Fiche de document Dossier : L’engagement actuel de la société civile pour la paix : ses réussites sur le terrain et ses défis pour l’élaboration d’une culture de paix. Présentation d’un ensemble de documents sur des initiatives de construction de paix par les relations entre économie et justice sociale.

, Paris, avril 2005

Non-violence : éthique et politique. Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH) et Mouvement pour une alternative non-violente (MAN).

« Qu’est que la non-violence ? » Cet ouvrage résume les efforts de la FPH et du MAN afin de définir théoriquement la non-violence et élaborer des propositions d’action non-violente en fonction des situations concrètes.

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Réf. : «  Non violence : éthique et politique « , Éditions La Librairie FPH, 1996. Fondation Charles Léopold Mayer (FPH) et Mouvement pour une alternative non-violente (MAN).

Langues : français

Type de document : 

Selon les auteurs de ce texte la non-violence devient un moyen de gérer différemment les pulsions (telles que la combativité, l’agressivité, la conflictualité) engendrant la violence. Toutes les actions non-violentes doivent être fondées sur une définition très attentive de la signification du terme. Ce mot « non-violence » exprime une négation, une opposition, un refus. Cependant, il est aussi nécessaire de clarifier les concepts de « conflit », « agressivité », « lutte », « force », « contrainte » et « violence » pour éclairer, indirectement, la signification du mot « non-violence » :

  • La « violence » est une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, morale ou psychologique d’un individu, dès qu’une responsabilité humaine y est engagée ;

  • Le « conflit » est une conséquence de la rivalité mimétique entre les individus ;

  • L’« agressivité » est une puissance de combativité, d’affirmation de soi constitutive de la personnalité de chacun ;

  • La « lutte » est un moyen de créer les conditions du dialogue en établissant un nouveau rapport de force obligeant l’autre à me reconnaître comme un interlocuteur nécessaire ;

  • La « force » est le vecteur d’équilibration de tous rapports ;

  • La « contrainte » est l’obligation d’agir contre sa volonté.

Après avoir analysé le rapport que ces concepts engagent entre eux les auteurs déduisent que l’exigence de non-violence fonde et structure l’humanité de l’homme car ce n’est seulement qu’après avoir expérimenté la violence que nous prenons conscience de son inhumanité, de sa déraison, de son non-sens.

Sous cet angle, la violence devient donc une erreur de pensée causée par un déséquilibre dans le jugement.

Face à cette analyse philosophique du concept, les auteurs s’interrogent, convaincus que la politique est l’art de la gestion non-violente des conflits surgissant au sein d’une société, sur le moyen de mettre la stratégie de l’action non-violente au service de la démocratie et permettre ainsi à l’homme de soumettre l’histoire aux exigences de la raison. L’ordre démocratique est donc uniquement véritablement établi lorsque les structures et les institutions permettent aux différents acteurs sociaux de mettre en œuvre une gestion non-violente des conflits.

Afin d’atteindre cet objectif, il faut que l’État garantisse au citoyen les moyens de gérer son potentiel, que la loi favorise l’intégration dans la collectivité et qu’une véritable médiation intervienne afin de permettre une meilleure gestion du conflit. Pour rompre la logique de la violence, il s’avère nécessaire qu’une dynamique politique inverse le processus du développement violent des conflits. Convaincus de la nécessité du primat de la politique sur l’économie les auteurs soutiennent que la théorie économique libérale, bâtie sur la conception de l’« homo economicus », engendre un conflit structurel entre les citoyens et devient une source permanente de violence sociale.

Ainsi, pour développer la culture de la paix, le rôle de l’éducation devient prépondérant car la non-violence nous amène à décoder les rapports de soumission et à réveiller la conscience individuelle. Une telle éducation à la citoyenneté développe l’autonomie plutôt que la soumission, l’esprit critique plutôt que l’obéissance passive, la créativité plutôt que la reproduction de modèles, la solidarité plutôt que la rivalité.

Pour développer une stratégie d’action non-violente le choix des moyens n’est pas plus important que le choix de la fin. Pour briser le mimétisme dominant les rivalités, il faut constamment recentrer, au moyen d’une médiation, le conflit sur l’objet qui en est la cause et ne pas le laisser dégénérer en une pure rivalité de personnes. Les principes essentiels de la stratégie de l’action non-violente sont ceux de la non-coopération et de la désobéissance civile. Ces deux stratégies d’action doivent cependant être intégrées par un programme constructif fournissant une alternative au « statu quo ».

Selon les auteurs, la défense de la démocratie est toujours une lutte contre la violence car il existe un lien organique entre la démocratie et la défense civile non-violente. De ce point de vue, les frontières de la démocratie sont violées partout où sont violés les droits de l’homme. Les diverses modalités d’intervention civile visent à atteindre des objectifs spécifiques : sauvegarder, rétablir, maintenir et construire la paix. Le sens de l’histoire réside certainement dans la capacité de l’homme à résister à la culture de la violence, afin de construire positivement l’histoire.

Commentaire

En premier lieu, il s’avère très important de clarifier du point de vue conceptuel les raisons d’un choix en faveur de la non-violence car, dans la majorité des cas, nous considérons que l’action non-violente est influencée uniquement par des instances morales (trouvant leur origine dans les insondables domaines de la religion et des convictions personnelles) et non par des réflexions philosophiques. Ce texte ajoute donc à l’habituelle « assimilation sentimentale » du choix non-violent un bagage théorique lui permettant de se traduire en action concrète sans craindre un éventuel échec logique, car la violence est une erreur de pensée causée par un déséquilibre dans le jugement.

Ensuite, l’idée que l’autonomie individuelle nécessaire à une gestion équilibrée des conflits doit être réalisée par une éducation à la citoyenneté favorisant la découverte des rapports de soumission (souvent cachés au sein de nos institutions) favorise, à mon avis, une construction positive de l’histoire et une véritable culture de la paix.