Testimony file Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Hanoï - Viet Nam, July 2005

Entretien avec le général Vo Nguyen Giap

« J’ai fait la guerre, mais c’était pour la paix »

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Le général Giap est le dernier grand dirigeant historique et témoin de l’époque du Président Ho Chi Minh et de la lutte pour l’indépendance du Viet Nam. Vainqueur des Français à Dien Bien Phu, il a également gagné la guerre contre les Etats-Unis. Président d’honneur des anciens combattants, il est vénéré par toute la nation vietnamienne. Passionné d’histoire, à 94 ans, il s’intéresse toujours à l’évolution du monde.

 

RP. Nous nous rencontrons 50 ans après votre victoire qui a été notre défaite et à la veille du soixantième anniversaire de cette tentative de mars 1946 pour parvenir à un accord de paix . Avec mes parents, que vous connaissiez, vous en avez été les acteurs. J’ai aussi noté que, l’année dernière, à l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu, vous avez dit à vos compatriotes que désormais c’est le « Dien Bien Phu économique qu’il faut gagner » .

VNG. J’ai fait la guerre, mais c’était pour la paix. La guerre au Viet Nam est arrivée pour rétablir la paix. Plusieurs personnalités, parmi les plus importantes dans le monde, avaient déclaré qu’il serait impossible pour le peuple vietnamien de connaître la paix en s’affrontant à la puissance la plus puissante en Europe, la France, puis à la puissance la plus puissante dans le monde, les Etats-Unis. Quand les Américains sont arrivés, nos bons amis de Chine et de Russie nous ont conseillé de consolider le Nord et de laisser les Américains tranquilles. Envoyé par la Comité central auprès de nos amis pour demander une aide, j’ai entendu des questions sur le nombre de chars lourds, de divisions et d’avions que nous pourrions opposer aux Américains. J’ai répondu : je comprends votre question qui est celle de la corrélation des forces mais nous nous battrons à la vietnamienne. Si nous nous étions battus à la russe ou à la chinoise, peut être que nous n’aurions pas tenu deux heures. Mais le Président avait dit : la guerre peut durer dix ans, vingt ans et même plus ; Hanoï peut être détruite, Haïphong peut être détruite, mais nous nous battrons à la vietnamienne, jusqu’à la victoire et nous vaincrons car rien n’est plus précieux que l’indépendance et la liberté.

Aujourd’hui vous êtes le directeur de l’Ecole de la paix et vous êtes en présence du général de la paix. Il y a quelques années, à Genève, à l’occasion d’une visite au Palais des Nations, j’ai signé : « Vo Nguyen Giap, général de la paix » . Et une école de la paix, c’est bien ce qui est nécessaire pour les hommes de notre petite planète. Le monde entier aime la paix. C’est un travail modeste mais très important : il faut améliorer les conditions de vie, matérielles et intellectuelles, renforcer les relations amicales entre les peuples, entre les pays, développer des échanges entre les jeunes de tous les pays, entre les anciens combattants, dans notre monde qui connaît tant de problèmes. Je m’intéresse à la direction de l’économie mondiale, à la globalisation,…mais il y a aussi la drogue et l’alcool qui sont les vices de ce siècle. L’histoire est importante ; comment l’apprend t’on aux enfants ? Combien y a t’il de jeunes Vietnamiens qui fréquentent votre école ? Je fais des vœux pour le succès de l’Ecole de la paix ; je suis certain que votre projet obtiendra des appuis ici, au Viet Nam. L’école de la paix aura une portée plus grande que vous ne le pensez, toujours plus !

TD a 10 ans et est venue saluer le général, avec ses deux petites sœurs. Elles apprennent le français dans leur école à Hanoï. Elle s’interroge : « Le général parle très bien le français ; comment se fait-il qu’il se soit battu contre eux ?  »