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Lyon, July 2007

Rencontre entre israéliens et palestiniens à Lyon juillet 2007, premiers contacts et règles de jeu

Première partie de la rencontre entre palestiniens et israéliens : faire connaissance, amorcer le dialogue, envisager un travail commun.

Keywords: | | | | | Palestine | Israel

Séminaire de Juillet

Comme l’année précédente, cette rencontre est organisée en deux temps :

  • La première partie est consacrée exclusivement au travail interne entre les organisations israéliennes et palestiniennes : faire connaissance, amorcer le dialogue, envisager un travail commun. L’accueil au domaine de Buffière, à Dolomieu (Isère), mis à disposition par la commune de Saint-Fons, et géré par l’équipe accueillante et attentive de l’association Léo Lagrange, a permis de faciliter ces échanges dans un cadre spacieux, confortable et chaleureux.

  • La deuxième partie est axée sur les rencontres officielles, avec les différents partenaires du projet, soutiens associatifs et politiques, et les échanges avec la population de l’aggloméra¬tion lyonnaise. Des sessions de travail entre Israéliens et Palestiniens se poursuivront dans les temps disponibles (l’équivalent de quatre demi-journées au total). L’hébergement au Centre International de Séjour de Lyon facilite les déplacements et les temps de travail.

I. Première partie : travail interne

A. Samedi 30 juin 2007

Les participants arrivent dès le vendredi soir, et toute la journée du samedi, en fonction des contraintes administratives et des aléas de transport. Cette dispersion nécessite un accueil presque individualisé au long de la journée, au gré des horaires de train et d’avion.

Un transport commun permet de rejoindre le domaine de Dolomieu, où nous sommes accueillis autour d’un apéritif par le Directeur du centre.

Les participants sont installés dans les chambres de deux personnes.

Trois des participants palestiniens ne pourront pas arriver dès le premier jour et nous rejoindront ultérieurement :

  • L’un d’eux est retardé à l’arrivée en Europe par les contrôles douaniers : la police de Francfort ne le laissera prendre la correspondance qu’après s’être assurée, auprès de nous et par téléphone, des raisons de sa venue en France.

  • Deux autres, n’ayant pu obtenir leur visa que la veille, arriveront le mardi soir – compte tenu des détours à faire pour les Palestiniens – ils doivent passer par la Jordanie pour prendre l’avion à Amman.

Après le dîner, nous nous retrouvons pour un premier temps de travail afin de présenter :

  • Le lieu d’accueil (hébergement, restauration, salles de travail, environnement, …) ;

  • L’équipe d’organisation ;

  • Les participants.

Pour clôturer, un jeu de présentation permet de « briser la glace » et de nous familiariser avec nos prénoms.

B. Dimanche 1er juillet 2007

Dès le premier jour, nous démarrons par un temps de ‘mise en route’ : installés tous ensemble en cercle, chaque personne présente exprime dans quel état elle se sent pour démarrer la journée. Après cette «météo» personnelle, nous présentons le programme du jour.

La matinée commence par la présentation de ce lieu d’accueil par le directeur du centre, suivie de la présentation du séminaire lui-même :

  • Ce qu’est le MAN}} (origine, objectifs, actions, …) ;

  • L’Intervention Civile de Paix (ICP) ;

  • Le contexte qui a conduit le MAN à proposer cette rencontre (la campagne Israël - Palestine ;

  • Le séminaire 2006 ;

  • Le partenariat européen ;

  • La mission d’avril 2007) ;

  • Les préliminaires nécessaires (la rencontre préparatoire, …) ;

  • Les objectifs validés par les organisations présentes.

Enfin, la présentation de l’organisation permet de poser le cadre dans lequel nous allons vivre ces dix jours : les arrivées différées de trois participants, les documents remis, le déroulement prévu en deux parties, le programme de chacune des parties, les règles à respecter (le respect de la parole et de l’écoute de chacun, la confidentialité des propos, la prise de photos et de films, les temps de paroles, etc.). Nous présentons aussi les trois temps quotidiens de ‘régulation de groupe’, initiés pour faciliter la vie du groupe : le matin une ‘météo personnelle’ tous ensemble (« comment je me sens pour aborder la journée ? »), en fin d’après-midi un temps de « relecture » de la journée par association, suivi d’une mise en commun par un porte-parole de chacune des 8 associations, et préparation commune de la journée suivante. Ce « débriefing inter association » sera résumé et présenté au grand groupe le lendemain, avec les ajustements décidés en commun, avant de démarrer la journée.

Après une pause, le travail s’organise alors en deux groupes pour une présentation individuelle des participants. Nous proposons que chacun s’exprime à partir de trois questions :

  • Etre acteur de paix, qu’est-ce que cela représente pour moi-même ?

  • Pourquoi suis-je engagé dans l’organisation que je représente ? Quelques mots sur cette organisation.

  • Quelles sont mes attentes en venant à ce séminaire ?

Pendant ce temps de travail, comme dans beaucoup d’autres, les organisateurs européens s’expriment et se présentent au même titre que les participants israéliens et palestiniens.

Puis les deux groupes se réunissent et un rapporteur présente une synthèse des échanges de son groupe.

L’après-midi, nous nous retrouvons autour d’un jeu qui permet à chacun d’apprendre à dire bonjour selon la langue de chaque personne présente – allemand, anglais, arabe, espagnol, français, hébreu.

Puis nous nous organisons à nouveau en deux sous-groupes pour écouter l’histoire personnelle que chacun souhaite partager avec les autres. L’objectif est de mieux se connaître les uns les autres, de connaître la réalité quotidienne de « l’autre partie ». C’est aussi l’occasion d’expérimenter l’écoute respectueuse : laisser l’orateur s’exprimer, sans l’interrompre ni juger ce qu’il relate, le laisser libre de s’arrêter quand il le sent nécessaire, et de ne pas répondre aux questions quand il le souhaite.

Beaucoup de participants expliquent qu’ils n’ont jamais eu l’occasion de rencontrer ainsi des citoyens de l’autre partie, des civils, et se disent impressionnés de pouvoir ainsi s’asseoir et parler avec eux. Certains expriment avoir déjà modifié leur vision après ces premières heures passées ensemble et leur volonté de vouloir continuer les échanges.

Nous pouvons observer beaucoup de questionnements, d’humanité dans les propos tenus et chacun se montre très attentif à écouter l’histoire de l’autre.

Pour terminer la session, le groupe entier se rassemble, et un tour de paroles permet à chacun de s’exprimer s’il le souhaite :

  • « Vous avez ouvert notre esprit. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir m’asseoir à coté d’Israéliens aussi facilement. Peut-être nous résoudrons nos attentes après 10 jours », exprime un Palestinien de 29 ans, habitant Hébron ;

  • « Rencontrer des Palestiniens est très différent de rencontrer des Arabes Israéliens : c’est très puissant d’entendre à quel point la vie des Palestiniens est totalement différente de la mienne et de celle des Arabes Israéliens », explique cette Israélienne de 30 ans.

Dans la soirée, chaque organisation présente est invitée à se présenter : origine, objectifs, actions et public concerné, implantation, nombre d’adhérents.

C. Lundi 2 juillet 2007

Après les temps de régulation annoncés et la présentation du programme de la journée, élaboré la veille lors du débriefing inter associations, un jeu permet de démarrer dans une ambiance détendue.

Nous commençons la matinée par un exercice suivi d’un apport théorique sur la communication, pour comprendre ce qui peut se passer quand nous discutons avec d’autres. A partir de photos diverses, chacun peut exprimer ce qu’il souhaite en voyant cette photo : la décrire, imaginer ce qu’elle représente, ce qu’elle évoque pour soi-même, … Cet exercice permet de pointer la distinction entre des faits, des représentations, des opinions, des ressentis – lesquels laissent percevoir des besoins dont il faut tenir compte -, et de percevoir les différents niveaux de la communication – intellectuel, affectif ou émotionnel – lesquels peuvent ne pas s’accorder pour le même individu.

La deuxième partie de matinée est consacrée à la suite des échanges sur les histoires personnelles, cette fois-ci en un seul groupe pour que tous puissent entendre chacun.

Nous laissons plus de temps aux questions et réactions faisant suite aux interventions personnelles – tant que les remarques expriment des ressentis ou interrogations et non des jugements. Ponctuellement et selon les propos, nous apportons aussi un éclairage en lien avec la philosophie de la non-violence : « Il faut agir contre l’injustice, car nous ne pouvons pas l’accepter. Le contraire de la non-violence, n’est pas la violence, mais la passivité. » ou « Il est important de transformer sa colère en énergie pour qu’elle puisse faire changer les choses… C’est la gestion de nos énergies qui nous permet d’organiser des projets, des rencontres, etc. ».

Ces échanges évoquant aussi des points particuliers de la réalité israélienne ou palestinienne et pouvant susciter des désaccords virulents, nous les notons au fur et à mesure sur un tableau pour éviter de perturber les échanges dans l’immédiat, tout en gardant en mémoire la nécessité de revenir sur ces ‘éléphants’.

Le terme « d’éléphants » a été utilisé dès le premier jour par un participant pour parler de ces « sujets tabous » ou « points chauds », qui font ouvertement conflit dans la situation israélo-palestinienne (le mur, l’occupation, les colonies, les réfugiés, le droit au retour, etc.) et qui envahissent l’espace.

Ce terme restera tout au long du séminaire le terme générique pour désigner les sujets difficiles, « épineux ».

Nous observons pendant ces échanges à la fois beaucoup d’empathie et beaucoup d’émotions, pouvant susciter quelques réactions, lesquelles arrivent à s’exprimer dans le respect de chacun.

Aussi proposons-nous en fin de session un petit exercice de détente pour apaiser les tensions.

L’après-midi, nous reprenons par un jeu qui permet d’expérimenter comment coopérer facilement et naturellement.

Puis nous reprenons les échanges à partir des histoires personnelles, toujours en grand groupe.

Pour beaucoup, c’est aussi l’occasion d’expliquer le chemin qui les a conduits à devenir un « acteur de paix » : « Beaucoup de gens demandent à ma famille pourquoi nous avons choisi cette voie alors que nous avons tant souffert ; je réponds que c’est pour éviter de recommencer encore et encore avec toujours plus de violence. »

Evoquant le projet d’un réseau de formateurs à la non-violence sur place, apparaît à nouveau la complexité de cette situation puisque « il n’est pas facile de montrer que l’on travaille avec l’autre partie ».

L’après-midi continue par l’étude des termes et des notions utilisées quand on parle de « violence », « non-violence », « démocratie », et « nationalité » : il s’agit de savoir de quoi nous parlons.

Nous proposons aux participants d’inscrire sur un papier ce que signifie pour lui chacun de ces termes, et d’afficher ce papier sur un espace du mur. Tous peuvent ainsi constater les différentes visions sur ces notions.Nous continuons avec le jeu de « L’échelle des valeurs » : évaluer la violence / ou non-violence des actions énoncées - par exemple « Interrompre quelqu’un qui parle », « Frapper un enfant », « Exécuter une attaque terroriste dans un contexte de guerre », etc.

Après ces exercices, nous abordons un aspect plus théorique pour évoquer les différentes formes de violence (psychologique, physique, structurelle ou idéologique), la question des conflits et la proposition de la non-violence pour éviter la spirale de la violence : faire face au conflit, se faire respecter et respecter l’autre, et chercher des solutions.

A partir de ces bases, nous pouvons aborder les principes essentiels de l’action non-violente : la non-coopération avec l’injustice, le refus de la violence, la détermination, la persévérance, et l’utilisation de la médiation entre les parties en conflit.

Un texte de Jean-Marie Muller – porte parole du MAN - permet d’étudier les différentes étapes d’une stratégie d’action non-violente : analyse de la situation, choix d’un objectif, organisation de l’action, communication, conséquences et suites possibles de l’action envisagée.

Ces approches sont proposées aux participants comme bases de réflexion vis à vis de leur situation, et comme outils d’actions à élaborer.

Le soir, lors du débriefing entre associations, il est décidé de démarrer la deuxième partie des rencontres, le lendemain, avec un échange sur les sujets « éléphants », et de poursuivre par l’action non-violente.

Commentary

Les premiers échanges, destinés à mieux se connaître et briser la glace, permettent déjà aux participants de changer leur perception de l’autre. Se retrouver ensemble dans un même espace est en soi un événement.

Dans un deuxième temps la désignation des sujets ‘sensibles’ les « éléphants » est essentielle pour mieux comprendre les difficultés auxquelles on fait face et ainsi aborder les apports de la non-violence face à des situations complexes telles que celles auxquelles ces acteurs de paix font face chaque jour.