Fiche de défi Dossier : Education à la non violence active, aux droits humains et à la paix

Owen JONES, Londres, mars 2015

République Démocratique du Congo : pourquoi le monde continue d’ignorer les atrocités ?

La catastrophe humanitaire que vit la RDC ne mérite pas une telle négligence…

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Certaines vies importent plus que d’autres. On appelle cela : « L’inégalité face à la mort ». Les millions de personnes tuées, mutilées et traumatisées en République démocratique du Congo (RDC) sont assurément au plus bas de cette pyramide macabre.Le pays a été le théâtre de la guerre la plus meurtrière depuis la chute d’Adolf Hitler, et pourtant il est peu probable que la majorité des peuples occidentaux en soit consciente. Aucune exclusivité poignante en titre des bulletins d’information ; aucun lobbying pour lever une force militaire occidentale afin de « faire quelque chose ». Nous sommes, à juste titre, consternés par un conflit barbare en Syrie qui a volé la vie à 200.000 civils et pourtant plus de 6 millions de personnes auraient péri en RDC… toutefois, il n’y a pas que les médias traditionnels qui sont à blâmer pour cette étonnante absence d’attention mais aussi, les partis de gauche, capables de défendre à juste titre la cause d’un peuple palestinien soumis à plusieurs longues décennies d’occupation et d’assujettissement… ; et pourtant, la catastrophe humanitaire en RDC ne mérite pas une telle négligence. Bien que l’intensité meurtrière de cette guerre ait atteint son sommet entre 1998 et 2003, le calvaire se pérennise. Selon Oxfam, il y a encore des civils pris en otages par des groupes armés à l’est du pays et qui sont soumis à de l’exploitation. L’ONU a désigné la RDC comme « la capitale mondiale du viol ». Des femmes, des jeunes filles et des garçons ont été systématiquement violés comme une arme de guerre. Rien qu’en 2011, on a estimé à 48 femmes violées toutes les heures dans le pays. Les hommes ont aussi été violés : il y a des histoires d’hommes violés trois fois par jour pendant trois ans. Au comble de l’horreur, il y a du cannibalisme : à une époque, des pygmées en Ituri auraient été tués et mangés par des rebelles. Cette guerre fut aussi impitoyable vis-à-vis des innocents : jusqu’ à 45.000 civils furent tués chaque mois, dont environ la moitié d’entre eux étaient des enfants en bas-âges bien qu’ils ne représentent qu’un cinquième de la population. La guerre a également déclenché des vagues dévastatrices de famines et de maladies qui ont coûté la vie à des millions de RD Congolais. Des milices armées continuent encore de commettre des atrocités, et les séquelles de cette guerre ont laissé le pays dans la pauvreté et la dévastation. Selon l’ONG « International Rescue Committee», « c’est le pays le moins avancé du monde en termes d’espérance de vie, d’éducation, de niveau de vie et des indicateurs clés de la santé ». Et pourtant, ce vaste pays de près de 80 millions d’habitants trouble à peine la conscience des occidentaux. Pourquoi cela ?

Une Guerre complexe

Pour être magnanime, on pourrait mettre cela sur le fait que ce conflit était tout simplement trop compliqué à comprendre : certains l’ont décrit comme une « guerre mondiale » propre à l’Afrique ; un prolongement du génocide rwandais ayant impliqué les forces armées de neuf pays africains ; ou encore, de nombreux différents conflits complexes qui se seraient seulement recoupés en RD.Congo. Le pays est bondé de matières premières qui devraient être une source d’un immense potentiel de développement, mais à la place c’est un attrait pour des groupes armés en quête de profits. Ces atrocités remontent à bien des générations. En effet, déjà aux 19e et 20e siècles, sous le règne du roi belge Léopold II, plus de 10 millions de personnes avaient été tuées dans l’un des plus grands faits d’assassinats de masse de l’histoire de l’humanité. Cependant – soyons un tant soit peu honnête – sur un autre continent, on aurait jamais permis à une telle guerre dévastatrice de faire rage pendant aussi longtemps. Les vies d’africains [et plus précisément des RD Congolais] importent que très peu ; un taux atteignant jusqu’à 6 millions de morts n’aurait certainement pas été toléré ailleurs. Pour les occidentaux, c’est un pays qui n’a pas beaucoup d’impact stratégique. Quant à la Gauche, la complexité de la guerre n’était pas une excuse. C’est une cause qui aurait dû être défendue. Comme ce ne fut pas le cas, des millions de personnes sont mortes au milieu d’un quasi-silence [général]. Plus jamais ça !

Notes