France, septembre 2017
Trois témoignages - Réflexions sur le droit à la ville
Je m’appelle S., je vis sur le plateau des petites roches en Chartreuse.
Je m’appelle G., j’ai 35 ans, ingénieur, mais aussi bricoleur et musicien. Je vis dans un endroit à l’écart dans le Grésivaudan, loin de la Ville. Je suis A., née en bordure aérée d’une grosse agglomération, je vis maintenant au cœur d’une jolie petite ville, aux épais murs de pierres, derrière lesquels je suis protégée de l’antenne-relais qui nous surplombe.
J’ai déménagé de l’agglomération grenobloise il y a 6 ans. Touchée par l’électro-hypersensibilité, les technologies sans fils de mes voisins, les antennes relais trop proches de mon lieu de travail ont amplifié mes migraines. Épuisée, la tête dans le gaz. Je me suis mise au « vert"en Chartreuse.
J’ai renoncé aux cinémas, aux concerts, aux visites chez les copains en appart’, à flâner les magasins…
Je vivais rue Chorier, au 2e étage. Il y a deux ans. Je ne tenais plus sur place en ville à cause des ondes électromagnétiques. Elles étaient sympa, invisibles, jusqu’au jour ou j’ai déclaré forfait parce qu’elles me ruinaient la santé. J’ai dû renoncer à mon travail, mes loisirs, mes amis, mes voisins, mon quartier, mon téléphone, mais avant tout à tous les endroits qui reçoivent du public et où je ne peux pas m’éterniser.
Le droit à la ville, je ne l’ai plus, j’en suis privée, ou sinon en mode express, en accéléré. J’aimais bien la ville, mais avec le recul elle m’attire moins qu’avant, c’est devenu un endroit hostile. Il y a beaucoup trop de pollution électromagnétique, c’est dément quand on y pense. Rien qu’en arrivant sur le boulevard en entrant à Grenoble depuis la rocade ma tête se met à chauffer…
En 2012, j’ai dû fuir Grenoble et ses rythmes effrénés, ballets incessants de lumières, voitures, bruits, stimulations innombrables de jour comme de nuit. Je fuyais aussi les gens, car devenue poreuse à tout. Ainsi, je me suis éloignée de mon cher compagnon grenoblois, et des rencontres humaines très variées comme on peut en trouver là-bas.
Il est difficile, inhumain, pardonnez du mot, d’admettre que je ne suis plus adaptée au monde d’aujourd’hui. C’est pourtant une réalité, en plus d’avoir à supporter, les doutes, les médisances, les mauvaise langues de mes congénères, il faut se justifier en 2017.
À mon avis, ce problème de santé émergent exclura de plus en plus de gens des villes. Il faut faire marche arrière toute, repenser tout intégralement. Mettre des antennes-relais 100 fois moins puissantes comme dans le canton autrichien de Salzburg, des zones semi-blanches (cafés-restaus, bibliothèques, transports, parcs, cinémas) et des vrais quartiers zones blanches définis comme tels.
Décider de l’interdiction du WIFI même privé (car il traverse les murs), la suppression des téléphones fixes sans fils qui rayonnent jusqu’ à 300m même sur leur socle en attente, l’interdiction totale d’ondes électromagnétiques dans les crèches, écoles, collèges et lycées.
J’aimerais pouvoir revenir voir mes amis en ville en possession de mes moyens, or l’étendue des ondes électromagnétiques à Grenoble ne me permet pas de rester en forme bien longtemps. Je deviens rapidement dépressive sans raison, et à nouveau poreuse à tout, sur la défensive pour n’importe quoi, et si fatiguée… c’est galère de maintenir les liens dans ces conditions.
Nous sommes pourtant à côté de vous, semblables, vos portables vous sont chers, pour nous c’est comme un poison, pardonnez encore du mot. Nous nous écartons de vous, nous nous éloignons de la ville, de la société à laquelle nous appartenons pourtant. Ce n’est pas la société que je voudrais car celle qu’on a est excluante pour moi. Nous avons vécu comme vous jusqu’au jour où la bascule est descendue vers cette pathologie difficile à appréhender. C’est une exclusion subie, non choisie, non somatisée non plus. Vivre, nous voulons vivre en hommes et femmes d’aujourd’hui. Oui à un retour possible à la ville! Merci du songe, même infime, que ce récit aura pour vous.
Quand j’ai fui la ville je ne savais pas l’origine de mes symptômes. Par la rencontre de personnes compétentes, en recoupant expériences et moments vécus, j’ai compris enfin, que c’était l’électricité et les champs électromagnétiques, qui affectaient mon fonctionnement cérébral.
Les ondes électromagnétiques, c’est la fumée du tabagisme passif du XXIe siècle… La technologie peut intégrer la solution à la pollution qu’elle génère. Chacun étant responsable de ses choix mais personne n’ayant à subir la pollution des autres.
Pour moi, « Droit à la ville » évoque la liberté de faire la vie dans la rue, partout où la vitalité des gens les porte. Danser, chanter, dessiner, se rassembler sans être inquiétés par d’incessants contrôles qui définissent qui doit être où, chiens en laisse, piétons sur les trottoirs, chacun dans sa case.
En gros, une ville où les espaces soient moins cadrés, contrôlés. Mais ça c’est pas une histoire d’ondes.
Peut-être que vous rigolerez en entendant tout ces vécus, ces envies. J’en souris aussi. Réduire l’utilisation du sans fil dans notre quotidien ne serait non pas un retour à l’âge de pierre comme le pensent certains, mais juste à 1995, 20 ans en arrière. À cette époque, j’entendais moins parler de fatigue chronique, de « burn out », Alzheimer n’était pas en progression, les enfants n’étaient pas hyperactifs et les couples arrivaient à avoir des enfants…
Le droit à la ville ? Le droit à la santé en ville plutôt.
Commentaire
Un collectif de personnes qui comme vous l’avez compris, ne peuvent pas être présentes aujourd’hui.
B.OEM : Collectif de personnes préoccupées par une pollution invisible, engagées à aborder ce thème de manière abordable, compréhensible, afin de multiplier les lieux accessibles à tous et sains dans l’espace public,
OEM vaut pour Ondes Électro-Magnétiques. Le B est resté à l’humeur du jour. Bourdonner, badiner, brouiller, baver, bRaver ? La liste des verbes en B est longue. Avec autant d’approches possibles.