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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, octobre 2007

Une pénurie d’eau généralisée ajoute aux épreuves des Bagdadis.

Mots clefs : La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | L'infrastructure au service de la paix | Exploitation durable et responsable de l'eau | Favoriser l'accès à l'eau à de populations exclues | Irak

Réf. : Wissam Mohamed et Aous Koussaï « Une pénurie d’eau généralisée ajoute aux épreuves des Bagdadis », Agence Reuters, 03 août 2007 sur le site de Yahoo Actualités consulté le 04 août 2007.

Langues : français

Une bonne partie de la capitale irakienne est éprouvée par le manque d’eau. Or, la température, en cet été 2007, descend rarement au dessous de 50° C et il fait si chaud que les gens dorment sur les toits de leur maison car la chaleur ne cesse guère, même la nuit. Il est vrai que les pénuries d’eau ne sont pas nouvelles à Bagdad surtout dans les quartiers déshérités chiites de la rive orientale du Tigre. Du temps du régime de Saddam Husseïn, la situation n’était guère meilleure. Mais, la nouveauté actuellement est que les quartiers sunnites ou à majorité sunnite de la rive ouest du fleuve sont également éprouvés par le manque d’eau. Ainsi, les habitants de Kharkh (Bagdad ouest) racontent qu’il leur arrive de ne pas avoir d’eau pendant quatre jours et que l’eau minérale est si difficile à se procurer qu’il faille se battre pour parvenir à en avoir un seul litre. Bien entendu, cette eau minérale constitue une dépense supplémentaire pour des budgets déjà très grevés par la guerre et par les sommes nécessaires pour faire fonctionner les groupes électrogènes qui actionnent les pompes électriques pour remplir les réservoirs individuels des habitations quand l’eau a la bonne idée de sourdre des robinets une ou deux heures - généralement à des heures indues de la nuit - contraignant les gens à l’insomnie et à une veille imposées pour recueillir le précieux liquide.

Les Bagdadis (habitants de Bagdad) souffrent ainsi le martyr et prendre une douche devient un exploit.

Il est vrai que les gens s’entraident car ceux qui ont la chance de posséder un puits en partagent l’eau avec leurs voisins. On croise dans la rue des gens faisant la corvée d’eau, déambulant avec des seaux.

Pour les officiels, la pénurie d’eau est imputable aux insurgés et à la guérilla qui attaquent l’alimentation électrique de la principale usine d’épuration de Kharkh. Mais, il y a aussi les fuites, le réseau mal entretenu, les canalisations vétustes et hors d’âge et les branchements sauvages sur le réseau. Ce qui aggrave les problèmes.

Mais, même si les pannes électriques cessaient par miracle, les six millions de Bagdadis ont besoin de bien plus d’eau que les infrastructures actuelles ne sont capables de leur fournir.

Commentaire

L’eau est donc devenu un enjeu majeur de la guerre qui broie actuellement l’Irak - « le pays situé entre les deux fleuves » (Tigre et Euphrate) comme le désigne la langue arabe savante. L’insurrection s’en prend aux installations et à l’infrastructure électrique de la capitale ; du coup, les gens vivent dans la fournaise – pas de climatisation ni de ventilation - et sans eau pour étancher leur soif ou se rafraîchir au moyen d’une douche.

Bien entendu, il y a là une visée et un message politiques forts que veulent faire passer les ennemis du gouvernement en place et aux autorités américaines soutenant ce pouvoir : un Etat incapable de fournir à sa population l’eau et l’électricité – besoins essentiels dans une ville moderne de six millions de personnes - n’est pas un Etat digne de respect ou qui peut se faire obéir.

L’eau a ainsi toujours servi à légitimer un pouvoir. Sa fourniture incombe, en dernier ressort au pouvoir en place.

La gestion et la gouvernance de l’eau sont des attributs régaliens non seulement – à notre humble avis - dans ce que Karl Wittfogel appelle, dans son livre « Le despotisme oriental » (Editions de Minuit, Paris, 1964) les « sociétés hydrauliques » mais probablement partout sur cette terre.

Dans la Chine ancienne, par exemple, quand les inondations devenaient incontrôlables, il arrivait que l’on mette à mort l’Empereur qui n’avait pas anticipé la situation et s’était révélé incapable de protéger ses sujets.

On peut donc dire que le jour où, à Bagdad, l’eau coulera sans interruption aux robinets de toute la ville et de tous ses quartiers quelle que soit leur confession (chrétienne, sunnite, chiite, zoroastrienne…), la paix sera proche.