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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, juin 2009

Prévenir les conflits par une gestion intelligente et une utilisation durable des ressources naturelles

Les ressources naturelles sont depuis toujours à l’origine de conflits partout dans le monde.

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Les ressources naturelles, qui correspondent à une substance ou un objet présent dans la nature et exploité pour les besoins d’une société humaine, englobent aussi bien l’eau, les forêts, les terres arables, les minerais que les énergies fossiles. Inégalement réparties sur la surface de la terre, elles sont depuis toujours à l’origine de conflits partout dans le monde.

Selon une récente étude du PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement) de février 2009, les ressources naturelles ont alimenté au moins 18 conflits violents depuis 1990 et ont été liées à au moins 40% du total des conflits qui ont eu lieu depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Pourquoi les ressources naturelles sont-elles considérées un enjeu géopolitique de premier ordre ?

  • Elles sont premièrement nécessaires à la survie et au développement de l’humanité. La société humaine n’aurait pu se développer sans la maîtrise des ressources dont elle disposait.

  • Elles sont aujourd’hui chargées d’une valeur financière qui évolue selon les règles commerciales de l’offre et de la demande. Cotées en bourse, objet d’âpres négociations entre multinationales et Etats, les ressources naturelles sont devenues un marché à part entière. Cette marchandisation, qui a fait de la nature un commerce lucratif, s’accompagne de convoitises et de conflits ayant pour objectif final l’enrichissement des acteurs.

Les conflits liés aux ressources naturelles sont extrêmement divers car ces dernières se prêtent à plusieurs utilisation : subsistance des populations, objectifs économiques d’entreprises commerciales, mais aussi activités de conservation, tourisme, raisons culturelles concernant la présence de lieux sacrés, etc. On constate donc une multiplicité de situations et d’acteurs, ce qui rend chaque conflit unique et complexe. L’échelle et l’intensité d’un conflit peuvent ainsi varier considérablement, tout comme les stratégies de résolution de celui-ci.

La multiplication, ces dernières années, des conflits liés aux ressources naturelles s’explique par l’effet combiné de la pression démographique mondiale, qui engendre une demande de plus en plus forte, de la raréfaction de certaines ressources dues à une dégradation générale de l’environnement et de la hausse des cours internationaux des matières premières, qui les rendent inaccessibles aux plus pauvres.

Les différences de répartition des ressources sur la planète, mais surtout les inégalités issues d’un partage peu équitable, engendrent donc des situations de contestation et de rivalités. Ces conflits peuvent pourtant être résolus, et à plus forte raison évités. Pour cela, un partage intelligent et concerté des ressources, ainsi que la mise en place d’un développement durable et responsable sont nécessaires.

Pourquoi les tensions se cristallisent-elles autour du partage des ressources, jusqu’à être à l’origine de conflits armés ? Comment peut-on régler les conflits basés sur l’appropriation de ressources naturelles ? Par quels moyens prévenir l’apparition de nouvelles rivalités liées à l’utilisation des ressources naturelles ?

Cet article a pour but d’expliquer le rôle stratégique des ressources naturelles dans la formation d’un conflit et de trouver les solutions adéquates à la résolution des conflits de cette nature. Nous expliquerons que les ressources naturelles, de par leur enjeu à la fois économique mais aussi humain, représentent un facteur belligène de premier ordre. Puis nous verrons quelles réponses apporter à ce type de tensions en se basant sur des expériences menées. Enfin, nous constaterons que la meilleure façon de prévenir les conflits de cette nature est de sensibiliser la communauté internationale aux enjeux environnementaux, et notamment les populations locales.

I. Les ressources naturelles, des richesses disputées

Il existe un lien fort entre les ressources naturelles et l’apparition de tensions entre les hommes. Les conflits liés aux ressources naturelles procèdent essentiellement de désaccords concernant leur accès, leur contrôle et leur utilisation. Ils naissent du fait que les acteurs utilisent ces ressources à des fins différentes, ou entendent les gérer de différentes manières.

Cette relation ne doit cependant pas être considérée à sens unique : les conflits ont eux aussi un impact, négatif, sur l’environnement. De même, le contrôle des ressources peut parfois être utilisé comme une stratégie militaire à part entière.

A. Les tensions locales liées au partage des ressources

Des tensions liées à l’utilisation des ressources naturelles peuvent apparaître sur de petits territoires, quand les intérêts et les besoins des uns et des autres ne sont pas compatibles. C’est souvent le cas dans les régions rurales, où agriculteurs et éleveurs se disputent l’accès à l’eau et/ou à la terre. Si ces conflits locaux débouchent rarement sur des violences physiques, ils empoisonnent la vie de la communauté, divisée par ces antagonismes, et briment son développement économique.

C’est le cas en Afrique, le long du fleuve Sénégal, où les paysans sont en rivalité pour la dérivation de l’eau du fleuve, servant à irriguer les rizières environnantes. Après 30 ans d’utilisation sans coordination ni contrôle des eaux du fleuve, des tensions concernant le partage et la maintenance d’infrastructures devenues vétustes sont apparues, menaçant la stabilité sociale de la région. (Favoriser un partage rationnel de l’eau entre agriculteurs articulant informatique et ingénierie hydraulique : l’exemple du fleuve Sénégal)

Outre les tensions locales, une mauvaise utilisation des ressources locales peut entraîner la paupérisation d’une société, et favoriser l’apparition de nouveaux conflits liés à la pauvreté. Une utilisation intensive de l’eau provoque tôt ou tard une diminution du débit du fleuve. Les problèmes d’approvisionnement en eau entraînent une baisse du rendement agricole qui peut alors dégénérer en crise alimentaire et sociale, et ainsi alimenter les tensions dans un pays !

Les terres arables deviennent elles aussi des enjeux stratégiques. La compagnie japonaise Daewoo, ayant acheté un million d’hectares à Madagascar pour acquérir des terres agricoles, a du faire avorter son projet sous la pression de la vindicte populaire. Le problème de l’accès à la terre pour les populations vivant de l’agriculture se pose d’autant plus que la pression démographique et l’inégale répartition des terres fertiles entraînent de nombreuses injustices.

La région du Kivu, en République démocratique du Congo, est riche en ressources naturelles (cassitérite, coltan, or, etc.). Depuis plus de 10 ans, la région est le théâtre de conflits meurtriers liés entre autres à l’exploitation des richesses du sol. Dans cette région, convoitée par le Rwanda et le Burundi, un conflit local vient s’ajouter aux tensions géopolitiques. La majorité des terrains appartenant à de grands propriétaires. Les jeunes, se retrouvant sans terres ni débouchés, sont alors tentés d’intégrer les milices locales, alimentant encore un peu plus la violence et la délinquance devenue endémique dans cette partie du monde.

Ainsi, les problèmes de gestion l‘eau ou d’accès à la terre créent des conflits locaux pouvant aller de tensions verbales à l’apparition de groupuscules armés. Mais les tensions locales peuvent aussi naître de l’exploitation des ressources locales par des acteurs externes.

B. Les tensions liées à l’exploitation des ressources

Exploitation des ressources et domination politique et économique ont toujours été liées, depuis les mines d’argent des Grecs qui assurèrent leur prééminence en Méditerranée pendant plusieurs siècles jusqu’aux mines de charbon du XIXe qui ont permis la révolution industrielle en Europe du Nord.

Aujourd’hui, en devenant de plus en plus rares et menacées, les prix des matières premières s’envolent, et leurs acquisitions se font au prix de négociations serrées. Des contrats sont signés entre des pays en développement, qui possèdent les richesses convoitées, et des multinationales occidentales qui apportent les techniques d’exploitation et de transformation.

Ces accords économiques autorisant l’exploitation étrangère se font souvent au détriment des populations locales, qui n’en voient pas les retombées économiques mais en subissent de plein fouet les désagréments. Ceux-ci vont de la défiguration du paysage aux catastrophes écologiques, en passant par le déplacement de populations. La tristement célèbre déforestation de la forêt amazonienne en est le parfait exemple.

Ces situations injustes sont propices à l’apparition de foyers de contestation. C’est le cas par exemple au Niger, où l’exploitation de l’uranium par Areva est contestée par les populations locales, qui dénoncent une dégradation de l’environnement due à l’exploitation d’une matière radioactive, tandis qu’elles ne sont pas associées aux bénéfices gigantesques générés par ce commerce, négocié à 900 km de là, dans la capitale Niamey. Il en va de même au Nigeria où la découverte et l’exploitation étrangère de pétrole dans le delta du Niger ont entraîné l’apparition de milices civiles qui détruisent à coup d’explosifs les puits, rançonnent les populations et maintiennent la région en situation d’insécurité chronique.

Dans les pays en voie de développement, la découverte de richesses naturelles n’est donc pas toujours une chance. En attirant les investisseurs étrangers du monde entier, les convoitises apparaissent et des tensions dont les populations civiles sont les premières victimes naissent.

Les ressources naturelles sont source de tensions au niveau local, mais aussi supranational, puisque la lutte pour le contrôle des matières premières peut entrainer des conflits armés entre deux, voir plusieurs états.

C. Ressources, états et conflits armés

Les ressources naturelles, inégalement dispersées dans le monde, ne se soucient pas des frontières, ces barrières invisibles instaurées par l’homme. Cette répartition disparate entraîne des dissensions entre Etats quant au contrôle des ressources, pouvant entraîner pressions diplomatiques, guerres et autres formes de désaccords.

Le Nil, traverse une dizaine d’Etats et fait vivre, plus ou moins directement, près de 123 millions de personnes. Pourtant, l’exploitation de sa ressource hydraulique est clairement inégale, puisque 94% des eaux sont utilisées par l’Egypte et le Soudan. Lorsque l’Ethiopie, située en amont, a voulu utiliser l’eau du fleuve pour développer son potentiel hydro-électrique, l’Egypte s’est clairement opposée à ce projet qui aurait entraîné la perte de son contrôle sur le débit du Nil. En énonçant des menaces militaires, le pays des pyramides prouve qu’il n’aurait pas hésité à faire usage de la force pour garantir sa mainmise sur le contrôle du Nil. ( Hydro-politics in the Nile)

Si l’acquisition ou la protection des ressources naturelles est un élément décisif dans le déclenchement d’un conflit armé, ces dernières peuvent aussi devenir une arme à part entière. Leur caractère vital en fait un moyen de pression peu scrupuleux pour les pays qui les contrôlent, et qui maintiennent ainsi leurs ennemis sous leur joug.

L’exemple du conflit israélo-palestinien est à cet égard parlant. Au cœur des revendications, la répartition des terres et l’implantation de colonies cachent en fait bien d’autres enjeux, à commencer par celui de l’accès à l’eau. Le contraste est en effet frappant entre des colonies israéliennes pratiquant l’agriculture extensive et entretenant le culte de la villa avec jardin, et les territoires palestiniens qui n’ont pas accès à l’eau courante. Dans ces derniers, le manque d’eau et la pollution des nappes phréatiques rendent l’eau impropre à la consommation et entraînent l’apparition de maladies infectieuses.

La faute en incombe au réseau de distribution d’eau palestinien, obsolète, mais surtout à la stratégie militaire d’Israël qui considère les ressources hydriques comme un enjeu stratégique. L’Etat hébreu a ainsi décrété que le fleuve Jourdain, qui traverse la Cisjordanie, devait être protégé par une bande de sécurité de trois kilomètres interdite à tous Palestiniens. En maintenant la population palestinienne en situation de carence hydrique, Israël empêche son développement économique et affaiblit une population déjà éprouvée par 60 ans de conflits. (L’eau, un enjeu de santé publique dans les Territoires palestiniens)

D. L’impact des conflits sur l’environnement

Si les ressources naturelles sont un facteur déclencheur de conflits, surtout lorsqu’elles se font rares, les conflits ont eux aussi un impact sur l’environnement. Ils occasionnent des dégâts environnementaux directs et indirects qui menacent la santé, les moyens de subsistance et la sécurité des populations.

La présence de tensions sociales empêchent toute forme de concertation quant à une gestion intelligente des ressources : chacun les utilisent selon ses besoins, sans se soucier de leur épuisement. Quant aux conflits armés et violents, ils ont un impact particulièrement négatif. Dégradation du paysage, déplacement des populations, qui se retrouvent en surnombre dans des camps de réfugiés où les ressources sont insuffisantes, exploitation « sauvage » et non contrôlée des ressources, etc.

Un cycle de la violence se met alors en place : la raréfaction des ressources naturelles favorisent les conflits, qui accélèrent la dégradation de l’environnement, ce qui alimente les tensions. L’exemple de la Mer Morte illustre la corrélation réciproque existant entre conflits et environnement. Alimentée par le Jourdain, dont on a vu l’importance stratégique, elle est victime d’une pollution aux nitrates et d’un assèchement des marais environnants. Cette négligence environnementale est directement liée aux rivalités régionales entre Israël, les territoires palestiniens et la Jordanie, qui empêchent toute coopération dans la gestion de l’eau. (Ecologie politique et gestion durable de l’environnement : le cas de la mer Morte).

Il existe un lien fort et réciproque entre les ressources naturelles et les conflits, qu’ils soient armés, économiques, diplomatiques ou larvés. En effet, l’appropriation des ressources naturelles est souvent synonyme de survie pour les populations et de richesses pour les états et les entreprises. Indispensables à la vie humaine comme au développement économique, l’exploitation de ces ressources crée des conflits d’intérêts pouvant aller de joutes verbales aux violences armées. Heureusement, si l’intensité et les acteurs de ces conflits peuvent être extrêmement variés, les méthodes de résolution de ce type de conflit sont tout aussi nombreuses.

II. Méthodes de résolution des conflits liés aux ressources

La gestion des conflits est un processus non violent qui passe par le dialogue et la négociation. Prenant en compte la diversité des cas, les initiatives de résolution s’adaptent au contexte des conflits. Pourtant, à chaque fois et quelle que soit l’échelle géographique, le partenariat dans la gestion des ressources reste l’approche la plus efficace pour parvenir à régler pacifiquement une rivalité.

A. Les approches en partenariat dans la résolution de conflits locaux

Pour trouver la méthode de résolution la plus efficace, il faut d’abord bien comprendre les enjeux du conflit. On a vu que deux types de tensions prédominait au niveau local : ceux qui relèvent du partage, souvent inéquitable, d’une ressource particulière, et ceux qui résultent de contradictions entre les systèmes de gestion locaux et les systèmes d’exploitation introduits souvent par un acteur économique ou étatique, bref, « étranger » aux populations locales.

Chaque société a ses approches traditionnelles de résolution des conflits. Toutefois, il se peut que ces méthodes ne prennent pas en compte certaines catégories de personnes, comme les femmes ou les minorité, et maintiennent donc en place certains déséquilibres dans la répartition des pouvoirs et des ressources.

De nouvelles solutions pour mettre fin aux tensions ont été appliquées avec succès : il s’agit des approches en partenariat, qui font participer tout le monde au processus de pacification et qui ont pour but de trouver une issue qui ne désavantage personne. Se basant sur l’écoute, l’identification des besoins et la négociation, cette méthode permet de rétablir un partage équitable de ressources pour éviter les tensions issues de l’injustice sociale et de la pauvreté.

Un médiateur étranger au conflit est souvent nécessaire pour guider cette forme de processus. Il peut aider les différentes parties à trouver une solution, mais ne dispose pas de l’autorité nécessaire pour imposer son propre point de vue. En Afrique, la PROPAC (Plateforme régionale des organisations paysannes d’Afrique Centrale), regroupant des organisations paysannes de 11 pays, a formé ses élus aux méthodes de médiation. Pendant trois semaines à Yaoundé, les participants se sont prêtés à des mises en situation et ont appris à accompagner les parties antagonistes tout en restant neutres, afin qu’elles trouvent par elles-mêmes les solutions. Les agriculteurs africains ont bien compris que les dissensions concernant le partage des ressources ne pouvait que freiner le développement local. (La médiation en Afrique, un outil au service de la lutte contre la pauvreté)

La participation des populations à la résolution de conflits est donc une méthode efficace. Les paysans du fleuve Sénégal ont ainsi été impliqués dans le programme de résolution des tensions liées à une exploitation dispersée de l’eau, mené par le CEMAGREF (Centre national de la machinerie agricole, du génie rural, des eaux et forêts). Si les chercheurs ont mis au point un système informatique pointu permettant de recréer des scénarios recréant les conflits locaux, ils n’ont pas oubliés de faire participer les habitants à toutes les étapes de la simulation, notamment par le biais de jeux de rôles. L’investissement des populations dans la recherche de solutions équitables permet alors de poser les bases d’un dialogue ouvrant la voie à une concertation dans la gestion des ressources. (Favoriser un partage rationnel de l’eau entre agriculteurs articulant informatique et ingénierie hydraulique : l’exemple du fleuve Sénégal).

B. Un partage équitable pour une société apaisée

La résolution des conflits liés à une utilisation commerciale ou privée des ressources locales est un peu plus délicate. Ces derniers apparaissent quand les populations ne sont pas intéressées dans l’exploitation des ressources mais en subissent les désagréments, surtout lorsque celle-ci est menée par des multinationales peu scrupuleuses.

Les solutions résident dans une prise de conscience des entreprises, qui doivent intégrer les populations locales et leurs besoins dans les stratégies d’implantation, et exercer une exploitation durable des ressources, afin de ne pas appauvrir un territoire qui ne leur appartient pas. La mise en place d’espace de démocratie locale et de planification participative peut aider les habitants à s’investir dans cette activité commerciale, et ainsi apaiser les tensions issues d’un sentiment d’injustice.

La solution la plus pertinente reste encore de lutter contre la pauvreté, principal vecteur de la violence, en offrant aux populations des débouchés. Au Kivu, l’ONG Adikivu s’investit dans l’achat de terres agricoles, un bien devenu rare, afin de les proposer à crédit aux jeunes paysans qui en sont privés. Elle donne ainsi les moyens à la population civile de gagner honnêtement sa vie, sans avoir besoin de s’enrôler dans les milices armées. En favorisant la coopération avec les paysans burundais et rwandais, elle a même réussie à créer des passerelles de paix entre des pays en conflit. (Expérience du CCFD de l’ONG Adikivu dans la construction de la paix au Kivu et dans la région des Grands Lacs)

Une gestion et un partage équitable des ressources naturelles sont donc les deux éléments fondamentaux pour résoudre ces conflits. La création d’espaces de concertation et de méthodes de négociation permettent donc d’enrayer la pauvreté et de mettre en place une exploitation responsable et optimisée des ressources.

C. La coopération pour résoudre les conflits entre états

Comme on l’a vu plus haut, les ressources naturelles peuvent être source d’opposition entre différents états. Si le recours à a coercition et à la force semble être l’option la plus facile, cette solution est peu constructive et porte en elle les germes de futurs conflits.

Encore une fois, la résolution durable d’antagonismes liés à la gestion des ressources naturelles fait appel à la coopération des parties en conflit afin de trouver une issue équitable pour tous, et durable pour la planète. Les moyens sont nombreux pour favoriser le dialogue et la réflexion : création de commissions, placées sous l’égide la communauté internationale qui joue à son tour le rôle de médiateur, rédiger des lois, adopter des programmes, etc.

Ainsi, les tensions concernant le partage des eaux du Nil n’ont pas aboutit à des interventions militaires, car les pays concernés ont entamé un processus de concertation qui a finalement aboutit à une politique de protection de la ressource hydrique et de collaboration en matière de prévention des conflits. Des structures de coopération, comme le Nile Basin Initiative (NBI), regroupant les ministres de tous les pays traversés par le Nil, ont établit un dialogue et un climat de confiance qui a permis de mettre un terme aux dissensions, et de mettre en avant des préoccupations communes concernant la pollution des eaux. (Hydro-politics in the Nile)

La violence et les affrontements trouvent dans les inégalités sociales et la pauvreté un terreau fertile. Une mauvaise distribution des ressources naturelles favorise le sentiment d’inégalité, et donc l’apparition de conflits. Pour les résoudre de manière non-violente, la médiation, le dialogue, la mise en place de règlements justes et raisonnées ou les échanges de savoir-faire font participer les différentes factions et leur apporte une solution équitable sans que personne ne se sente lésé.

Les ressources de la planète tendant à diminuer suite à leur exploitation outrancière ces cinquante dernières années, ces méthodes de résolution des conflits sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important. Toutefois, plutôt que de réconcilier, mieux vaut dès aujourd’hui mettre en œuvre une stratégie pour éviter les conflits de demain.

III. Prévenir aujourd’hui les conflits de demain

Selon le PNUE, les conflits ayant un lien avec les ressources naturelles ont deux fois plus de chance de reprendre dans les cinq premières années de paix. Il faut donc installer une politique à multiples échelles pour prévenir la raréfaction des ressources naturelles, source de tensions futures, et sensibiliser la communauté internationale –dirigeants, populations, entreprises- pour limiter les conflits qui ne manqueront pas d’apparaître dans les prochaines décennies.

A. Protéger les ressources

La pression démographique mondiale, la mauvaise gestion des ressources menant au gaspillage ainsi que la pollution généralisée de la planète pose le problème d’une demande toujours plus forte confrontée à des ressources de plus en plus limitées. La protection de la planète trouve aujourd’hui un écho au sein de la communauté internationale, qui a compris la nécessité de préserver les richesses de la terre et de les exploiter durablement, c’est-à-dire sans conséquences néfastes pour les générations futures.

De nombreux projets naissent aujourd’hui dans le but d’optimiser l’utilisation de ces ressources et de trouver d’autres solutions. En Afrique de l’Ouest, où les problèmes liés à l’eau sont très courants, les initiatives locales en matière de gestion de l’eau sont appuyées par l’organisation française PS-eau, qui porte les micros projets des populations malienne, sénégalaise et mauritanienne. L’objectif est d’améliorer les systèmes de production paysanne pour valoriser de façon durable cette ressource naturelle et mettre en place en gestion durable et un partage équitable de l’eau. L’organisation apporte un appui technique, financier et humain aux projets proposés, et diffuse des informations concernant la préservation de cette ressource vitale. (PS-Eau, des médiateurs à l’écoute de l’Afrique→ approche locale d’appui, pas d’idées imposées)

Outre la mise en place de plus en plus généralisée d’une utilisation intelligente des ressources environnementales, la recherche de nouvelles ressources permet de préserver celles qui ont été trop entamées. Ainsi, L’IRCSA (International rainwater catchment systems association) a mis en place un système de collecte d’eau de pluie par de grosses citernes en ferrociment. Cette stratégie vise à éviter les litiges concernant les propriétés où se trouvent les points d’accès à l’eau, mais aussi à préserver les nappes phréatiques vides des régions en situation de stress hydrique. Bien que séduisante, cette technique se heurte aux problèmes de pollution des eaux de pluie, contaminées par les pesticides agricoles qui les rendent acides. (L’IRCSA : les moissonneurs d’eau)

B. La prise de conscience des populations locales

Premières touchées par la pénurie et la dégradation des ressources naturelles, les populations civiles commencent à s’organiser pour faire face à l’exploitation non raisonnée des ressources dont elles dépendent. L’état du Kerala, en Inde, offre à cet égard un double exemple de développement de mobilisations locales résistant aux logiques commerciales d’une économie mondialisée peu soucieuse de la préservation des ressources.

Les projets d’infrastructures hydrauliques que l’ADB, l’Asian Development Bank, a mené dans plusieurs villes indiennes se sont heurtés à des problèmes de construction, engouffrant des sommes énormes et menant à la privatisation progressive de la distribution d’eau dans les six plus grands centres urbains. Pour éviter le même écueil, la population du Kerala, appuyée par le Conseil de l’état, s’est mobilisée pour empêcher l’ouverture d’un nouveau chantier de l’ABD. La société civile est en droit de s’opposer à toute initiative qu’elle juge néfaste pour la préservation et l’accès aux ressources naturelles dont elle dispose. Elle devient ainsi une force d’opposition et de proposition face aux logiques financières des multinationales. (Kerala anti-ADB campaign gain support from outside)

Toujours au Kerala, les éleveurs d’une espèce de chèvres locale ont vu leurs maigres revenus diminuer à cause de frais d’assurance du bétail trop élevés et trop contraignants. Pour pallier à cette perte de revenus, les paysans ont décidé de renforcer leurs capacités locales en créant leur propre compagnie d’assurance communautaire. Cette initiative leur permet d’être remboursé plus vite, de gérer de façon plus intelligente et durable les stocks de chèvres, d’augmenter leurs revenus et d’endiguer la pauvreté et la malnutrition qui sévissent dans la région. (Empowerment for sustainability)

Ainsi, les projets locaux permettent à petite échelle de renforcer la préservation des ressources naturelles et d’en faire meilleur usage. Mais c’est au niveau international qu’il faut œuvrer pour une politique concertée de gestion des ressources.

C. Sensibiliser la communauté internationale

Sensibiliser la communauté internationale signifie impliquer les dirigeants, les entreprises et la société civile dans la mise en place d’une gestion durable des richesses naturelles. Cette campagne d’information doit se traduire par la multiplication des actions de communication et par la création de mouvements supranationaux portant les valeurs du développement durable.

Elle peut aussi bien consister en festivals audiovisuels, comme en Inde où le Vibgyor film festival a projeté des documentaires ayant trait à la préservation de l’eau (Vibgyor film Festival), qu’en actions de sensibilisation spectaculaires pour alerter la communauté internationale sur les problèmes environnementaux, comme le fait l’ONG Greenpeace dans sa lutte contre la chasse à la baleine.

Preuve que les entreprises se responsabilisent peu à peu, certaines n’hésitent plus à afficher une orientation « durable et responsable ». Mais est-ce une réelle volonté ou une politique de communication surfant sur la vague verte actuelle ? Toujours est-il que des structures privées s’investissent aujourd’hui dans l’humanitaire aux côtés des ONG, à l’instar de Vivendi environnement. Cette dernière intervient dans les zones sinistrées par des conflits ou des catastrophes naturelles, et met gratuitement son savoir-faire technique au profit de la réhabilitation des structures de distribution d’eau. (Les actions partenariales de Vivendi environnement dans le domaine de l’eau) L’implication des entreprises dans la préservation de l’environnement doit être encouragée, car ce sont les premières responsables de l’exploitation inconsidérée des richesses naturelles.

Enfin, des mouvements internationaux qui mettent la préservation de la planète au centre de leurs revendications se renforcent autour de valeurs et d’actions communes. La Charte de la Terre, lancée en 2000 et supervisée par les Nations Unies, constitue un socle international pour construire un monde durable fondé sur le respect de la nature, des droits de l’homme et une culture de paix. (Une initiative pour l’élaboration d’une charte éthique commune à l’humanité « La Charte de la Terre)

La société civile doit donc arriver à se faire entendre pour implanter de façon pérenne les concepts de durabilité et de responsabilité dans les programmes de développement et les logiques financières des entreprises.

Conclusion

Aujourd’hui, l’exploitation responsable des richesses naturelles est devenue une priorité. Cependant, les règles de gestion durable des ressources naturelles en vigueur à travers le monde semblent encore insuffisantes pour enrayer le processus de dégradation de l’environnement. Les conflits liés aux ressources naturelles doivent donc être utilisés de façon positive pour arriver à inverser cette situation. En mettant en lumière les problèmes de gestion des ressources, il permet de les traiter et de mettre en place une exploitation durable et équitable.

Etant donnée la croissance démographique mondiale, il est probable que les conflits liés au contrôle des ressources naturelles s’intensifient dans les décennies à venir. Cette tendance va être renforcées par les conséquences possibles du réchauffement climatique sur l’accès à l’eau ou sur la sécurité alimentaire.

Les nouveaux termes de {« réfugiés climatiques », « éco-réfugiés » ou « réfugiés environnementaux » illustrent bien cette tendance de raréfaction des ressources nécessaires à la vie de l’homme et à son développement.}} Estimés à 150 millions d’ici la fin du siècle par l’ONU, ces grandes migrations vont à leur tour déclencher des tensions si l’on ne prévient pas dès maintenant les conséquences de la dégradation de l’environnement sur la société humaine.

Aujourd’hui, seul un quart des accords de paix prennent en compte ces problèmes environnementaux, conduisant ainsi au risque de voir les tensions se raviver et dégénérer en un véritable conflit.

Depuis la prévention jusqu’à la consolidation de la paix, il faut que davantage d’attention soit accordée à la gestion des ressources naturelles dans tous les aspects des opérations de résolution des conflits. L’investissement dans la gestion environnementale et la bonne gouvernance des ressources naturelles doit certes être une priorité pour les pays en situation de post-conflit, mais aussi pour toute la communauté internationale, qui se retrouvera bientôt en situation de pénurie des ressources essentielles à son développement.

Notes

  • Cette analyse a été réalisée à partir des fiches d’expériences suivantes :

    • Partage rationnel de l’eau grâce à l’informatique : le fleuve Sénégal.

    • Hydro-politics in the Nile.

    • PS-eau, des médiateurs à l’écoute de l’Afrique.

    • L’IRCSA : les moissonneurs d’eau.

    • Vibgyor film festival.

    • Les actions partenariales de Vivendi environnement dans le domaine de l’eau.

    • La iniciativa « carta de la tierra », un esfuerzo para promover una nueva mundial.

    • La médiation en Afrique, un outil au service de la lutte contre la pauvreté.

    • Kerala anti-ADB campaign gain support from outside.

    • Expérience du CCFD et de l’ONG Adikivu dansla construction de la paix au Kivu et dans la region des Grands Lacs.

    • Empowerment for sustainibility.

    • Ecologie politique et gestion durable de l’environnement : le cas de la Mer Morte.

    • Une initiative pour l’élaboration d’une charte éthique commune à l’humanité : la Charte de la Terre.