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Paris, December 2007

« Les ONG : le contre pouvoir ? »

Un ouvrage signé Michel Doucin, qui retrace le rôle historique des ONG - notamment dans la promotion de la culture de paix - et propose une réflexion poussée autour de leur place dans un jeu à acteurs multiples, qu’il s’agisse du rôle qu’elles jouent dans la construction des Etats modernes, de leur légitimité face aux droits de l’Homme, ou de bien d’autres aspects de leurs relations avec les autres acteurs de la vie internationale comme de la vie intérieure des Etats.

Ref.: Les ONG : le contre-pouvoir ?, Michel Doucin, Editions Toogezer, 366 p.

Languages: French

Document type:  Book

Chevaliers blancs du monde contemporain lorsqu’elles se portent au secours des plus vulnérables partout dans le monde, les ONG sont au cœur de nombreuses interrogations, à commencer par celle-ci : qui sont-elles vraiment ?

Michel Doucin, diplomate, ancien ambassadeur pour les droits de l’homme, et actuellement engagé dans des activités d’enseignement et de consultance, a publié récemment un ouvrage de poids, qui propose un portrait de groupe de la vaste « famille ONG ». Ce parcours emprunte à l’histoire, à la sociologie, à la science politique, à la philosophie, au droit, et, tout d’abord à son expérience personnelle.

Car en effet, le métier même de l’auteur explique pour beaucoup la façon d’aborder et de traiter la réalité des ONG : à partir de leurs relations avec les autres acteurs de la vie internationale, et de la vie intérieure des Etats. L’essentiel des témoignages et réflexions porte ainsi sur leur « légitimité », notamment en rapport avec les droits de l’homme, et sur leur place dans un jeu à acteurs multiples. En ce qui concerne les Etats en développement, Michel Doucin retient par exemple que « la gestion des politiques de développement est… souvent devenue un ménage à quatre : Etats, donateurs multinationaux et bilatéraux, société civile locale et ONG internationales… ».

Les sept chapitres du livre balayent un champs des plus larges sur les ONG, allant des premières manifestations historiques auxquelles peuvent s’apparenter « la famille » (« Des ONG vieilles comme les croisades », Ch. 1), aux formes les plus déployées dans la mondialisation actuelle (« Les ONG, multinationales à leur tour ? », Ch.6), et aux façons de les pratiquer (« Militer dans les ONG », Ch. 7). Les chapitres centraux traitent de leur rôle dans la diplomatie de l’ombre (Ch.2), de leurs rapports – assez conflictuels - avec les Etats (Ch.3), avec les firmes multinationales (Ch.4), la presse (Ch.5).

On ne saurait faire ici une présentation poussée d’un travail aussi ample et fouillé (dont une partie procède de la préparation d’une thèse), continuellement étayé sur des exemples et des références précises.

La masse foisonnante de faits et de réflexions, puisée à la source d’une expérience assez unique, confère de fait à l’ouvrage un caractère et une qualité de « somme », qui le rendent pratiquement incontournable pour celui qui s’intéresse de près aux ONG, et pour le militant, qui entend porter chaque jour un peu plus loin son action. Son usage est par ailleurs grandement facilité par les sous-titres nombreux émaillant les paragraphes. Notons qu’on trouve en annexe une liste imposante des principales ONG citées dans l’ouvrage (près de 200, et brièvement décrites), et la masse des notes et renvois (plus de 400), regroupées par chapitre en fin d’ouvrage, qui sont autant de références précises que de sources bibliographiques.

Mais le côté le plus original et le plus précieux de l’ouvrage se retrouve sans doute dans l’interrogation sous-jacente qu’il porte, généralement trop souvent négligée au point d’être souvent évacuée, et à laquelle finalement nul ne devrait se soustraire s’il veut mieux comprendre et asseoir son engagement : à quoi correspond le « phénomène ONG », à quels principes et souffles organisateurs répondent, dans nos sociétés, la permanence historique et, actuellement, un développement aussi généralisé ? Sans doute faudrait-il chercher quelques éléments de réponse du côté des grandes transformations qui marquent l’histoire, et des composantes et acteurs qui y interviennent. A cet égard, dans leur explosion actuelle les ONG pourraient apparaître comme une des composantes les plus actives, et modératrices à la fois, de notre magistrale mondialisation, en marche depuis si longtemps mais qui se parachève aujourd’hui d’une façon si accélérée et non maîtrisée.

Héritières dans leurs principes et dans leur organisation autant des morales antérieures (religieuses ou laïques, notamment sur les droits de l’homme) que des attributs et formes des transformateurs de l’histoire, les ONG seront sans doute demain, plus qu’un « contre-pouvoir à dimension multinationale », un des tenants majeurs des formes nouvellement recomposées de l’organisation et de la gouvernance de nos sociétés, dont bien des structures antérieures se seront estompées ou auront disparu. Car il s’agit sans doute bien d’une véritable recomposition. Même si, et d’autant que… la logique et la force qui poussent actuellement à leur multiplication les rendent gênantes, y compris pour des membres de la propre « famille », ou au point de rencontrer des oppositions encore plus nettes (présentement au Darfour, en Chine, en Birmanie…).

Notes

  • Propos tirés du compte rendu de l’ouvrage, réalisé par Michel Levante, pour la Cade (Coordination pour l’Afrique de Demain).