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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Guatemala, décembre 2004

Guatemala : le défi d’élaborer un projet de nation faisant suite à un passé de violence.

Au Guatemala du XXIe siècle, la société civile, notamment la population maya, élabore des propositions pour se donner un avenir plus juste et plus pacifique, tout en cherchant ses disparus et en pleurant ses morts

Mots clefs : Lutte citoyenne pour la justice sociale | Respect des droits humains | Initiatives pour le respect des personnes et contre les discriminations raciales | Lutte contre les inégalités et pour la paix | Respect des Droits et résistance aux attaques contre la paix | Citoyens guatémaltèques pour la paix | Gouvernement guatémaltèque | Présenter des réformes pour un nouveau projet de société | Faire des réformes politiques pour arrêter la guerre | Reconstruire la paix. Après la guerre, le défi de la paix. | Guatemala

Le Guatemala d’aujourd’hui est né d’un immense choc autant culturel et politique que militaire, entre Indiens mayas et « conquistadores ». Depuis la conquête, les populations mayas ont été victimes d’un système social, économique et politique basé sur leur discrimination et reproduit pendant des siècles autant dans les institutions que dans les mentalités des uns et des autres. L’histoire du pays a été traversée par les conflits entre les rebellions d’une population exploitée et la répression des dirigeants.

Cette histoire s’est répétée tout au long du XXe siècle. Au début des années 1940, alors que les inégalités économiques continuaient à s’accroître et que la population était dominée par une dictature militaire, cette dernière a entamé un mouvement social qui avait trois grands objectifs : lutter contre les inégalités économiques en instaurant des relations sociales sur des valeurs de solidarité et de justice. Combattre l’exclusion politique en instaurant des modalités nouvelles d’exercice du pouvoir basées sur des principes démocratiques. Favoriser la participation de la société civile dans la gestion de la nation afin de construire de nouvelles relations sociales sur les principes de la paix. Grâce au soutien massif de la population pour ce mouvement, ce dernier a réussi, en 1944, à remplacer le régime militaire dictatorial par un régime politique démocratique et à mettre en place des réformes sociales, politiques et économiques allant dans le sens des valeurs recherchées. Ce mouvement a été nommé par la société civile « la révolution de 1944 ».

Cependant, cette révolution venait contrarier les intérêts et ébranler les privilèges d’une minorité, habituée à monopoliser la richesse et le pouvoir. Cette dernière, en faisant passer leur nouveau mot social guatémaltèque par une stratégie communiste soviétique de pénétration en Amérique centrale, arrière-cour des États-Unis, dans un contexte de guerre froide, a trait aux fiches à obtenir le soutien logistique de la CIA. En 1954, l’expérience démocratique du Guatemala était mise à plat par le biais d’un coup d’État qui a redonné le pouvoir encore une fois à l’alliance composée des élites traditionnelles du pays et des militaires.

Aux conditions sociales, économiques et politiques très difficiles que la majorité de la population subissait avant 1944 est venu s’ajouter un élément nouveau : la violence. En effet, toute opposition au régime en vigueur été assimilée aux actions du communisme international, les opposants étaient réprimés par la violence. Les disparitions, la torture, les assassinats, étaient des pratiques utilisées par l’armée et légitimées par un État militaire tout-puissant. La liberté, la démocratie, la justice sociale, les droits de l’homme, la paix, étaient des réalités proscrites car accusées d’appartenir à une idéologie marxiste et de servir à légitimer l’action des mouvements révolutionnaires communistes. La société guatémaltèque était étouffée sous la botte des militaires.

Alors que les tentatives d’opposition et de quête de démocratie tentaient de s’exprimer dans les sous-sols sociaux de la population, un petit groupe d’officiers de l’armée nationale, en désaccord avec leurs chefs pour des raisons autant idéologiques que de contrôle du pouvoir, est entré en rébellion d’abord politique puis militaire. En 1960, ce groupe est devenu le premier groupe armé revendiquant des valeurs révolutionnaires dans ce Guatemala du XXe siècle. Il s’agit de la naissance de la guérilla au Guatemala.

Avec un État militaire fort, imposé à l’ensemble de la population et à un système de répression féroce de toute opposition, la rébellion armée ne prenait pas d’ampleur. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que la guérilla est devenue un mouvement, lorsque les leaders guérilleros se sont tournés vers la population maya, dont la plupart vivait dans des conditions économiques, politiques, culturelles d’une extrême précarité. À la fin des années 1970, la population maya à commencé à se tourner vers la guérilla dans un mouvement presque massif. Entre les années 1970 et 1980, les combats sont devenus de plus en plus importants en nombre et en gravité.

Face à l’ampleur que prenait le mouvement guérillero, l’armée, dirigée successivement par les généraux Carlos Arana, Kjell Laugerud, Lucas García et Ríos Mont, a entrepris une stratégie militaire de répression massive par la disparition des opposants, la torture, les massacres, la technique de la terre brûlée, au prix de nombreuses victimes civiles assassinées dans des conditions atroces.

En 1983, après une année et demi de combat militaire féroce qui n’a pas épargné des populations civiles faisant de nombreuses victimes par la pratique de techniques militaires des plus cruelles, le mouvement guérillero s’est réduit de façon importante. Une grande partie des combattants avait péri dans les combats. Ceux qui avaient survécu ont essayé de se regrouper en petits groupes de rebelles, mais ils ressemblaient d’avantage à des petits groupes de délinquants plutôt qu’à un mouvement guérillero classique. D’autres sont partis se réfugier au Mexique ou dans la forêt. Leurs commandants avaient pris le chemin de l’exil. Les populations maya, désormais bien contrôlées par l’armée, ne coopéraient plus avec le mouvement guérillero vaincu militairement et agonisant. Bien qu’une telle répression ait été perçue par l’armée comme une victoire militaire, elle s’est avéré être l’une des raisons de sa défaite politique face aux nouveaux leaders civils.

Après la défaite militaire de la guérilla dans les années 1990, des accrochages subsistaient encore entre les petits groupes de guérilleros et l’armée nationale. Le concept de conflit armé était encore utilisé bien que, sans représenter une réalité militaire, il servait surtout à justifier certaines actions militaires tant de la part des généraux (de la répression, des massacres) que des commandants (des séquestrations, des attentats), ainsi qu’à légitimer les aides financières que recevaient les uns et les autres de l’extérieur.

Les généraux discrédités par la cruauté de la répression et les commandants guérilleros militairement vaincus et manquant de soutien laissaient la place à de nouvelles élites politiques. En 1986, l’armée quittait le pouvoir, un civil a été élu démocratiquement à la Présidence. La population, quant à elle, a alors tenté de construire un projet de nation commun, en vue de donner un sens à la vie en société. Cependant cette initiative est profondément marquée par les effets de la violence. La société civile, notamment la population maya, élabore certes des propositions pour se donner un avenir plus juste et plus pacifique, mais elle compte également ses morts…