Anne Ollivier, Grenoble, France, février 2006
Sur le Chemin de la paix : avec l’ONU au Salvador, de Michel Lelièvre
Cet ouvrage expose l’expérience de la mission de l’ONU au Salvador (ONUSAL) à partir de 1991 à travers le témoignage d’un officier de gendarmerie français, Michel Lelièvre.
Réf. : LELIEVRE Michel , Sur le chemin de la paix: avec l’ONU au Salvador, collection Culture de paix, Desclée de Brouwer, Paris, 1995, 105p.
Langues : français
Type de document :
L’auteur, Michel Lelièvre décrit et analyse les 23 mois qu’il a passé dans le plus petit pays d’Amérique Centrale, El Salvador. Il cherche à analyser quels ont été les éléments positifs de la mission qui pourraient être transposables à d’autres missions.
Selon l’auteur, ce document «n’a d’autres ambitions que d’apporter un témoignage supplémentaire à tous ceux qui oeuvrent pour la paix dans le monde.»
Dans un premier temps, il rappelle sa perception de la guerre d’Algérie et des troubles en Nouvelle Calédonie, où il avait été envoyé.
Sur cette dernière expérience (1987-1990), il nous montre que les gendarmes doivent faire preuve de modestie et savoir reconnaître quand ils se sont trompés. Par ailleurs, il rappelle qu’il faut souvent dialoguer avec les même personnes que l’on a affronté auparavant. Et il énonce: «Rappelez-vous qu’un manifestant aussi dur soit-il, n’est qu’un citoyen égaré, ça n’est jamais un ennemi.» Cet enseignement, appris à l’école de gendarmerie lui sera utile dans sa mission au Salvador.
Dans un premier temps, il décrit le pays et sa vision de la situation. A son arrivée, en 1991, c’était encore un pays en guerre civile (les accords de cessez-le-feu ayant lieu en janvier 1992), avec des confrontations entre les militaires et les guérilleros du FLMN. Cette guerre a fait 80 000 morts en 12 ans. Il rappelle que c’est un pays très inégalitaire: 5% de la population possédait 90% des terres et des richesses. Il évoque aussi d’autres problèmes dont la forte croissance démographique, la forte proportion d’analphabétisme ou la corruption endémique (justice, police, militaire, politique…).
L’ONUSAL avait en premier lieu une vocation d’enquête sur les violations des droits de l’homme. Elle devait entre-autre apporter des recommandations pour y mettre fin. Elle se composait de membres expérimentés dans différents domaines (police, armée, éducation, justice…) qui viennent d’au moins 10 pays différents.
Avec le cessez-le-feu de 1992, son mandat est élargi et deux nouvelles divisions sont crées: une division militaire et une division de police. C’est la première fois, qu’une mission de l’ONU incluait une division tournée vers la police. C’est sur cette division dans laquelle il sera incorporé que l’auteur s’étend particulièrement.
Il évoque aussi l’importance de la phase d’approche et d’écoute de la population qui a eu lieu dans les premiers mois. Il s’agissait d’établir la confiance avec la population que la guerre lassait. Un autre facteur permis de mettre en place de la confiance : l’impartialité des enquêtes qui dénonçaient aussi bien les militaires que les guérilleros. Il a ainsi pu repérer l’importance du machisme dans les comportements masculins au quotidien, qui était souvent synonyme de violence.
Ensuite, il décrit plus avant la période opérationnelle pendant laquelle la mission enchaînait les tâches : enquêtes, désarmement, formation du personnel de police… En terme de communication, trois messages successifs furent utilisés à destination de la population : « Sur le chemin de la paix » à l’arrivée, ensuite « la paix est l’accord de tous » lors du cessez-le-feu et enfin « consolider la paix » qui demandait aux population d’accepter le retour des institutions.
Il décrit plus en détail les missions de la « division police » à laquelle, il avait été incorporé. Il s’agissait notamment d’accompagner la reconversion de la police (alors militaire) vers une véritable police civile, dont elle devait également former les membres. Etablir une nouvelle police était une des exigences de la guérilla qui en contrepartie devait désarmer. Certaines missions de terrain se faisaient conjointement. En effet, il fallait accompagner la nouvelle priorité qu’était la lutte contre la délinquance. Il faut aussi se rappeler que la police devait reconquérir le contrôle des territoires qui avaient été perdus par l’administration (au profit de la guérilla) en s’y réimplantant. C’était donc très important pour reconstruire la paix. Il évoque également les obstacles rencontrés par la mission en terme de formation et de réforme de la nouvelle police. Les anciennes habitudes ont souvent la vie dure ! Ils n’en reste pas moins, que non armés, les membres de cette division avaient surtout une fonction d’observateur et de conseil.
Finalement, il évoque les défis du Salvador pour retrouver la paix : les élections de 1994, où le FLMN avait pu pour la première fois se présenter en tant que parti d’opposition ainsi que la reconstruction nationale avec tous les obstacles qu’elle devra franchir. Il fait également un bilan de la mission et des difficultés qu’elle a rencontré à différentes périodes.
En conclusion, il évoque des faits qui donnent l’espoir sur l’avenir pacifique du Salvador. En outre, l’auteur évoque la nécessité de reconduire ce genre de mission internationale comprenant une division de police car il estime que c’est un élément nécessaire à la reconstruction de la paix. Il ne faut pas imposer un modèle de police mais aider les pays à trouver les meilleurs moyens en vue de réformer leurs institutions.
Un phrase résume bien l’engagement des membres de l’ONUSAL: « Nous avons senti que nous pouvions aider à construire la paix » .
Commentaire
Ce document vient compléter les fiches relatives au Salvador du dossier « consolider la paix » . C’est un témoignage qui permet de mieux comprendre les actions d’une mission de l’ONU et les avancées qu’elle a permis en matière de paix. L’engagement en faveur d’une nouvelle police, civile, dégagée de toute relation avec les militaires est également une avancée sur « le chemin de la paix. »
Ce document peut aussi être lu à la lumière de ce que nous savons sur la situation post-ONUSAL. Il faut d’abord noter la mise en place d’un programme national pour la culture de paix (avec l’UNESCO) qui s’inscrit dans la droite ligne des actions en faveur de la paix entreprises par l’ONUSAL. Par contre, malgré les efforts pour installer une nouvelle police, les observateurs ont assisté au retour à un niveau de délinquance et de criminalité élevé. Il reste donc aujourd’hui encore beaucoup à faire pour rétablir la sécurité dans ce petit Etat.