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Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de défi Dossier : Le droit à la ville

, France, septembre 2017

HABITAT III, ou quand l’ONU entérine le miracle urbain….

Défendre et renforcer le droit à la ville.

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Créée en 2005, à partir des travaux du Forum pour l’Inclusion Sociale, la Démocratie Participative (FAL) qui se tenait en parallèle des Forum Sociaux Mondiaux, la CISDPDH articule la voix des gouvernements locaux et régionaux dans les domaines de l’inclusion sociale, de la démocratie participative et des droits humains au sein de l’organisation mondiale des pouvoirs locaux Cités et Gouvernements Locaux Unis. La CISDPDH regroupe une centaine de gouvernements locaux et régionaux qui en articulation avec la société civile et le secteur universitaire promeuvent le droit à la ville comme une nécessité pour construire des territoires justes, solidaires, démocratique et durables.

Ainsi, la CISDPDH est-elle à l’initiative de la Charte Agenda Mondiale des Droits Humains dans la Ville, adoptée en 2011 par le Conseil Mondial de CGLU et qui porte en son premier article le Droit à la Ville. En 2014, pour renforcer son travail de plaidoyer pour l’inclusion du droit à la ville dans les agendas globaux et locaux, la CISDPDH intègre la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, au côté de 250 organisations de la société civile et laboratoires de recherches. Ce travail a porté ses fruits, puisque, aujourd’hui, CGLU a inscrit le droit à la ville au cœur de sa stratégie (Voir Déclaration du Congrès des Gouvernements Locaux et Régionaux de Bogotá) et que pour la première fois dans un texte international, le Nouvel Agenda Urbain Mondial, fait mention du droit à la ville (art.11) et reprend bon nombre de ses composantes (droit au logement et production sociale de l’habitat, participation et empowerment des habitants…)

Les positionnements exprimés dans cet article n’engagent pas la CGLU dans son ensemble.

Le Nouveau Programme pour les Villes adopté à Quito en octobre 2016 intervient 20 ans après Habitat II à Istanbul dans un monde déjà urbain à 55 % et dans un contexte d’économie mondiale hautement financiarisée qui a des conséquences importantes sur la configuration des villes et des territoires. D’un agenda de l’habitat adopté à Habitat II en 1996, on est passé en 2016 à un « Programme pour les Villes » qui entérine en quelque sorte le miracle urbain promu comme le degré ultime du développement malgré quelques « externalités négatives ».

Après de longues négociations et malgré l’opposition des pays les plus riches, le texte adopté à Quito mentionne pour la première fois dans un texte international le droit à la ville. Référence plus que reconnaissance, la mention du droit à la ville s’accompagne cependant de recommandations portant certains de ses éléments constitutifs introduits grâce au plaidoyer porté par les organisations de la société civile, des réseaux de pouvoirs locaux et relayé par certains États. Mais l’agenda d’action adopté à Quito qui se voulait opérationnel est assez faible quant à sa portée politique, et les moyens de suivi et de mise en œuvre prévus ne permettront probablement pas d’atteindre les objectifs annoncés de construire des « villes pour tous », dans un contexte de réduction drastique des finances publiques.

Malgré tout, le processus de préparation de la Conférence Habitat III a été l’occasion de rallier de nombreux acteurs qui défendent le droit à la ville, paradigme permettant d’unir les voix et les mobilisations pour des villes du commun face à la tendance majoritaire de la ville compétitive. Ainsi, dans les interstices laissés par le Secrétariat d’Habitat III, pour participer à la définition du Nouveau Programme pour les Villes et dans les forums alternatifs, gouvernements locaux, mouvements sociaux, ONG et secteur de la recherche ont pu tisser ou renforcer des alliances permettant peut–être d’envisager des perspectives communes pour faire avancer le droit à la ville à partir des pratiques et des luttes locales.

1. Habitat III ou le Nouveau Programme pour les villes, un agenda qui s’inscrit dans le « Nouvel Ordre Mondial »

Une « conférence opérationnelle »

Le terme de « conférence opérationnelle »1 utilisé par le Ministère des Affaires Étrangères français, reflète assez bien la portée politique relativement faible de la Conférence Habitat III. En effet, le Nouveau Programme pour les Villes (NPV) adopté à Quito est un agenda non contraignant qui s’inscrit dans une refonte des priorités de l’ONU autour de l’Accord de Paris (COP21) et des Objectifs du Développement Durables adoptés en septembre 2015 par l’Assemblée Générale. Dans ce cadre, le Nouveau Programme pour les Villes peut être considéré comme une concrétisation de ces engagements internationaux dans la sphère urbaine ou du moins territoriale (des États et des organisations de la société civile se sont en effet efforcés de faire valoir que les établissements humains ne concernent pas que les villes).

En effet, le NPV a mobilisé très peu de participation politique - seuls deux chefs d’État y ont participé : Rafael Correa, le président d’Équateur, le pays hôte et le vénézuélien Nicolas Maduro. À part l’engagement actif de quelques ministres comme Rosario Robles, Secrétaire d’État mexicaine au développement agricole, rural et urbain qui a défendu avec ferveur l’inclusion du droit à la ville tout au long du processus de négociations, l’Agenda était négocié par les représentants permanents des États au siège des Nations unies à New York.

La France, qui co-présidait cette conférence avec l’Équateur, avait d’ailleurs nommé pour la représenter un profil plus technique que politique en la personne de Maryse Gauthier, ingénieure des Ponts des Eaux et des Forêts, Présidente du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Au-delà des cercles professionnels, la France n’a pas fait grand-vent de cette conférence. Alors que ce rendez-vous aurait pu être une occasion de lancer un processus de dialogue citoyen sur les questions urbaines, les inégalités socio-spatiales, la participation ou encore la transition écologique dans les villes en France, le sujet a été relégué au second plan tant dans les discours officiels que dans les médias. Malgré le passage de la Ministre du logement, Mme Cosse à Quito, l’Agence Française de Développement avait organisé la délégation française et son pavillon à Quito sous le prisme de la coopération internationale, cherchant plus à valoriser ses projets de développement urbain au Sud que les politiques urbaines françaises. Toutes les négociations et les documents de travail étaient d’ailleurs en anglais et la traduction française du « Nouveau Programme pour les Villes » n’a été réalisée que plusieurs semaines après sa publication officielle, rendant difficile la participation des acteurs français en amont de la conférence.

L’Agenda adopté à Quito était ficelé depuis le mois de septembre après trois sessions d’âpres négociations entre les représentants permanents des États, notamment sur l’inclusion du droit à la ville et du droit au développement.

Au delà de sa faible portée politique, l’Agenda Urbain Mondial s’inscrit dans un ordre mondial post-consensus de Washinghton et de Monterrey. Ainsi, faute de parvenir à contraindre les États à appliquer les droits, la gouvernance mondiale s’appuie sur le principe du partenariat. Cela signifie que les textes internationaux doivent mobiliser pour leur application l’engagement de l’ensemble des acteurs de la communauté internationale, entreprises multinationales comprises. Cependant, si les multinationales avait coordonné un réel effort de lobbying lors de la négociation au sein de l’Assemblée Générale des Nations unies des Objectifs du Développement Durables en e 2015 et de la COP21, globalement l’Agenda Urbain a fait l’objet d’assez peu d’intérêt de leur part.

Il est important aussi de souligner les efforts mis en oeuvre par le Secrétariat d’Habitat III, Directeur d’ONU Habitat, Joan Clos, pour permettre une large participation des acteurs non-étatiques dans le processus de préparation de la conférence. À travers des dialogues en ligne, la constitution de dix groupes d’experts internationaux sur les axes principaux de l’agenda, ou encore les conférences préparatoires et leurs nombreux événements parallèles, un large éventail d’acteurs a pu participar et commenter les différentes versions du Programme pour les Villes. C’est ce qu’ont fait certains acteurs comme les ONG mais surtout les gouvernements locaux, sous l’égide de la Global Task Force des Gouvernements Locaux, regroupant les principaux réseaux de ville (ICLEI, C40… ) sous la coordination de Cités et Gouvernements Locaux Unis et défendant le droit à la ville. L’Assemblée Mondiale des Gouvernements Locaux et Régionaux, le 16 Octobre, a ainsi ouvert la conférence, en présence de plusieurs centaines de Maires et de president d’exécutifs Locaux. Leur contribution à la définition de l’agenda et à sa mise en oeuvre est d’ailleurs mentionnée dans le texte final de la conférence.

Un Agenda qui entérine définitivement le « miracle urbain » ?

Malgré la résistance des États du G77 et de groupes de la société civile, la Conférence Habitat III semble avoir définitivement entériné le « miracle urbain ». En effet, alors que la Conférence Habitat II était centrée sur l’habitat et le logement, Habitat III consacre un Agenda Urbain, où les villes sont présentées comme une opportunité formidable pour la croissance économique. Ainsi, les villes sont le lieu où se génèrent 80 % de la croissance mondiale. Toutefois, des défis restent à résoudre : esentiellement les inégalités et le fait que les villes sont extrêmement polluantes (elles sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre).

Le Nouveau Programme pour les villes, se donne donc pour ambition de résoudre ces externalités négatives du processsus d’urbanisation massif de la planète, affirmant qu’une « bonne gestion et une bonne planification » permettront de construire des villes inclusives, durables, prospères, compactes et résilientes.

Alors que 20 ans auparavant, l’Agenda Habitat II adopté à Istanbul, faisait référence au contexte macro-économique, Habitat III fait l’impasse totale sur l’économie mondiale qui sous-tend l’urbanisation. Malgré les propositions en ce sens de la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, il a été impossible d’inscrire dans le texte la moindre mention à la crise du logement et des « subprimes » et leurs conséquences sur l’économie mondiale alors même qu’elles sont directement liées à l’échec de la mise en oeuvre du droit au logement préconisé dans l’Agenda Habitat II.

Nous sommes donc passé à un agenda dont l’enjeu était initialement le logement dans tous les types d’établissements humains, du hameau à la métropole à un agenda urbain. Les critiques du G77 à cet égard ont permis d’adjoindre l’adjectif territorial à chaque fois qu’urbain était mentionné, mais l’esprit du texte, sous l’impulsion d’ONU Habitat est fortement marqué par le paradigme du « miracle urbain », et ce alors que les exodes ruraux sont bien souvent subis, tant du fait des effets catastrophiques des traités de libre échange et des phénomènes d’accaparement des terres sur les conditions de vie des paysans, que de l’impact du changement climatique et l’abandon par les États des politiques de développement rural.

2. Une victoire en demi teinte pour le Droit à la ville

Si pour la première fois dans un texte Onusien, et en grande partie sous la pression de la société civile et des collectivités locales, le Nouveau Programme pour les Villes fait référence au droit à la ville et en mentionne certains principes, il ne faut toutefois pas se réjouir trop vite. En effet, l’Agenda reste faible sur les principes de mise en oeuvre et de suivi et ne met en place aucun financement multilatéral.

Une mention historique du droit à la ville et la reconnaissance de ses principes malgré de fortes oppositions

Le texte adopté à Quito porte la vision commune de « villes pour tous, c’est-à-dire de villes et d’établissements humains qu’utilisent leurs résidents sur un pied d’égalité, les objectifs poursuivis consistant à promouvoir l’intégration et à faire en sorte que tous les habitants, qu’ils appartiennent aux générations actuelles ou futures, puissent, sans discrimination aucune, vivre et créer des villes et des établissements humains équitables, sûrs, salubres, accessibles, d’un coût abordable, résilients et durables, de manière à promouvoir la prospérité et la qualité de la vie pour tous » (NPV, art.12). Le NPV fait référence pour la première fois dans un texte onusien au Droit à la Ville, « prenant note des initiatives qu’ont pris certains gouvernements et certaines administrations locales en vue d’inscrire cette vision, connue sous le nom de « droit à la ville », dans leur législation, leurs déclarations politiques et leurs chartes » (NPV, art.12).

Mentionné, plus que reconnu, l’inclusion de cette mention au droit à la ville manifeste un compromis. En effet le Droit à la Ville - comme le droit au développement - a été l’objet de débats très importants entre d’un côté des États principalement latino-américains emportés par le Mexique et le Brésil de l’autre les USA, le Japon, le Canada et l’Union Européenne ayant marqué une opposition frontale à toute reconnaissance d’un droit nouveau, craignant des conséquences tant du point de vue des moyens de sa mise en œuvre que de son éventuelle opposabilité juridique.

Si une grande partie de la définition proposée dans la vision des « villes pour tous » citée plus haut correspond à la proposition formulée par la Plateforme Mondiale pour le droit à la Ville, il n’est pas anodin que la formule « des villes comme biens communs » inscrite dans la définition initiale proposée par la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville ait disparu.

Toutefois certains principes du droit à la ville sont inclus dans les préconisations du Nouveau Programme pour les Villes : le principe d’une urbanisation qui s’inscrit dans l’optique de la garantie des droits et d’accès aux services pour tous, la fonction sociale et environnementale de la ville et du foncier, l’objectif de la réalisation progressive du droit au logement, la reconnaissance de la production sociale de l’habitat, la reconnaissance des travailleurs de l’économie informelle et de leur participation au développement économique local, la reconnaissance de l’économie solidaire et circulaire, la promotion de formes durables de production et de consommation, le continuum rural - urbain, la participation des parties prenantes aux décisions (et non la démocratie qui n’est pas mentionnée une seule fois dans le texte), le polycentrisme…

Le texte emporte toutefois de nombreuses contradictions, qui révèlent les difficiles compromis dont il est issu. Ainsi par exemple, les personnes LGBTI ne sont pas mentionnées dans le texte comme un collectif vulnérable sous la pression de certains États comme l’Iran, la Fédération de Russie, la Thaïlande et l’Indonésie qui ont réussi à obtenir dans le texte le principe d’une ville « family friendly », en allusion au modèle classique de la famille que la ville doit pouvoir protéger. Autre exemple : la « prévention des expulsions forcées » dans la version initiale est devenue la « prévention des expulsions forcées arbitraires ». Mais c’est surtout la faiblesse des éléments de mise en œuvre qui sont source de contradiction avec l’ampleur des objectifs annoncés.

La préparation d’HABITAT III a vu des pouvoirs locaux s’investir de manière conséquente pour faire reconnaître le « droit à la ville » au point d’en avoir fait un des axes d’engagements de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU). Cette nouvelle situation, acquise pour une part par le travail en réseau au sein de la CISDPDH, permet de se projeter dans une revendication du « droit à la ville » comme processus d’actions pour des pouvoirs locaux.

Des moyens de mise en œuvre très en-deçà des objectifs

L’ensemble des principes et des mesures qui doivent guider la réalisation de villes et d’établissements humains durables, résilients, inclusifs et prospères pourraient rester lettre morte, comme le furent une grande partie des engagements d’Habitat II, compte-tenu de la faiblesse des moyens mis en œuvre.

En effet, les références aux financements sont floues. S’il est recommandé de mettre en place des mécanismes de financement endogènes, les références aux mécanismes de redistribution, de régulation des marchés et de fiscalité sont très réduites. La captation des plus-values foncières apparaît ainsi être une recette miracle et ce alors même que sa mise en œuvre a parfois entériné des mécanismes spéculatifs et a eu un effet d’exclusion des populations les plus pauvres, comme le montrent les travaux de l’urbaniste Mariana Fix sur les opérations de cette nature au Brésil2. De plus, la captation des plus-values foncières suppose un registre foncier à jour et un travail de suivi important, ce qui n’est pas le cas dans bien des villes.

L’autre recommandation phare, semble être l’accès aux marchés financiers pour les gouvernements locaux et la mise en place de garanties pour ce faire. Or, il apparaît évident que malgré ces propositions, beaucoup de villes, du fait de la faiblesse de leurs finances publiques et notamment celles qui font face aux besoins les plus importants resteront exclues des marches financiers. La question du recours aux marchés financiers pose aussi la question de la financiarisation des infrastructures urbaines et de son caractère démocratique et durable.

Par la faiblesse des propositions financières et l’absence totale de mise en place de mécanismes financiers multilatéraux pour accompagner les villes qui s’urbanisent le plus, l’Agenda Habitat III semble entériner d’une certaine façon la vague de privatisations locales massives ainsi que les PPP. En effet, l’assèchement des finances publiques et la localisation de l’ajustement structurel, au nord comme au sud menace clairement la capacité à construire des villes pour toutes et tous. L’Observatoire Mondiale des Finances Locales de CGLU a démontré que dans les pays de l’OCDE, la part des ressources nationales affectées aux finances locales est de 30,9 % en moyenne, alors que pour les pays les moins avancés où l’urbanisation est la plus forte, cette part est en moyenne de 7,8 %3. Dans ces conditions, il sera difficile pour les gouvernements locaux de faire face aux besoins grandissants de la population de leurs territoires.

C’est dans ce sens que la CISDPDH et des organisations de la société civile ont promu la déclaration « Financer le Droit à la Ville pour toutes et tous » dans le cadre du sommet de préparation de la Conférence sur le financement de l’urbain qui s’est tenu à Mexico, en mars 2016.

Alors que selon ONU-Habitat, les inégalités se sont accrues dans 75% des villes du monde depuis Habitat II, les solutions ne semblent réellement pas à la hauteur des enjeux. En effet, sans financements publics, il sera sans doute difficile de pourvoir au milliard de logements qui devraient être construits d’ici à 2025 pour les personnes les plus vulnérables, selon le World City Report 2016.

Loin de se concentrer sur la question des moyens financiers et humains, la plupart des débats ont porté sur la capacité d’ONU Habitat à assurer un suivi du programme, compte-tenu des faiblesses de leur suivi d’Habitat II. ONU-Habitat sera finalement auditée pour évaluer ses capacités de suivi. Le cas échéant, les États européens ont avancé l’idéed’un mécanisme de suivi de Haut- Niveau sous l’égide du Secrétariat Général des Nations unies.

3. Quelles perspectives d’alliances et d’action

Le droit à la ville : nouveaux enjeux et défis

De nouveaux défis se présentent dans l’étape post-Habitat III, qu’il nous faudra surmonter pour que le droit à la ville ne reste pas lettre morte :

  • S’assurer que le droit à la ville ne devienne pas « l’injonction à la ville » - un risque bien réel dans un monde majoritairement urbain, et où les migrants internes et internationaux qui viennent peupler les villes le font généralement de manière non choisie car la ville représente la seule alternative possible de vie face à l’abandon des politiques de développement rural, à l’accaparement des terres arables et aux conséquences du changement climatique.

  • Renforcer les bases légales pour que le droit à la ville ne demeure pas seulement une vision, mais un corpus légal enraciné dans les droits humains reconnus dans les traités internationaux.

  • Garantir, au niveau local et mondial, les fonds et les ressources publiques nécessaires pour faire des villes des biens communs – en réaction à la tendance actuelle à la privatisation et à la Smart City.

  • Mettre en œuvre un programme de suivi d’Habitat III, qui parte du niveau local et se base sur des indicateurs permettant de mesurer la garantie du droit à la ville.

  • Interroger le concept de « droit à la ville » au niveau des espaces urbains multimillionnaires autour notamment de l’enjeu d’aires métropolitaines polycentriques, solidaires et décentralisées.

  • Renforcer les bases sociales du droit à la ville et élargir le mouvement mondial de plaidoyer en sa faveur. 

Vers le renforcement des alliances

Habitat III, et notamment son processus de préparation et les sommets alternatifs ont sans doute permis de créer des alliances pour défendre et renforcer le droit à la ville. Ces alliances se sont notamment tissées via la Plateforme Globale pour le droit à la ville, qui regroupe près de 250 organisations de la société civile, du secteur universitaire et de gouvernements locaux, sous la coordination d’Habitat International Coalition et de l’Institut Polis. Centre-Sud, l’AITEC et l’Atelier Populaire d’Urbanisme de Grenoble ont été les relais français de ce travail.

Au sein de cette plateforme, dans le prolongement des espaces créés dans le processus des forums sociaux mondiaux, société civile et gouvernements locaux progressistes ont pu dialoguer sur la scène globale pour défendre les villes et des territoires du commun, avec des ressources publiques et une démocratie radicalisée contre les villes compétitives.

Après Habitat III, il est nécessaire de poursuivre ce travail, à travers des projets de recherche-action au service de la citoyenneté et des campagnes concrètes, pour déconstruire les « hégémonies culturelles » qui guident la fabrique de la ville et pour amplifier les luttes locales. C’est pourquoi la CISDPDH travaille à la création d’un Institut Mondial pour le Droit à la Ville. Avec Augusto Barrera, ancien Maire de Quito et directeur du Laboratoire CITE (Villes et territoires) de la Faculté Latino-américaine des Sciences Sociales, nous pensons que ces alliances doivent se faire autour de trois axes stratégiques :

  • a) Économie politique urbaine. Il s’agirait d’étudier les modèles économiques de la ville alternatifs à la ville compétitive basée sur la financiarisation des villes

  • b) La démocratie locale et le pouvoir d’agir des habitants

  • c) La justice spatiale et environnementale

Le travail en réseau permettrait ensuite de partager les enjeux locaux et la circulation des pratiques, des politiques publiques et de leur base conceptuelle.

Au sein de cet Institut Mondial, piloté par des mouvements sociaux, des organisations de la société civile et syndicale, des chercheurs et des élus locaux et articulé avec la Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, pourraient être définies des actions de formations et de plaidoyer communes, notamment avec les alliés dont nous disposons dans le système onusiens et pourquoi pas certains États.

Ces campagnes pourraient porter sur le Droit au Logement, dans le sens de la campagne The Shift lancée lors d’Habitat III, par la Rapporteuse Spéciale pour le droit à un logement convenable des Nations Unies, Leilani Farha, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies et CGLU. Cette campagne vise à défendre le droit au logement contre la financiarisation.

Une autre campagne porteuse pour renforcer les alliances entre société civile, recherche et gouvernements locaux pourrait être celle de « Zones libres de paradis fiscaux ». À l’initiative d’OXFAM, 41 territoires de l’État espagnol ont signé une motion pour contribuer à défendre la justice fiscale globale à partir de la commande publique.

Notes

1www.villesdefrance.fr/onde.php?onde_id=421&id=3024

2São Paulo: cidade global: Fundamentos financeiros de uma miragem, Boitempo, 2007.

3Subnational Governments Around the World, Structure and Finance, OECD www.uclg-localfinance.org/sites/default/files/uploaded/Observatory_web.pdf