Fiche d’expérience Dossier : La transformation politique des conflits

Grenoble, avril 2008

Le groupe « Save Somali Women and Children » (SSWC)

Un exemple concret de l’action des femmes en Somalie

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Un exemple concret d’action : la formation d’un groupe pour faire entendre la voix des femmes au niveau politique. Des femmes se sont mises en réseaux pour pouvoir agir ensemble dans le but d’établir et de maintenir la paix mais aussi de promouvoir le développement en Somalie. Elles ont pour cela créer « Save Somali Women and Children ».

Les femmes négocient quotidiennement à tous les niveaux, de plus, le fait d’avoir l’habitude de diriger de vastes réseaux familiaux et des liens communautaires font d’elles un atout pour les négociations de paix mais Asha Hagi Amin, députée de l’Assemblée transitoire de Somalie et fondatrice du groupe « Save Somali Women and Children » a toutefois dû sévèrement se démener pour faire entendre les intérêts des femmes somaliennes dans les pourparlers de paix (1). Dans une société historiquement organisée autour de cinq clans, Asha Hagi Elmi, a fondé le sixième clan pour construire la paix en dépassant les divisions traditionnelles (2).

« On ne donne pas aux femmes la chance de protéger le clan ni la responsabilité de le représenter, explique Asha Hagi Amin, « en tant que femmes, nous n’avions aucun rôle dans la structure traditionnelle du clan, donc, nous n’avions aucun droit de représenter nos propres clans et nous étions, par conséquent, exclues du processus de paix ». Puisqu’elles n’étaient pas traitées comme des membres à part entière des clans, les femmes ont décidé de refuser de se ranger derrière eux, et ont choisi de former leur propre clan, pour représenter la voix des femmes. Certaines femmes ne se sont pas résignées à être des victimes mais se sont affirmées comme partisanes de la paix.

Des femmes somaliennes se sont ainsi mobilisées pour former un « sixième clan », qui a été en fin de compte accepté comme un participant égal dans les pourparlers de paix de haut niveau. C’était la première fois que des femmes allaient à des tables de négociations pour participer aux discussions, aux négociations et aux prises de décision comme des partenaires égaux en tant que citoyennes à part entière du pays. Le sixième clan a plaidé avec succès pour l’inclusion des droits des femmes et des mesures de discrimination positive dans la charte somalienne (3).

Un autre aspect positif de la création de ce sixième clan est qu’il a donné la possibilité aux femmes présentes aux négociations de paix de mieux faire entendre leurs besoins, qui ont eu plus de chance d’être abordés lors de l’élaboration des lois et au sein des conseils des institutions clés. Les négociations en temps de paix ont fixé en Somalie le cadre institutionnel pour reconstruire la société. Grâce à l’initiative de SSWC, les femmes ont pu participer à ces négociations et les avantages de leur implication dans les processus de paix sont ainsi allés au-delà des simples droits de la femme, s’élargissant aux domaines de l’éducation ou de la santé (4).

Le premier objectif du groupe SSWC a été de franchir les frontières des clans et d’utiliser les femmes, non pas en tant que membres d’un clan, mais comme des passerelles pour promouvoir la paix c’est-à-dire des ambassadrices de la paix. Le but était d’abord de dissuader les femmes somaliennes de soutenir la guerre elle-même. Elles y contribuaient en effet fortement, en s’occupant de tous les aspects logistiques par exemple. Elles n’avaient cependant pas conscience qu’elles sont les premières victimes et qu’au final, elles paient le prix fort du conflit. SSWC a donc joué un rôle important pour sensibiliser les femmes somaliennes au fait que la guerre n’avait rien d’autre à leur apporter que la destruction. Stopper le soutien des femmes à la guerre était un des objectifs primaires car sans lui les clans ne pouvaient plus continuer la guerre (5).

Contexte de la création du groupe SSWC :

Quand « Save Somali Women and Children » (SSWC) a été créée en 1992, elle était la première organisation somalienne à s’affranchir des barrières des clans. Les fondatrices de l’association étaient des femmes de différents bords politiques, de formations différentes et de clans différents.

Le sixième clan trouve son origine en 2000, lorsque Arta (Djibouti) a accueilli une conférence pour la paix et la réconciliation en Somalie. Trois femmes seulement y furent invitées, trois femmes sur soixante participants somaliens. SSWC a fait du lobbying pour un droit de représentation des femmes. Le symposium a pourtant conclu que la conférence pour la paix ne devait pas être convoquée sur la base d’une représentation régionale ou politique mais qu’elle devait s’appuyer sur l’organisation clanique, l’échelon traditionnellement le plus légitime pour faire venir des délégations somaliennes. Sachant que dans les clans les femmes n’ont traditionnellement pas le droit de participer aux affaires politiques, SSWC a continué à se battre et a obtenu que la résolution finale du symposium stipule que “les femmes et les minorités devront bénéficier d’un quota spécifique pour participer”. Pourtant, lorsque la conférence d’Arta s’est ouverte, aucune femme ne participait aux délégations : aucun clan n’avait respecté la résolution.

Une délégation de SSWC s’est tout de même rendue à Arta et a mobilisé les femmes somaliennes, organisé des conférences de presse et des manifestations pour demander que la résolution finale du symposium soit respectée. Le président de Djibouti qui accueillait la conférence a entendu le groupe et a accordé 100 places à sa délégation et 50 places pour des « observatrices ». Comme la participation à la conférence était basée sur l’organisation clanique, les femmes ont décidé de créer leur propre clan pour être à pied d’égalité avec les autres. Le Sixième clan était né.

C’était la première fois dans l’histoire de la Somalie que des femmes participaient à des négociations de si haut niveau. Le Sixième clan a permis aux femmes somaliennes d’opérer une véritable percée dans le monde politique et dans le processus de paix. Pour la première fois dans l’histoire somalienne, les femmes jouaient un rôle à égalité avec les hommes. Elles ont montré qu’elles en étaient capables. Elles ne pouvaient plus être considérées comme des citoyens de second ordre (6). Cette première étape dans la reconnaissance de l’importance du rôle des femmes au sein de la société somalienne a donné lieu à de nombreuses initiatives. Ainsi, par exemple, ont été mis en place des programmes de sensibilisation à la paix dans les écoles. C’est grâce à l’éducation que les femmes espèrent améliorer les conditions de vie dans leur pays.

Auteurs de la fiche:

  • MOTEL Aurélie

  • BARRALON Elodie

Notes