Document file Dossier : Some propositions and analysis to face the new challenges of peace in the world

, Paris, May 2007

Le dilemme israélien. Un débat entre juifs de gauche.

Un document d’époque: Correspondance autour de la guerre des Six Jours (1967)

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Ref.: Lettres de Marcel Liebman et Ralph Miliband., Eiditions Pages deux- Fondation Marcel Liebman, Collection « Cahiers libres », Paris, 2006.

Languages: French

Document type:  Book

Le livre présente la correspondance autour de la guerre des Six Jours (1967) entre deux intellectuels marxistes d’origine juive qui partageaient le même engagement socialiste : Ralph Miliband et Marcel Liebman. Les deux intellectuels se lient d’amitié à Londres : Marcel poursuivait ses études à la London School of Economics où enseignait Ralph.

Leur controverse sur le conflit israélo-palestinien est l’épreuve la plus difficile que traversera leur complicité intellectuelle. Marcel Liebman est le plus intransigeant des deux à l’égard d’Israël. Leur appréciation réfléchie et passionnée du conflit et des formules : Etat « juif d’Israël », Etat « démocratique et laïque de Palestine » et « Etat binational » aboutiront finalement à un accord autour de la coexistence de « deux Etats ».

L’évolution des positions des deux amis au sujet du conflit isaélo-arabe se poursuit tout au long de leurs existences sous l’impulsion des différentes guerres.

Après être allé jusqu’à faire l’apologie de la politique extérieure d’Israël, en lui cherchant des circonstances atténuantes, Ralph Miliband devient de plus en plus critique envers le comportement de l’Etat hébreu.

La Guerre de Six Jours et l’alliance stratégique scellée entre l’Etat sioniste et les Etats-Unis au moment de la guerre au Vietnam, effacent définitivement la sympathie qu’éprouvait par une fraction de la gauche radicale occidentale.

Les arguments que s’échangent les deux amis n’ont pas fini de diviser la gauche. En remontant aux racines de la controverse, cette correspondance éclaire ses enjeux.

Commentary

Cet ouvrage restitue le débat qui a animé les intellectuels de la de gauche (marxiste et socialiste) sur la question israélo-palestinienne dans les années 70 et 80. Ce débat s’est poursuivi jusqu’à nos jours.

Le choix d’éditer un échange épistolaire vieux de plus de quarante ans nous fournit de nouvelles clés de lecture du conflit. En 1967, alors que la Guerre des Six jours voit Israël occuper la Cisjordanie, la Bande de Gaza, le Sinaï et le Golan syrien, ces deux intellectuels prennent le temps de réfléchir sur les véritables enjeux qui se cachent derrière l’alliance américano-israélienne et cela en cherchant à dépasser la dimension subjective de leur réflexion. La guerre de 1967 constitue une sorte de clivage historique pour l’Etat d’Israël. C’est l’image d’Israël aux yeux de l’opinion publique mondiale qui change au même temps que sa politique. L’implication de l’État israélien, directe ou indirecte, aux côtés des puissances coloniales (la France durant la guerre d’Algérie, l’Afrique du Sud pendant l’apartheid, le soutien apporté contre le lumumbisme et la rébellion congolaise, le soutien à la France et à l’Angleterre pendant la guerre de Suez en ’59) devient après 1967 (avec l’occupation de la totalité de la Palestine mandataire) la preuve définitive qu’Israël sera de près ou de loin au service du « camp occidental » pour la défense de ses intérêts et ceux de ses alliées.

L’année 1967 est une année clé car Israël devient une puissance colonisatrice aux yeux du monde. C’est en étudiant la politique adoptée par Israël après cette date qu’il devient possible de comprendre l’attitude de cet Etat envers les Palestiniens et les autres pays arabes dans la région.

Il est intéressant de se poser la question : pourquoi ce témoignage historique fait-il son apparition maintenant ? La question des frontières de 1967 retrouve sa place dans le débat actuel sur un règlement du conflit israélo-palestinien, notamment avec « le plan Arabe » proposé en 2004 par l’Arabie Soudite. Il s’agit en effet d’affronter un des points les plus épineux pour Israël : renoncer à l’occupation tout en admettant être une puissance occupante. Ce passage obligé reste, à notre avis, la seule chance pour Israël de normaliser ses relations avec les pays arabes de la région et accéder finalement au statut de « vraie démocratie ». C’est par cette reconnaissance qu’Israël pourra garantir sa sécurité et assurer en même temps la complète reconnaissance de la Communauté Internationale des Etats. Mais Israël est-il prêt à aller dans cette direction ? est-ce que les plus récentes déclarations du gouvernement israélien en faveur d’une paix globale avec les pays arabes, sont-elles une sorte de « stratégie » adoptée par un Premier ministre en difficulté ? S’agit-il d’une opération visant à restaurer son image ou une volonté sincère d’engager son Etat dans un processus conduisant à une paix juste et définitive?

Cet ouvrage a aussi le mérite de poser clairement la question de la place qu’occupe l’identité juive dans le soutien ou la critique de l’Etat d’Israël. Cette question ne semble pas aujourd’hui totalement réglée : est-il possible de critiquer Israël sans être accusé d’antisémitisme ? Quelle position adopter envers un Etat qui refuse objectivement de respecter toutes les règles du droit international et qui a fait de la question palestinienne un problème de politique intérieur quand ce conflit pose au contraire la question d’un règlement international et où ses conséquences dépassent largement les « non frontières » de l’Etat juif ?

Alors qu’actuellement les sociétés des pays occidentaux se révèlent submergées de proclamations identitaires souvent fortement polémiques qui engendrent des fractures de plus en plus profondes, et notamment en France, cet ouvrage offre une matière exemplaire pour un jugement raisonné et engagé.