils très différents. L’employeur m’a fait remarquer que je devais être habituée à tenir une place de neutralité et que cela me serait très utile dans ce poste. J’ai donc été embauchée pour cette mission. Je me suis par la suite resservie de cet argument.

De manière plus générale, j’ai valorisé mon expérience en mettant en valeur ma capacité d’adaptation acquise notamment à travers la mission d’ICP. Cela m’a servi car à mon retour de mission j’ai enchaîné plusieurs CDD dans des domaines différents où je devais prendre connaissance rapidement d’un nouveau domaine. Je le présentais comme tel dans des lettres de motivation, mais je ne sais pas comment cela était perçu par les employeurs.

V. Relations et engagement auprès de l’organisme d’envoi

De manière générale, mon organisme d’envoi a répondu à mes attentes en matière d’accompagnement à mon retour. A la fin de ma mission, j’ai eu la chance de quitter en douceur le Kosovo car je suis repartie en voiture et j’ai regagné la France en un mois.

Quelques semaines après mon retour en France, EPB a organisé un week-end avec les membres du bureau pour faire le point sur ma mission (sorte de débriefing), dans un gîte en région parisienne. Cela m’a été très profitable. Je me suis sentie accueillie, et j’ai senti un réel intérêt pour la mission que j’avais effectuée. J’avais aussi l’impression de ramener des nouvelles fraîches des kosovars aux membres d’EPB et de pouvoir faire partager l’atmosphère de Mitrovica. Cela a également été l’occasion de parler de la continuité du travail d’EPB car 2 autres volontaires étaient alors sur place. Cela m’a permis de me projeter de l’autre côté d’une mission, côté suivi depuis la France.

Enfin, dans les mois qui ont suivi, j’ai rédigé un rapport de fin de mission, qui était à la fois destiné à EPB et au programme européen pour la jeunesse (qui finançait ma mission).

J’ai poursuivi mon engagement auprès d’EPB sous plusieurs formes. Tout d’abord, j’ai continué à m’investir dans les actions d’EPB en étant membre du bureau puis représentante légale de l’association. Je suis intervenue une fois pour témoigner de l’intervention civile de paix à l’occasion de l’université des Verts. Plus généralement, je suis restée très attachée à l’engagement associatif car à mon retour du Kosovo je n’envisageais pas de travailler pour d’autres structures que pour des associations. C’est ce que j’ai fait pendant 2 ans, avant de reprendre des études.

Je continue à me sentir très concernée par la situation du Kosovo. J’y suis d’ailleurs retournée dans le cadre d’EPB quatre ans après mon retour de mission, c’est-à-dire en juillet dernier. Je suis intéressée par d’autres formes de mission en zone de conflit entre communautés. Ainsi, j’ai participé cet été à un chantier de reconstruction/sauvegarde du patrimoine en Palestine. Je suis restée très liée à mon organisme d’envoi en France (si on considère comme organisme d’envoi EPB et non le SCD, avec qui je n’ai gardé aucun contact). J’ai conservé des liens avec l’association EPB mais aussi avec une grande partie des membres d’EPB en tant qu’individus.

Commentaire

Malgré des difficultés évidentes surtout lors de la mise en place d’une mission d’intervention civile de paix, les formations ont été très utiles pour la mission et le reste a été apporté par l’expérience sur le terrain (Neutralité, médiation, etc.).

Notes

  • Auteur de la fiche : Marie-Eve Rialland, volontaire de paix. Témoignage recueilli lors de la rencontre de volontaires de paix organisée par le Mouvement pour une Alternative Non-violente.