Arnaud BLIN, Grenoble, France, August 1996
Etats Unis : deux stratégies pour la conversion
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Dans le cadre de l’enquête qu’ont menée aux États-Unis les spécialistes des problèmes de conversion et dont les résultats figurent dans un dossier intitulé Shaping a new conversion agenda : an invitation to a dialogue, deux propositions ont été formulées pour tenter de définir une stratégie globale de conversion à l’échelle du pays. Dans un premier essai, Michael Closson et Susan Strong, du Centre pour la Conversion Economique (Center for Economic Conversion,) exposent leur stratégie à deux vitesses. Dans un deuxième essai, Lloyd Dumas, de l’université du Texas démontre l’importance du processus de conversion pour l’avenir de l’industrie en Amérique.
Michael Closson et Susan Strong définissent leur stratégie dans le cadre des réalités politiques de l’Amérique d’aujourd’hui qui alloue toujours d’énormes budgets à la défense alors que les effectifs militaires baissent de façon continue. Traditionnellement, les activistes dans le domaine de la conversion avaient un double objectif. Le premier objectif, politique, était de changer les priorités du gouvernement fédéral afin de réduire les budgets de défense et de diminuer le pouvoir exercé par le complexe militaro-industriel sur Washington. Le deuxième objectif, économique celui là, était d’aider les personnes et les entreprises en phase de reconversion, principalement celles touchées par la fermeture de bases militaires. Aujourd’hui, Closson et Strong sont obligés de constater que le premier objectif n’a pas été atteint. En revanche, il sont plus optimistes pour ce qui concerne le second.
En effet, le complexe militaro-industriel est toujours puissant et les projets de reconversion des industries de l’armement ne sont pas assez importants pour avoir un impact sur l’économie globale des États-Unis : les industries de l’armement américaines sont toujours largement dépendantes de leur éternel client, le Pentagone.
Par contre, les individus, communautés, et entreprises locales touchés par la réduction des effectifs militaires ont enregistré un taux de réussite encourageant, surtout à longue échéance (bien qu’à court terme, il faille bien constater que de nombreux travailleurs restent sans emplois et que les petites et moyennes entreprises sont souvent contraintes de mettre la clef sous la porte).
Etant donné cette évolution, décevante dans un cas, un peu plus encourageante dans l’autre, Closson et Strong pensent que deux stratégies bien distinctes, à « deux vitesses, » doivent être envisagées. La stratégie politique est définie au niveau national. Elle a pour cible les hommes politiques, qu’ils soient au congrès ou à la Maison blanche. Son terrain d’action est à Washington où, à l’aide des fameux « lobbies », les activistes tentent de faire réduire les budgets de défense et encouragent la création de projets fédéraux d’aide à la conversion des industries d’armement. La stratégie économique a lieu au niveau régional. Ses tacticiens opèrent à la base où ils concentrent leurs efforts pour qu’aboutissent les projets locaux de reconversion qui pourront aussi servir d’exemples pour encourager d’autres initiatives.
La stratégie politique et la stratégie économique se complètent et font partie d’une stratégie globale dont le but est de restructurer l’économie américaine en la rendant plus saine et endéveloppant un meilleur environnement physique et social.
Lloyd Dumas se fait l’écho de Michael Closson et de Susan Strong. Au plan régional, Dumas préconise une collaboration étroite avec les agences qui s’occupent du développement économique au sein des États car il est impératif de démontrer aux collectivités locales à quel point le processus de conversion est capable d’engendrer des emplois stables et de longue durée. A Washington, il est nécessaire de contrebalancer l’action des parlementaires républicains qui nuit au processus de conversion de l’économie américaine. De manière générale, il est important de démontrer au public américain que l’avenir économique et industriel des États-Unis passe obligatoirement par une restructuration importante si le pays veut demeurer compétitif.
Commentary
Après la période de l’immédiat après guerre froide où tout semblait possible en matière de conversion, les spécialistes et activistes américains voient désormais se dresser certains obstacles sur le chemin de la conversion. Mais ces difficultés ne dissimulent par pour autant les possibilités de réussite ouvertes à ceux qui, par choix ou par nécessité, s’engagent dans le processus de reconversion. Aujourd’hui, avec les premiers bilans, les stratégies deviennent plus précises et plus ciblées. La deuxième étape de la conversion est en train de se profiler.