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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Paris, 2008

Relations et conflits dans les relations entre les Etats-Unis, le Venezuela et les pays de la Région Andine au début du 21ème siècle

Analyse des facteurs de construction de conflits à l’intérieur de la région andine ainsi qu’entre des pays andins et les Etats-Unis.

Mots clefs : Géopolitique et paix | La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Relations internationales et paix | Pétrole et paix | Gaz et paix | Etats-Unis | Venezuela

Introduction

Le Venezuela, est un pays dont l’histoire récente est marquée par une succession de régimes démocratiques, de tentatives de coups d’Etat et de dictatures. Colonie espagnole, le Venezuela se révolte dès le début du XIXe siècle. D’abord organisés par Miranda, ces soulèvements le sont ensuite par Bolivar, surnommé « el Libertador ». Ce dernier parvient à faire proclamer la république de Grande-Colombie qui rassemble la Nouvelle-Grenade, le Venezuela et l’Equateur. Cependant, la volonté de Bolivar d’unifier l’Amérique latine reste à la fois un échec et un rêve. La parenté idéologique entre Bolivar et le dirigeant actuel du Venezuela, Hugo Chavez, semble évidente. En effet, Hugo Chavez a décidé de rebaptiser la République du Venezuela en « République Bolivarienne du Venezuela ». De la même manière, Hugo Chavez entend exporter sa révolution bolivarienne et unifier l’Amérique latine. Hugo Chavez se pose en héritier de Simon Bolivar et les références au bolivarisme apparaissent comme un véritable leitmotiv de son action politique.

La personnalité du leader vénézuélien est au centre des rivalités entre les Etats-Unis et le Venezuela. Elle cristallise l’attention des Etatsuniens de manière accrue surtout depuis qu’il tempête de manière ouverte contre Washington qui voit son influence diminuer dans la région, et ce, d’années en années. On pourra expliquer ce phénomène par plusieurs faits :

  • L’alliance et le ralliement non dissimulés de plusieurs Etats d’Amérique du Sud aux opinions de Chavez ;

  • La perte d’influence des grandes multinationales du pétrole nord-américaines, etc.

En partant de cet état de fait, cet article est axé sur trois axes, en tant que facteurs de premier ordre de construction de conflits à l’intérieur de la région andine ainsi qu’entre des pays andins et les Etats-Unis.

  • Le premier facteur concerne les oppositions politiques, tenant d’une guerre idéologique se jouant en coulisses.

Le deuxième facteur concerne la question des hydrocarbures, de leur gestion et des enjeux qu’elle représente.

Enfin, le troisième facteur concerne les problèmes du trafic de drogue et des guérillas, et par là les éventuelles connexions entre le pouvoir en place et ces deux problématiques, elles-mêmes souvent liées l’une à l’autre.

I. Les oppositions politiques, facteurs de conflit entre la région andine et les Etats-Unis

Ce qu’on appelle « la région andine », au singulier, est en effet un puzzle politique rapproché par des éléments communs mais aussi séparé par de multiples diversités.

Pour faire simple, il est possible de dire par exemple qu’actuellement, la Colombie et les Etats-Unis forment un groupe que l’on peut situer politiquement à droite de manière à simplifier l’analyse. Le Venezuela et la Bolivie formeront le deuxième groupe, situé, lui, à gauche. Ces derniers sont les héritiers d’une pensée politique socialiste, tournée vers un Etat centralisé et fort, gérant les ressources et les richesses du pays dans une dynamique de redistribution des richesses issues des ressources énergétiques, plus que de production de richesses. Rappelons que, selon lui, Chavez se situe également dans la droite ligne de Simón Bolivar. Ces Etats ne supportent pas ce qu’ils appellent l’impérialisme américain. Ce dernier le leur rend bien.

En même temps, les Etats-Unis perpétuent une tradition de présence forte et d’influence dans la région andine et ont pour habitude d’être aux affaires par l’intermédiaire de nombreuses firmes, pétrolières notamment. On peut constater aussi que les Etats-Unis tentent d’imposer une certaine vision de l’Amérique latine, d’un point de vue politique.

Cette vision de la politique étrangère des Etats-Unis dans la région andine est à l’origine de la contestation montante dont ils sont la cible. Ils cristallisent autour d’eux une véritable rancœur qui n’a d’égale que les sentiments ambigus que l’on porte au colonisateur. On est là dans une configuration où la place de la souveraineté nationale était jusque là mise à mal par l’aptitude évidente des Etats-Unis à imposer leurs structures, voire à imposer le pouvoir en place.

En effet, de par leurs nombreuses agences gouvernementales (ambassades, DEA, CIA, NSA) et leurs nombreuses structures externes (organisations diverses de type ONG ou sociétés privées), les Etats-Unis tentent de s’imposer en appliquant une sorte d’ingérence politique. Il se produit de nombreux espionnages et les Etats-Unis soutiennent bien souvent les oppositions voire les rébellions. Le cas le plus représentatif actuellement est celui de la Colombie du Président Uribe, qui devient une véritable interface américaine dans la région. Toutefois, si le pouvoir en place en Colombie est favorable aux Etatsuniens, la guérilla, force non négligeable dans le pays, se dit totalement contre.

C’est à ce « néo-colonialisme » ou « impérialisme » que répondent Chavez et ses alliés. On assiste à des discours très agressifs entre les différents partis. Cette virulence dans les rapports et donc dans les mots semble proportionnelle à la force qu’ont appliqué les Etats-Unis à contraindre ces états d’Amérique du Sud.

II. La gestion des hydrocarbures, facteur de conflit entre la région andine et les Etats-Unis

Il n’est d’aucun intérêt pour les Etats-Unis de voir les gouvernements des pays d’Amérique Latine passer à gauche les uns après les autres. On pense ici à des intérêts économiques évidents liés à la gestion des hydrocarbures.

Pour ce qui est du Venezuela, il semblerait que l’attitude adoptée par le gouvernement soit la résultante de son histoire. La découverte dans les années 1920 de champs pétrolifères d’une importance capitale au Venezuela, puis l’exploitation massive de ces ressources, ont provoqué un radical passage d’une société agraire à une société industrialisée en moins de 20 ans. L’installation de compagnies pétrolières américaines dans le pays a été très importante (notamment Shell). Ces compagnies instaurent une certaine mainmise sur les ressources. Une mauvaise gestion de l’exploitation pétrolière durant des décennies amena un gaspillage gigantesque. L’ingérence permanente des Etats-Unis dans les affaires politiques intérieures à partir de cette époque et encore aujourd’hui influence l’histoire du Venezuela tout au long du 21ème siècle.

Lors de l’arrivée de Chavez au pouvoir, sa politique à prétention bolivarienne et anticapitaliste l’amena à concentrer le pouvoir et à museler l’opposition qui reste jusqu’alors la victime d’un véritable jeu de dupes. Ce qui mena dans une certaine mesure à l’éviction de nombreuses compagnies pétrolières américaines du sol vénézuélien.

Sous couvert de défense des droits fondamentaux, de la liberté de la presse, de développement des valeurs démocratiques (à travers USAID, l’OIT ou encore l’ITI), le gouvernement américain tend à déstabiliser le régime afin de récupérer cette manne pétrolière dont il pourrait profiter.

Le Venezuela détient donc les plus grosses réserves pétrolières d’Amérique du Sud, et la Bolivie les plus grosses réserves de gaz.

Ceci représente un intérêt économique évident pour les Etats-Unis qui ont du mal à accepter que ces Etats aient le monopole sur leurs propres richesses. Les Etats-Unis veulent leur part du gâteau. D’autant que de telles réserves à leurs portes représentent une véritable aubaine afin de fournir un pétrole bon marché à la population américaine. De plus, et détail néanmoins important, les Etats-Unis dépendent en grande partie des hydrocarbures vénézuéliens et boliviens, afin d’assurer leurs besoins colossaux en pétrole et en gaz. Or le Venezuela, de par son statut de membre de l’OPEP, fait d’ores et déjà des tarifs préférentiels à ses voisins alliés, ce qui n’est pas sans déplaire à Washington.

Ceci explique les tentatives d’ingérence politique que les Etats-Unis tentent d’instaurer dans ces pays. Prenons, pour exemple, la Bolivie, Septembre 2008. Lors de heurts entre opposition et partisans du pouvoir (qui auraient fait huit morts dans la région de Santa Cruz), dû au référendum sur l’autonomie de la région, les partisans de Evo Morales, président de la Bolivie, ont accusé les autonomistes (descendants de colons blancs) de vouloir s’accaparer les richesses du sous-sol (gaz notamment) pour les offrir à des multinationales étrangères. Ceci est en totale contradiction avec la politique de nationalisation des entreprises d’extraction du gaz et de redistribution aux populations du président Morales.

Résultat, Evo Morales a expulsé l’ambassadeur Etatsunien mi-septembre 2008 en prétextant que les Etats-Unis ont délibérément fomenté la révolte en la finançant et en orchestrant le tout en coulisses.

Le président du Venezuela, Hugo Chavez, a à son tour expulsé l’ambassadeur Etatsunien par « solidarité » avec le président Morales. Il déclare en direct à la télévision: « Yankees de merde, allez vous faire voir ! ».

La problématique des hydrocarbures est une donnée des plus importante dans l’analyse des problèmes de relations politiques entre les Etats-Unis et le Venezuela.

III. Le narcotrafic, facteur de conflit entre la région andine et les Etats-Unis

Le troisième point d’opposition serait le narcotrafic. En Colombie, les guérillas marxistes s’appuient, entre autres, sur le trafic de drogues pour s’autofinancer. Repoussées années après années par les groupes paramilitaires d’extrême droite et l’armée, ces groupes stationnent occasionnellement sur le territoire vénézuélien pour reprendre des forces, afin de repartir en guérilla. La première victime du narcotrafic est les Etats-Unis d’Amérique. Cela pousse les services de la DEA, de la CIA ou encore de la NSA à envoyer de nombreux agents sur le terrain afin de combattre directement les narcotrafiquants. Il arrive alors, parfois, que les opérations conjointes avec l’armée régulière colombienne débordent sur le territoire vénézuélien, créant de vives tensions frontalières entre les deux pays.

Ainsi, le Venezuela est bien souvent montré du doigt par les Etats-Unis et la Colombie comme étant le nouveau repaire des narcotrafiquants et des guérilleros colombiens. Il existerait, selon les autorités américaines et colombiennes, des liens directs entre le président Hugo Chavez et les groupes de guérillas et le narcotrafic. Il existe même des thèses prétendant que Chavez touche lui-même des revenus occultes de la drogue. On peut présumer de la légèreté de ces accusations, même s’il est vrai que Chavez n’est pas totalement étranger à toute implication dans son passé. Néanmoins, on peut douter de la véracité de ces accusations.

Il est vrai que le président Vénézuélien a des contacts avec les FARC notamment par l’intermédiaire de son ancien ministre de l’Intérieur Ramon Rodriguez Chacin.

Il n’existe par contre aucune preuve reconnue du rôle impliqué de Chavez dans le trafic d’armes et de drogues, hormis celles des Etats-Unis et de la Colombie, que l’on peut remettre en question de par leur provenance même.

A niveau de la drogue, les Etats-Unis accusent le Venezuela d’être devenu la plaque tournante de la drogue dans la région, notamment pour la cocaïne de Colombie, aujourd’hui premier producteur mondial de cette substance.

La demande de visite quasi-imposée par le chef de la DEA a été refusée par le Venezuela. C’est là aussi une reprise en main du dialogue par le Venezuela qui compte bien reprendre du terrain sur ces questions. On notera que le président boliviens Evo Morales a dépénalisé la culture de la coca dans son pays (à hauteur de 1600 m² par famille).

Conclusion

On constate, en ce début du 21ème siècle, un recul significatif de l’influence des Etats-Unis dans cette région du monde, si proche d’eux, et autrefois leur chasse gardée. Le Venezuela semble être aujourd’hui, par l’intermédiaire de son charismatique chef d’état Hugo Chavez, le fer de lance de la contestation antiaméricaine sur le sous-continent. Et il semble que le personnage s’installera durablement dans le paysage politique sud-américain. Il restera donc encore un certain temps comme une épine dans le pied des américains. D’autans plus que la Bolivie, puis l’Equateur semblent vouloir s’opposer de plus en plus aux Etats-Unis et au rôle qu’il souhaite jouer dans la région, ou au mieux, il cherchent à s’en affranchir.

Cependant, on assiste à une nouvelle stratégie des Américains, qui semblent non plus s’atteler à diriger le Venezuela en sous-main, mais plutôt à l’isoler politiquement, en déléguant à la Colombie, et à son Président Uribe, le soin de faire face aux conflictualités régionales, afin de répondre aux immenses défis posés par son rôle de gendarme du monde et par les guerres dans une autre région du monde : la Moyen Orient et l’Asie Centrale, aussi stratégique, notamment concernant les ressources énergétiques.

Notes

  • Auteurs de la fiche : Nary RASOLONJATOBO, Benoit SIMON, Emelyne MAS, Thibaud JULIEN, Thomas IDDOU, Aymeric DUPREY.