Delphine Leroux-Astier, Grenoble, France, febrero 2006
Les enjeux de la défense du territoire par les communautés de base dans le Bas Atrato
S’organiser pour résister aux pressions des acteurs armés et des acteurs économiques
Keywords: Construcción y utilización de la identidad cultural | Organización social para la paz | Respeto de los derechos humanos | Conflicto colombiano | Resistencia a los grupos armados fuera de la ley | Organización comunitaria | Gobierno colombiano | Comunidad de paz | Agricultores | Resistir civilmente y pacíficamente a la guerra | Favorecer el regreso de las poblaciones desplazadas | Reconstruir la paz por el desarrollo | Colombia | Bajo Atrato
La région du Bas Atrato est marquée par un conflit social et politique. Dans cette région, l’exploitation des richesses naturelles a toujours donné lieu à une politique économique extractionniste : bois, mines, ivoire végétal etc.
L’objectif de l’organisation ethnico-territoriale ASCOBA est la lutte pour la revendication des droits des populations noires et métisses du Bas Atrato. La défense du territoire est la pierre angulaire de cette revendication. C’est en tant que propriétaires des terres et en tant que minorité ethnique que ces populations exigent le respect de droits universels.
La défense du territoire passe par la promotion du retour des populations déplacées sur leur territoire, la défense du territoire face aux acteurs armés ainsi que par la lutte contre les « mégaprojets ».
Les revendications portées par l’organisation
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L’éternel Retour
Le retour sur les terres d’origine est un des objectifs principaux d’ASCOBA. Depuis la vague de violence de 2001, orchestrée par la campagne paramilitaire « tempête sur l’Atrato » , qui a entraîné le déplacement des communautés des bassins du Salaqui, Truando, Domingodo et Curvarado, des dizaines de communautés vivent dans des conditions de grande précarité, à Montaño, Curvaradó, Riosucio … C’est le cas des communautés de la Cuenca du Domingodó : Chicao, la Madre, Apartadó Buena Vista, Nuevo Horizonte, Tortuga, Chincadó Medio, Agua Dulce, Urama. En 2003, des comités « pro-retour » se sont rendus sur leurs terres accompagnés du CINEP et de la Pastorale pour évaluer la situation sur place. Dans la majorité des villages, les maisons ont été détériorées, les tanks à eau ont disparu, et les cultures sont en piteux état. A Chicao, la Madre et Apartadó Buena Vista les habitants ont rencontré de nombreux paramilitaires, mais pour montrer que le territoire leur appartenaient, ils ont commencé à nettoyer les villages et à se rendre dans les champs pour récolter des régimes de banane.
Cette volonté de retour est cependant freinée par :
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La peur des communautés d’être attaqués par les acteurs armés ;
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Le manque de règlements internes forts qui puissent leur assurer un minimum de sécurité ; en effet, pour pouvoir résister aux acteurs armés, l’unité de la communauté est primordiale. Celle-ci doit être organisée, notamment autour de règles respectées par tous.
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L’absence d’appui de la part de l’Etat. Les organismes étatiques, notamment le Réseau de Solidarité Social (Red de Solidaridad Social) – organisme étatique d’appui aux populations déplacées - ont en effet déclaré que les conditions de sécurité n’étaient pas réunies pour permettre ce retour. Le retour sur dans les communautés d’origine se fait donc dans des conditions très difficiles, sans appui de l’Etat, avec l’aide des ONG.
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Le processus de paix et la démobilisations des paramilitaires
Alors que le bloc paramilitaire Elmer Cardenas qui contrôle la région, s’était tenu jusqu’à présent en marge des négociations entre l’Etat et les groupes paramilitaires, il est aujourd’hui question de leur démobilisation.
Les chefs paramilitaires adoptent un discours de gauche et dénoncent, stratégiquement, les inégalités sociales, et l’absence de l’Etat dans la région … Le plan PASO – Plan de Alternatividad Social – prévoit la démobilisation des paramilitaires sur certaines terres qu’ils exploiteraient, une expérience est déjà en train de voir le jour à la Balsa avec la plantation de banane plantain (élevage, monocultures de bananes etc.). La réinsertion économique des paramilitaires risque de se faire aux dépens des propriétaires de la terre. Dans un communiqué public de novembre 2005, ASCOBA s’oppose à cette mesure qui reviendrait à légaliser l’expropriation des terres et exige d’une part que les zones de concentration, nécessaires au processus de démobilisation, ne se situent pas sur les territoires collectifs des communautés et d’autre part que les principes de vérité, justice et réparation soient respectés dans ce processus de paix. ASCOBA exige également de la guérilla qu’elle se retire de son territoire. Dans un communiqué public, ASCOBA demande également que l’Etat éclaircisse les liens entre le développement de la palme africaine et les paramilitaires dans la région.
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La lutte contre les « mégaprojets »
Dans cette région stratégique, convoitée par de nombreux intérêts économiques, résister signifie résister au contrôle social que cherchent à imposer les acteurs armés par l’incursion dans la vie des communautés, mais aussi contre les nombreuses entreprises nationales et multinationales qui exploitent les richesses naturelles, sans respecter le droit des populations.
Ce que les habitants nomment les « mégaprojets » sont des projets qui leurs sont imposés et qui ne correspondent pas à leur vision du développement, ni à leurs traditions culturelles. Parmi ces projets, on peut noter :
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L’exploitation massive du bois, par l’entreprise Maderas del Darien ;
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Le projet agro-industriel de palmiers à huile, ou palme africaine. Cette plante appauvrit énormément les sols et nécessite beaucoup d’engrais ;
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L’exploitation de l’« arracacho », une plante qui pousse le long des fleuves et qui, étant le lieu de nidification des poissons, est très importante pour l’équilibre de l’écosystème. L’industriel, d’origine française, a réussi à convaincre certaines communautés, mal organisées, et à obtenir contrat d’exploration ;
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La création de canaux fluviaux artificiels, qui selon la population, favoriserait la pénétration des acteurs armés et la construction de la Panaméricaine, qui s’interrompt juste au niveau du Tapon del Darién ;
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La culture de la coca.
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La biopiraterie (le brevetage des plantes)
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Certains de ces projets économiques sont en lien direct avec les violations des droits de l’homme. Dans la région du Chocó, la palme africaine, « palma maldita », est synonyme de terreur et se répand « a sangre y fuego » . Les vallées qui ont vu leur population déplacée en 1996 voient aujourd’hui fleurir la palme, notamment dans les bassins du Jiguamiando et du Curvarado. La vente des terrains se fait sous pression des acteurs armés. Le Diocèse de Quibdo, qui dénonce la collusion entre forces armées et paramilitaires dans cette région, a montré que le projet de palme africaine est lié aux massacres et offensives commis par les paramilitaires.
Les leaders, avec l’aide des institutions qui accompagnent de près le processus – l’Eglise, les ONG telles que le CINEP - Centre de Recherche et d’Education Populaire – ont obtenu de l’Etat, après de nombreux échec, qu’une commission de vérification se rende enfin sur les terres pour constater l’usurpation. En mars 2005, l’INCODER – Institut Colombien de Développement Rural – a dénoncé une occupation illégale sur 5000 hectares appartenant aux communautés noires et indigènes déplacées par la guerre et les organismes d’Etat ont dénoncé l’exploitation illégale de la part de sept entreprises de palme.
Notas
Source: Rapports de mission du Comité de solidarité avec les Communautés du Bas Atrato