Jean-Marie COLLIN, Michel DRAIN, Bernard NORLAIN, Paul QUILES, France, July 2015
Les neuf puissances nucléaires
En 2015, l’arsenal nucléaire mondial est d’environ 16 300 armes nucléaires, que se répartissent neuf puissances nucléaires : États-Unis, Russie, France, Chine, Royaume-Uni, Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord.
Keywords: Désarmement nucléaire pour la paix | United States | Russia | France | China | England | Israel | India | Pakistan | Korea, North
Depuis la production et l’essai de la première bombe atomique le 16 juillet 1945 par les États-Unis dans le désert d’Alamogordo, ce sont au total plus de 125 000 ogives nucléaires qui ont été construites dans le monde. Au cours de la Guerre froide, le pic nucléaire, c’est-à-dire la période où l’arsenal mondial fut le plus important, fut atteint en 1986, avec un total de 70 000 ogives.
Aujourd’hui, en 2015, l’arsenal nucléaire mondial est d’environ 16 300 armes nucléaires, que se répartissent neuf puissances nucléaires : États-Unis, Russie, France, Chine, Royaume-Uni, Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord. Cet arsenal est situé sur 98 sites dans ces États, ainsi que sur le territoire de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Turquie (bases de l’OTAN). Environ 10 000 de ces armes sont dans les arsenaux militaires, le reste étant en attente de démantèlement. Enfin, sur ces 10 000 armes, 4 000 sont disponibles sur le plan opérationnel, dont 1 800 en état d’alerte et prêtes à l’emploi dans un délai extrêmement court. La Russie et les États-Unis possèdent 93 % de l’inventaire mondial.
La tendance actuelle pour les États-Unis, la Russie et, dans une moindre mesure, pour la France et le Royaume-Uni, est à la réduction de leur armement. Cette diminution devrait cependant être plus lente qu’au cours des deux dernières décennies. Quant à la Chine, au Pakistan, à l’Inde, à Israël et à la Corée du Nord, ils possèdent des stocks nucléaires minuscules en comparaison avec ceux des deux premières puissances.
Tous ces États poursuivent une politique de modernisation de leurs arsenaux et ces armes restent la base de leur conception de la sécurité nationale. Seuls la Chine, le Pakistan, l’Inde, Israël et la Corée du Nord ont engagé un processus d’augmentation de leurs arsenaux. Par exemple, l’arsenal chinois pourrait, d’ici la fin de la décennie, atteindre le même niveau que l’arsenal nucléaire de la France (300 ogives).
Malgré les différences de taille des arsenaux, chaque puissance nucléaire dispose d’un nombre d’ogives et de systèmes d’armes suffisant pour infliger d’énormes dégâts à tout adversaire, engendrant des conséquences humanitaires et climatiques catastrophiques sur l’ensemble de la planète.
Les États-Unis, la première puissance nucléaire
Au début des années 1990, l’arsenal des États-Unis était estimé à 22 000 armes nucléaires. Les différents traités bilatéraux de désarmement conclus avec la Russie ont permis, 25 ans plus tard, sa réduction de près de 60 %. Selon les chiffres dévoilés par l’administration américaine, on dénombre 6 970 armes nucléaires, qui se répartissent entre un arsenal de 4 670 ogives et un peu plus de 2 340 en attente de démantèlement au sein de l’usine Pantex au Texas. Le nombre d’ogives opérationnelles, c’est-à-dire, qui sont armées sur les bases et missiles et prêtes à l’emploi est de 1 930. Le reste (2740) est en réserve. Ainsi depuis 1945, les États-Unis ont fabriqué un total de 66 500 ogives et 59 400 ont été démantelées. L’arsenal américain est actuellement stocké sur 18 bases, dont 6 bases sur cinq territoires européens (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Turquie)
Sur la période 1940-1996, les États-Unis ont dépensé la somme de 5 800 milliards de dollars pour leur armement nucléaire. L’administration Obama prévoit une mise à niveau complète et une modernisation de tous les systèmes d’armes nucléaires : missiles, bombardiers, sous-marins, chasseurs-bombardiers, ogives, ainsi que les usines de production de plutonium et d’uranium. Ce plan va s’étendre sur les trois prochaines décennies, et engager 350 milliards de dépenses sur les dix prochaines années (le total sur trente ans pouvant atteindre le trillion de dollars selon des rapports indépendants).
L’armada nucléaire américaine est répartie entre les composantes nucléaires terrestre, aérienne et sous-marine :
-
440 missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) Minuteman III forment la composante terrestre. Ils sont dotés d’une ogive nucléaire de type W78 ou W87, d’une puissance de 335 et 300 kt respectivement. En raison du Traité New Start, une cinquantaine de ces missiles seront retirés entre 2010 et 2018 (de 450 à 400) et la capacité restante ne sera équipée que d’une seule ogive nucléaire pour parvenir à atteindre les objectifs indiqués dans ce Traité (voir fiche Start à SORT). Un programme de modernisation a été lancé pour pouvoir conserver ces missiles jusqu’en 2030. Cependant, même si ce n’est pas officiel, il semble que des programmes de développement d’un nouvel ICBM le Ground Based Strategic Deterrent (GBSD), seraient aussi en cours de réalisation pour remplacer le Minuteman III – capable de parcourir environ 10.700 km – avec un cout de 62 milliards d’euros pour 642 missiles. Cette force reste à un très haut degré d’alerte ; elle peut ainsi lancer ses missiles dans un délai très court (quinze minutes).
-
L’US Navy dispose actuellement de 14 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de classe Ohio, qui renferment 40 % de la force nucléaire américaine. Tous sont équipés de 24 soutes de lancement du missile Trident II D-5 (l’objectif étant de passer à 20 missiles embarqués d’ici à 2017, afin de ne pas dépasser 240 missiles sous-marins au total et ainsi satisfaire les engagements du New START). Le nombre d’ogives nucléaires par missile devrait décroître dans les années à venir, pour passer de 6 à 4 ogives W88 (455 kt) ou W76 (100 kt). Ces SNLE sont basés, pour huit d’entre eux, à Bangor, sur la façade pacifique des États-Unis et six sur Kings Bay et Norfolk, sur la façade atlantique. Ils ciblent la Chine, la Corée du Nord et la Russie. Une nouvelle série de 12 sous-marins, les SSBNX, devra être opérationnelle pour 2029, date du retrait programmé du plus ancien SNLE de cette classe. Le renouvellement coûtera aux alentours de 100 milliards de dollars, pour un coût moyen de 8,4 milliards par sous-marin. Par ailleurs, une importante flotte de 52 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de classes Los Angeles, Seawolf et Virginia sont chargés de la protection des SNLE et des 11 porte-avions américains. Depuis 1994, ces SNA ne sont plus équipés de missiles Tomahawk porteurs d’ogives nucléaires. Cependant, un redéploiement de ces armes sur ces sous-marins pourrait se faire en moins de trente jours.
-
À la différence des forces nucléaires terrestres et sous-marines, la force nucléaire aéroportée n’est plus en état d’alerte permanente depuis 1991. 94 appareils (B-52H et B-2A et prochainement des appareils à double capacité (F-15E, F-16, F-35 et PA-200) peuvent transporter des bombes et missiles de croisière et ont récemment effectué des exercices aux abords de la Russie.
Les États-Unis possèdent par ailleurs un arsenal de 500 armes nucléaires tactiques, dont 180 sont stationnées en Europe, dans cinq pays membres de l’Alliance Atlantique (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Turquie).
L’ours nucléaire Russe
Depuis 1949, l’Union soviétique et la Russie ont produit quelques 55 000 ogives nucléaires. La Russie est au milieu d’une transformation majeure de son arsenal impliquant une diminution de la quantité de son armement et de ses systèmes pour privilégier un arsenal plus moderne. Ceci se traduit par des mesures importantes dans la modernisation de ses forces nucléaires, comprenant la poursuite du développement et le déploiement de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM de type Topol-M), la construction de sous-marins (classe Borei) et le développement d’un nouveau bombardier stratégique. Ce sont ainsi 70 Md $ qui devraient être consacrés à ces composantes nucléaires lors de la prochaine décennie.
La Russie ne publie que très peu d’informations sur la taille de son arsenal. Mais sur la base des déclarations faites par des responsables russes, cet arsenal est évalué à 7 800 ogives, qui se répartissent entre 1 800 ogives stratégiques déployées au sein des bases militaires (ce nombre ayant augmenté de 200 en quelques années) et 700 en réserve, plus près de 2 000 ogives tactiques. A cela se rajoute 2 800 ogives en attente de démantèlement
La Russie déploie près de 307 missiles intercontinentaux au sein des Forces de missiles stratégiques. L’immense majorité des ICBM datant de l’époque soviétique sera retirée d’ici 2022. Malgré la modernisation et l’arrivé de nouveaux ICBM (par exemple SS-27 Mod. 2 ou RS-28), leur nombre devrait atteindre entre 220 et 250 vers 2020. En raison d’un moins grand nombre de missiles en comparaison avec les ICBM américains, les missiles russes sont majoritairement mirvés, c’est-à-dire qu’ils comportent plusieurs ogives, toutes indépendantes les unes des autres.
La flotte des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins russe s’est réduite comme peau de chagrin au fil des années. Sur 62 SNLE en 1990, seuls 9 bâtiments sont actuellement en état de marche (3 Delta III, 6 Delta IV), répartis sur la Flotte du Pacifique et celle du Nord, plus les trois nouveaux SNLE de class Borei, dotés du nouveau missile Bulava (d’une portée de plus de 8 000 kilomètres et doté de 10 ogives) et qui viennent remplacer les Delta III, trop anciens. Au total, 8 SNLE de ce type doteront cette force d’ici 2020, chacun pouvant emporter un maximum de 16 missiles.
Les 57 bombardiers Tu-95 Bear (H6 et H16) et les 13 Tu-160 Blackjack forment la flotte de bombardiers stratégiques, qui transportent le missile de croisière Kh-55 et KH-15 , le nombre de Tu-95 étant probablement sur le point d’être réduit d’une dizaine avec le programme de modernisation aérienne qui coûtera 10 Md $. À l’inverse des SNLE qui requièrent la discrétion, les vols de ces appareils se multiplient pour être vus de tous. C’est dans cette optique que la Russie procède périodiquement à de nombreux exercices aériens. Les côtes d’Écosse, de Norvège, d’Islande, de France comme du Japon sont ainsi devenues des lieux de rencontre entre les bombardiers russes et les chasseurs de l’OTAN. Le déploiement russe le plus important s’est produit en octobre 2013, lorsque deux bombardiers Tu-160 ont réalisé un vol de la base aérienne d’Engels jusqu’au Venezuela et au Nicaragua.
La grande puissance de la Russie réside aussi dans ses forces nucléaires tactiques. Sur les 6 500 ogives opérationnelles en 1992, un peu moins d’un tiers (2000) seraient aujourd’hui actives, partagées entre les forces aériennes, les forces navales et les systèmes de défense antimissile. Ces armes sont destinées à être utilisées sur le champ de bataille. On les trouve principalement le long des frontières russes (occidentale et orientale), pour faire face à l’OTAN et à la Chine.
La France : Troisième puissance nucléaire du monde
Le 13 février 1960, l’essai nucléaire « Gerboise bleue » fait rentrer la France dans le cercle des puissances nucléaires. Multipliant les programmes d’armement nucléaire pendant la Guerre froide, la France a réussi à se hisser sur la troisième marche du podium mondial et dispose en 2013 du troisième plus important arsenal nucléaire du monde avec « moins de 300 ogives nucléaires », selon la formule consacrée.
Le niveau des forces actuelles est le résultat de la décision annoncée par le Président Sarkozy lors de son discours de Cherbourg le 21 mars 2008 de diminuer la taille de la force aéroportée.
Depuis l’abandon de la composante terrestre en 1996 (missiles du Plateau d’Albion), la force de dissuasion nucléaire de la France repose sur deux vecteurs : des sous-marins capables de lancer des missiles balistiques (c’est la force océanique stratégique) et des bombardiers porteurs de missiles de croisière (c’est la force aérienne stratégique).
La force océanique stratégique – FOST :
Cette force, basée à l’île Longue, est composée de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération : Le Triomphant (1997), Le Téméraire (1999), Le Vigilant (2004), Le Terrible (2010). Un SNLE-NG peut emporter un maximum de 16 missiles balistiques. Actuellement, la FOST compte deux types de missiles balistiques, les M45 et les M51, mais seul Le Terrible est équipé du M51 capable de parcourir jusqu’à 10 000 Km, selon le nombre d’ogives nucléaires emportées.
À ces SNLE-NG s’ajoute une force de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de classe Rubis : Rubis, Saphir, Casabianca, Émeraude, Améthyste} et Perle. Stationnés à Toulon, ces sous-marins ont pour mission de recueillir des renseignements, de faire de la lutte anti-sous-marine et antinavires au profit de la force d’action navale, de protéger les SNLE-NG et le porte-avions Charles de Gaulle, et d’exercer, si nécessaire, une certaine pression le long des côtes étrangères. Les SNA, qui sont propulsés par un réacteur nucléaire, ne transportent pas d’arme nucléaire, mais uniquement un armement conventionnel. Ils seront remplacés, à partir de 2017, par de nouveaux SNA de classe Suffren (ex-Barracuda). Ceux-ci seront dotés d’une capacité de frappe stratégique, en disposant de missiles de croisière navals, les Scalp, capables d’atteindre une cible à 1000 kilomètres.
La force aérienne stratégique – FAS :
Depuis 1964 avec les premiers bombardiers nucléaires (Mirage IVA), la FAS assure en permanence une alerte nucléaire. Le 21 mars 2008, le Président Sarkozy annonçait que, « pour la composante aéroportée, le nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions sera réduit d’un tiers ». Cette réduction est devenue effective en juillet 2011. La force aérienne ne compte donc plus que deux escadrons, depuis la fermeture de la base de Luxeuil :
-
À Saint-Dizier, l’escadron de chasse 1/91 «Gascogne», composé de 20 Rafale F3.
-
À Istres, l’escadron de chasse 02.004 «La Fayette», composé de 20 Mirage 2000NK3.
Ces appareils, à capacité dite duale, sont armés, depuis octobre 2009, du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée améliorée) d’une portée de 500 kilomètres. Celui-ci est doté de l’ogive TNA (tête nucléaire aéroportée) de 300 kt, qui a été, selon le CEA, « la première tête nucléaire au monde dont la sécurité et la fiabilité de fonctionnement auront été démontrées sans essais nucléaires, à l’aide du programme Simulation ».
La force aéronavale nucléaire – FANu :
Elle officie à partir du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, qui tient un rôle particulier dans la mise en œuvre de cette force, puisqu’il embarque la flotte de Rafale Marine F3. Le porte-avions est équipé d’une soute spécialement renforcée (tant pour les radiations pouvant être émises par les têtes nucléaires que pour faire face à un choc dû à une explosion) pour transporter les missiles ASMP-A. La FANu est composée de 10 Rafale Marine F3. Le porte-avions ne transporterait plus d’arme nucléaire en permanence. Ses missiles sont entreposés dans un dépôt-atelier de munitions spéciales de la base aérienne d’Istres.
Le Royaume-Uni – La plus petite puissance nucléaire officielle
Après avoir acquis le statut de puissance nucléaire en 1952, Londres décide de passer un accord avec Washington pour pérenniser sa force nucléaire. Connu sous le nom de 1958 Agreement Act, ce document assura au Royaume-Uni le transfert de technologies militaires nucléaires et la possibilité de tester ses armes sur le principal site américain du Nevada. Cet accord est encore aujourd’hui en vigueur, les États-Unis fournissant aux Britanniques les moyens techniques (missiles) et scientifiques (plan des ogives) de la Bombe. La deuxième particularité de l’arsenal nucléaire du Royaume-Uni est qu’il est le plus petit des arsenaux des puissances nucléaires, avec moins de 160 ogives nucléaires opérationnelles (pour un arsenal global de 225 ogives, l’objectif étant de descendre à 120 ogives opérationnelles vers 2025)) réparties – et c’est sa dernière particularité – au sein de son unique composante, sa force sous-marine. Si la dissuasion nucléaire est indépendante sur le plan décisionnel, elle n’est absolument pas autonome, car elle repose totalement sur la technologie américaine.
Sur le plan doctrinal, Londres a pris l’engagement de ne pas utiliser l’arme nucléaire en premier et de ne le faire qu’en cas d’attaque nucléaire. La posture nucléaire britannique ressemble en de nombreux points à celle de la France, notamment suite à la publication d’un récent document du ministère de la Défense britannique (The Future of the United Kingdom’s Nuclear Deterrent, 2006). La notion « d’intérêts vitaux » y apparaît pour la première fois.
Originellement, les forces britanniques disposaient d’une composante aérienne stratégique et tactique (constituée de bombardiers à court ou long rayon d’action). En mars 1998, l’arrivée du gouvernement travailliste donna lieu à une modification complète de la posture nucléaire britannique, avec pour conséquence la dissolution des huit escadrons nucléaires en août 1998. Cette décision était motivée par la volonté de donner un double rôle, stratégique et sub-stratégique, aux forces sous-marines. Seule composante nucléaire, la force sous-marine repose sur 4 SNLE de classe Vanguard, mis en service entre 1993 et 1999.
Chaque sous-marin peut emporter 16 missiles Trident II D-5 de conception américaine. Ces missiles sont stockés dans la base américaine de Kings Bay (en Floride) et peuvent être indifféremment déployés sur un sous-marin britannique ou américain. Certes, ils ont la capacité d’emporter jusqu’à 12 ogives nucléaires, sur le modèle américain W76 (100 kt), mais depuis l’adoption d’une stratégie dite sub-stratégique, il apparaît que les missiles ne sont pas pleins, mais seulement équipés de 8 ogives au maximum.
Les moyens et les missions de cette composante sous-marine sont basés sur la Strategic Defence Review établie en juillet 1998. Un seul SNLE est en patrouille, naviguant en état d’alerte réduit, avec à son bord un maximum de 40 ogives. Ses missiles n’ont pas de cibles prédéfinies. Leur délai de tir n’est plus de quelques minutes comme au temps de la Guerre froide, mais de quelques jours, une fois l’ordre de tir authentifié. Deux autres SNLE sont en entraînement dans des eaux voisines et peuvent être déployés dans un délai relativement court. Le quatrième SNLE est en opération de maintenance ; son déploiement, s’il était nécessaire, prendrait un temps important (plusieurs semaines). En décembre 2006, Tony Blair, alors Premier Ministre, a annoncé la mise en place d’un programme de remplacement et de continuité de la dissuasion britannique à l’horizon de la décennie 2030. Un programme de renouvèlement qui a été voté le 18 juillet 2016 à la chambre des communes.
La Royal Navy dispose également de 7 SNA type Trafalgar. Leur mission est d’escorter et de protéger les Vanguard. À partir de 2009, ces SNA seront progressivement remplacés par des SNA de classe Astute. Plus modernes, ils disposeront d’une capacité de frappe à terre avec l’emport de missiles Tomahawk.
Les forces sous-marines britanniques sont assignées aux forces de l’OTAN. Dans ce cadre, elles ont pour mission de défendre et de surveiller les côtes du Groenland, de l’Islande, et de la Grande-Bretagne, pour permettre aux sous-marins américains de naviguer dans des eaux proches de la Russie.
La puissance nucléaire chinoise
L’origine du programme nucléaire chinois se trouve dans les fondements de la création de la République Populaire de Chine (RPC). Sous Mao Zedong, la force nucléaire devait répondre à la volonté d’être une grande puissance mondiale dont la souveraineté et l’indépendance ne pourraient jamais être remises en cause.
Aujourd’hui, la Chine dispose d’une triade nucléaire en pleine expansion (missiles, bombardiers stratégiques, SNLE) et la question se pose de savoir si sa doctrine va devenir plus offensive dans la prochaine décennie, malgré une politique de dissuasion minimale et de politique de non emploi. La Chine est en effet la seule puissance nucléaire officielle qui augmente la taille de son arsenal et à ne pas avoir procédé à des mesures unilatérales de désarmement. La dimension exacte de son arsenal est difficile à estimer, mais généralement celui-ci est évalué à 260 armes nucléaires déployées, sachant que la taille de la réserve reste inconnue.
Composante nucléaire terrestre :
La Chine dispose approximativement de 140 missiles balistiques de différentes portées (DF-4, DF-21, DF-31, DF-31A), principalement installés sur des transporteurs-érecteurs-lanceurs, afin d’augmenter leur « survie » en cas d’attaque nucléaire. Seul le type DF-5A (13 000 Km de portée) serait dans des silos terrestres. Tous ces missiles n’emporteraient qu’une seule ogive nucléaire, mais la Chine a entretemps développé le type DF-5B, capable de transporter trois têtes nucléaires et d’une portée de 12.000 km. Ce missile semble être très clairement une réponse au projet de bouclier anti-missile américain dans la région. Un nouveau type de missile, le DF-26, de moyenne portée (4.000 km), a été dévoilé lors la parade militaire de 2015.
Le programme spatial a bénéficié des retombées technologiques résultant du développement des forces nucléaires (notamment des lanceurs civils). À ce titre, il faut noter que le 11 janvier 2007, la Chine a provoqué l’inquiétude de la communauté internationale en détruisant un satellite à 800 km d’altitude grâce à un missile DF-21.
Composante nucléaire aérienne :
C’est une composante quelque peu désuète. Elle repose sur des chasseurs bombardiers assez anciens et de moyenne portée (3000 Km) Hong-6, copie du bombardier soviétique Tu-16 Badger, datant des années 1950. Cette force de bombardiers stratégiques présente un effet « dissuasif » mineur et a surtout une signification symbolique. même si le Pentagone signale depuis 2016 son rôle potentiellement accru, avec l’importance nouvelle de l’Armée de Libération Populaire dans la stratégie de dissuasion.
Composante nucléaire sous-marine :
Le souci de survivre à une première attaque nucléaire a logiquement orienté l’effort principal vers le développement et la construction d’une force nucléaire sous-marine. Après de longs et laborieux essais, la Chine a lancé en 1987 son premier SNLE de classe Xia, doté de douze missiles Julang-1 (1700 km). Le projet d’un second submersible fut abandonné, tant les problèmes rencontrés sur le premier furent importants. Toutefois, le lancement de nouveaux SNLE de classe Jin (avec à son bord douze missiles Julang-2 d’une portée de 7 200 km) témoigne des ambitions navales de ce pays. Quatre SNLE seraient en service et un cinquième est en construction, donnant une capacité de frappe simultanée de 48 missiles (chacun équipé d’une ogive de 300 Kt). Deux autres seraient en cours construction.
La volonté de Pékin est désormais de parvenir à s’imposer en haute mer (Océan Pacifique) pour faire face aux États-Unis et à contrôler les différents accès à la mer de Chine pour isoler Taiwan. Il faut remarquer que jamais un SNLE chinois n’a encore pleinement exécuté une mission de dissuasion, montrant les grandes difficultés de cette composante, même si une première patrouille est prévue par le Pentagone pour 2016. Outre les SNLE, la Chine aligne cinq SNA de type Sang et Han, mis en service entre 1980 et 1991.
Modernisation des forces nucléaires :
Le programme de modernisation chinois considère comme nécessaire de maintenir un arsenal nucléaire « limité » et « efficace’’, ce qui passe par des recherches plus spécifiques sur la capacité de ‘’survie’’ de ses missiles stratégiques terrestres. La modernisation semble avoir pour but, dans un second temps, d’augmenter ses capacités nucléaires stratégiques en mer (c’est-à-dire sous-marine).
L’implantation d‘un bouclier anti-missile américain dans la zone du Pacifique pousse aussi la Chine à poursuivre cette modernisation générale, dans la mesure où elle craint qu’une défense antimissile américaine, même limitée, vienne neutraliser ses forces nucléaires. Certains officiels chinois plaident pour un niveau d’alerte accru des armes nucléaires, même si rien ne montre que le gouvernement chinois ait suivi ces conseils.
Israël, un arsenal nucléaire caché
Jamais l’État d’Israël n’a confirmé ouvertement être en possession d’un arsenal nucléaire. L’ambiguïté est ainsi devenue sa première arme de dissuasion, et ce, depuis 1963. Ygal Allon, ministre du Travail déclarait alors : « Israël ne sera pas le premier État à introduire des armes nucléaires au Moyen-Orient, mais il ne sera pas le deuxième non plus », une phrase devenue depuis le symbole de l’ambiguïté nucléaire israélienne.
L’État d’Israël n’est pas membre du TNP et, à ce titre, n’est donc pas considéré comme une puissance nucléaire officielle. A contrario, il n’enfreint aucune règle internationale puisque rien ne lui interdit de posséder un armement nucléaire, à la différence de l’Iran, par exemple, signataire du TNP en 1970. Selon les sources publiées par différents centres de recherche, Israël disposerait d’un arsenal de moins d’une centaine d’ogives, le nombre de 80 étant le plus fréquemment cité.
Composante nucléaire terrestre :
Grâce à la coopération technique avec la France (du milieu des années 1950 jusqu’en 1968), les États-Unis et l’Allemagne, Israël est parvenu à se doter d’une panoplie d’armes nucléaires (bombes A, H et à neutrons), de vecteurs nucléaires pouvant être utilisés sur un champ de bataille ou dans une posture de recours ultime. La création de l’arsenal nucléaire terrestre israélien coïncide avec la mise en place d’un programme de recherche de missiles balistiques. C’est la société française Dassault qui procura à Israël son premier missile (sol-sol) d’une portée de 500 km, rebaptisé Jericho. À partir de cette technologie, une seconde version améliorée sera fabriquée, le Jericho II (en une cinquantaine d’exemplaires). Ces deux missiles ont vu leur portée s’accroître respectivement à 1 200 km et 2 000 km. Israël accorde une attention particulière à la technologie balistique, d’où sa volonté de développer un programme spatial au début des années 1980. Il aboutit en 1988 avec le lancement de la fusée Shavit, qui n’est rien d’autre qu’un dérivé amélioré du Jericho II. Israël devient alors la première (et la seule) puissance spatiale du Proche et Moyen-Orient. Tout comme l’Inde, avec qui les relations sont très importantes en matière de coopération militaire, Israël a dorénavant une capacité intercontinentale. Un missile, Jericho-III, en cours de développement, devrait avoir une portée de 4 000 à 6 500 km.
Composante nucléaire aérienne :
L’armée de l’air israélienne est le premier porteur de la bombe. Composée de chasseurs bombardiers américains (F-16, F-15) à large rayon d’action (4 450 km), elle a déjà fait ses preuves à deux reprises, lors des opérations militaires préventives sur l’Irak (1981) et sur la Syrie (2007).
Composante nucléaire sous-marine :
En 2002 Israël atteint l’apogée de sa force nucléaire en se dotant d’une flotte nucléaire sous-marine. Cette acquisition bouleverse très largement les données stratégiques, non seulement pour Israël, mais aussi pour ses possibles adversaires. Cela signifie que tout comme les cinq puissances nucléaires officielles, Tel-Aviv dispose d’une capacité de frappe en second. Cette force est composée de cinq sous-marins (diesels-électriques) de classe Dolphin (Dolphin, Leviathan, Tekuma, Tanin, Rahav) fabriqués par les Allemands HDW et Thyssen. Un sixième exemplaire a été commandé et devrait être livré d’ici 2017. Les trois derniers sous-marins, disposant d’un système de propulsion anaérobie plus performant et moins bruyant. L’histoire de ce sous-marin n’est pas banale. De nombreux industriels allemands avaient fourni directement ou indirectement au régime de Saddam Hussein, sans l’aval de leur autorité, des composants pour fabriquer des armes chimiques et du matériel nécessaire à son programme nucléaire. Les vraies raisons n’ont jamais été explicitement données, mais comme pour se faire « pardonner », l’Allemagne a tout bonnement offert de financer intégralement les deux premiers sous-marins (640 millions de dollars) et de partager le financement du troisième (Tekuma). Chaque sous-marin est équipé de vingt et un tubes lance-torpilles modifiés pour pouvoir également emporter des missiles de croisière. Un flou existe quant à la nature de ce missile. Il pourrait être une version « navalisée » du missile de croisière américain Harpoon ou du missile Popeye de l’armée de l’air israélienne (dénommé « Popeye Turbo »), doté d’une capacité nucléaire. Ces trois sous-marins assurent une permanence complète à la mer (un en mer Rouge et dans le golfe Persique, un en Méditerranée, et un en maintenance). Israël a désormais la possibilité de viser en même temps l’Égypte, mais aussi le Pakistan, l’Iran, ou l’Arabie Saoudite. Le Pakistan, puissance nucléaire allié de Téhéran, se voit ainsi pris en étau entre l’Inde et Israël. La mise en place de cette triade stratégique est un tournant incontestable dans la politique nucléaire israélienne.
L’Inde est aussi une force nucléaire
Depuis son indépendance en 1947 l’Inde n’a cessé de vouloir s’émanciper dans tous les domaines (énergétique, militaire, spatial), et ce quel que soit le parti politique au pouvoir. Bénéficiant du programme Atoms for peace lancé par le président américain Eisenhower. L’Inde se dote de réacteurs nucléaires civils canadiens de type Candu (Canada Deutérium Uranium), capables de produire à la fois du plutonium et du tritium. L’acquisition de cette technologie lui permet de mettre en œuvre secrètement un programme militaire nucléaire. En 1964, la Chine (en guerre contre l’Inde depuis 1962) officialisa son entrée dans le monde nucléaire. Cet événement, auquel s’ajouta une troisième guerre successive avec le Pakistan en 1971, renforça la volonté du pays de disposer d’une force militaire nucléaire. Le 18 mai 1974, dix ans après le test chinois, l’Inde fit exploser un dispositif nucléaire dans le cadre d’un essai pacifique, devenant ainsi une puissance nucléaire non-officielle. Parallèlement l’Inde mit au point un programme spatial, lui permettant d’acquérir une maîtrise de la technologie balistique pour pouvoir déployer ses armes nucléaires. Après quarante années de clandestinité et de recherches secrètes, les 11 et 13 mai 1998, l’Inde a procédé à cinq essais nucléaires pour montrer à son rival pakistanais et au monde entier sa maîtrise du feu nucléaire.
L’arsenal nucléaire indien est difficile à évaluer, car il n’existe aucune donnée publique. L’estimation généralement retenue est de 160 ogives opérationnelles. Des projections futures font état d’une augmentation importante en raison de sa capacité de production de matières fissiles, assez pour monter jusqu’à 135 à 180 ogives nucléaires. L’Inde a toujours ouvertement clamé sa volonté d’œuvrer pour un monde sans arme nucléaire, indiquant également que sa doctrine d’emploi reposait sur une dissuasion minimale assortie d’une déclaration de non-emploi en premier et de non-emploi contre les pays non nucléaires signataires du TNP.
La force de dissuasion indienne repose sur les composantes terrestres et aériennes. Ces forces terrestres sont constituées d’une gamme de missiles à courte (Prithvi) et moyenne portées (Agni I et II), qui lui assurent une capacité de frappe en profondeur tant en Chine qu’au Pakistan (2 200 km pour Agni II). À l’avenir une version installée sur des lanceurs mobiles (sur rails ou sur camions) devrait être produite. Il est probable qu’une nouvelle version de l’Agni (III) dont la portée serait supérieure à 3 000 km soit opérationnelle depuis 2014, et que deux nouvelles générations, à plus longue portée, soient en cours de développement. Le programme spatial indien a fortement contribué à la création des différents missiles balistiques. L’Inde est devenue une puissance spatiale depuis le premier lancement réussi en 1999 de sa fusée Polar Space Launh Vehicle, lui permettant d’envisager la mise au point d’une force intercontinentale si besoin. Malgré cette technologie balistique, la force nucléaire indienne repose principalement sur sa composante aérienne qui rassemble de nombreux chasseurs-bombardiers capables d’emporter des charges nucléaires (Mig-27, Jaguar, Mirage 2000-H) et des bombardiers d’origine russe Tu-22M3, dont le rayon d’action est compris entre 5 000 et 7 000 km. Ils apporteront à l’Inde une capacité de pénétration importante dans le cadre d’un scénario de guerre régionale. Enfin il faut rajouter l’acquisition annoncée de 36 Rafale, qui très vraisemblablement auront une mission nucléaire.
L’Inde cherche surtout à affirmer sa puissance nucléaire en se dotant d’une composante nucléaire sous-marine. Pour acquérir le savoir faire de la conception et de l’usage d’un SNLE, l’Inde a noué différents partenariats avec la Russie. Entre 1987 et février 1991, New Dehli loua à Moscou un premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), entrant ainsi dans le club très fermé de ceux qui possèdent ce type de bâtiment de guerre. Un second contrat de location du même ordre fut signé en 2009 pour une durée de 10 ans. De plus la Russie a créé un centre de formation spécialement dédié aux sous-mariniers indiens (près de Saint-Pétersbourg) pour les entraîner à utiliser cette technologie. Dans le même temps, un sous-marin à propulsion nucléaire de type Advanced Technology Vessel (ATV), nommé INS Arihant, est opérationnel depuis 2014. Un second sous-marin de la série, qui pourrait aller jusqu’à trois, serait en cours de construction, et constituerait le fer de lance de cette triade nucléaire et qui permettra à New Delhi de faire jeu égal avec la Chine. Deux missiles sont développés pour armer ces plateformes maritimes, le Dhanush et le Sagarika, d’une très courte portée (350 et 700 km).
La force de dissuasion Pakistanaise
Peu de temps après la défaite humiliante subie face à l’Inde en 1971, Zulfikar Ali Bhutto, président du Pakistan, lance un programme de recherche nucléaire et annonce : « notre peuple aura sa bombe islamique, même s’il lui faut manger de l’herbe pour la financer ». Quarante années plus tard, le Pakistan dispose d’un arsenal nucléaire, acquis avec l’aide de la France. Paris lui fournira ainsi dans le plus grand secret une usine de retraitement de combustible irradié en 1976. La Chine apportera son aide sur les plans d’une bombe A et la Corée du Nord des plans de missiles. Mais c’est grâce à Abdul Qadeer Khan, scientifique pakistanais, qui déroba en 1976 les secrets de la technologie de l’uranium enrichi à Urenco (consortium nucléaire installé aux Pays-Bas), que véritablement le programme nucléaire de ce pays sera lancé de manière autonome.
Il faudra attendre les essais nucléaires indiens des 11 et 13 mai 1998 pour avoir la confirmation de la détention d’un arsenal nucléaire par Islamabad. Le Pakistan a, ces dernières années, considérablement augmenté son arsenal nucléaire, tant qualitativement que quantitativement. Cette force est passée de 70 à près de 110 ogives en une dizaine d’années, puis de 110 à 130 entre 2011 et 2015 démontrant une forte capacité de production de matière fissile. Ce nombre pourrait atteindre entre 220 et 250 d’ici à 2025, soit une capacité nucléaire supérieure à celle du géant indien, Islamabad n’a jamais caché qu’en cas d’attaque conventionnelle, son arsenal pourrait être utilisé en premier. Dans cette optique le Pakistan a développé une composante terrestre avec l’aide technique chinoise et nord-coréenne et une force aérienne.
Sa force nucléaire terrestre est principalement constituée de missiles nucléaires de courte portée (180 km pour le Abdali ou Hatf-2, 290 km pour le Ghaznavi ou Hatf-3, 750 km pour le Shaheen-1, Hatf-4 et 60 km pour le NASR ou Hatf-9) et de moyenne portée (1250 km pour le Ghauri ou Hatf-5 et 1500 km pour le Shaheen-2 ou Hatf-6). Les missiles NASR, pouvant transporter 4 têtes nucléaires, sont les plus controversés, car leur très courte portée laisse suggérer qu’ils peuvent être utilisés sur le champ de bataille, contre des troupes indiennes envahissant le pays. Deux nouveaux modèles, le Shaheen-1A avec 900 km et le Shaheen-3 avec 2750 km, devraient être opérationnels d’ici 2018, le dernier ayant pour objectif de pouvoir toucher tout le territoire indien. Tous ces missiles sont installés sur des lanceurs mobiles (une plate-forme ferroviaire pour le Shaheen), ce qui leur assure une certaine invulnérabilité. Contrairement à l’Inde, l’acquisition de missiles intercontinentaux n’est pas un objectif prioritaire. Le manque de savoir-faire technologique et l’inutilité de posséder de tels missiles – la capitale de l’Inde, l’adversaire principal, se trouve à moins de 500 kilomètres de ses frontières – en sont les deux raisons principales.
Un nouvel élément susceptible de rétablir l’équilibre de la terreur entre l’Inde et le Pakistan vient d’apparaître dans cet arsenal. Islamabad dispose désormais d’un missile de croisière, le Babur (qui signifie tigre). Il peut emporter toute sorte de charge (nucléaire comme conventionnelle) sur une distance de 350 km, en « volant au ras du sol et en évitant les radars ». De plus, il consolide la politique de défense pakistanaise en offrant la possibilité d’être tiré à partir de différentes plateformes terrestre, aériennes et navales. Cette capacité a été acquise avec l’aide du savoir-faire chinois, Pékin fournissant un modèle de son missile de croisière Hong-Niao, lui-même réalisé à partir du missile russe AS-15. Une nouvelle version, le Ra’ad (qui signifie Tonnerre) est en développement, même s’il est possible de penser que les deux versions connaissent des difficultés techniques. Le Pakistan s’intéresse aussi a une composante sous-marine pour augmenter sa capacité de second frappe.
Quant à la force nucléaire aérienne, elle est principalement composée d’une quarantaine d’appareils d’origine américaine, de type F-16A et F-16B. Cependant d’autres types de chasseurs-bombardiers pourraient être dotés d’une capacité à délivrer des bombes nucléaires (64 Mirages V, 60 A-5 d’origine chinoise). En raison du programme nucléaire clandestin découvert à la fin des années 1970, les États-Unis mirent un terme à leur coopération militaire avec le Pakistan. Ils refusèrent ainsi au nom de l’Amendement Pressler de vendre des chasseurs-bombardiers à capacité nucléaire, pourtant commandés et en partie payés par Islamabad. Mais en raison de la guerre contre le terrorisme et l’importance stratégique de cet État lors des opérations en Afghanistan, 18 appareils furent livrés en 2011, les autres devant l’être d’ici 2016, lui permettant d’afficher une forte capacité aérienne.
La Corée du Nord, la dernière des puissances nucléaires !
Qui aurait pensé au début du siècle voir la création d’une nouvelle puissance nucléaire, seulement huit ans après l’officialisation des puissances indiennes et pakistanaises ? La situation de la Corée du Nord, État totalitaire isolé du monde et des technologies modernes, semblait être un rempart suffisant à la prolifération. Les experts auraient cru que des pays comme la Libye, l’Irak ou l’Iran posséderaient cette arme avant la Corée. Certes, de multiples rapports faisaient état de mouvements suspects, de constructions d’infrastructures nucléaires dans les années 1980, mais de là à procéder à un test nucléaire, il y avait un pas que bien peu d’experts internationaux auraient franchi. Et pourtant, le 9 octobre 2006, la Corée du Nord est bien devenue la neuvième puissance nucléaire du monde !
L’histoire nucléaire de ce pays est intrinsèquement liée à celle de ses trois partenaires : l’Union soviétique, la Chine et le Pakistan, qui jouèrent le rôle de proliférateurs en lui vendant des connaissances et du matériel. Si des recherches sur le nucléaire civil ont été amorcées dès le milieu des années 1950, ce n’est qu’à la fin des années 1970 que le leader Kim Il Sung prit la décision de développer un programme d’armement nucléaire. Le site principal de recherche et de production de matériaux fissiles est construit à Yongbyon. Il comporte plus d’une centaine d’installations nucléaires, dont des réacteurs graphite gaz et une usine de retraitement du combustible irradié. Malgré son adhésion en 1985 au TNP, cet État ne va cesser de jouer au jeu du chat et de la souris pour parvenir à passer entre les mailles des contrôles de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique. Néanmoins un véritable espoir naît en 1992 avec la signature d’un accord de dénucléarisation totale de la péninsule coréenne. En échange, les Américains retirent leurs armes nucléaires tactiques stationnées en Corée du Sud et les deux Corées s’engagent à ne pas « tester, fabriquer, produire, recevoir, posséder, stocker, déployer ou utiliser des armes nucléaires ». Mais en 1993 un premier coup de semonce vient de la Corée du Nord qui annonce son retrait du TNP, puis en septembre 2002, celle-ci déclare ouvertement posséder un programme de développement d’arme nucléaire.
Il est légitime de penser que la Corée du Nord possède l’expertise et la technique nécessaires pour se munir d’un petit arsenal nucléaire d’une dizaine d’ogives au plus avec la réalisation de deux autres essais nucléaires en 2009 et 2013. Toute la question désormais est de savoir si cet État est parvenu à miniaturiser cette ogive pour en équiper son arsenal balistique. Longtemps demeuré ultra secret, le programme balistique militaire nord-coréen est une vaste entreprise qui a non seulement doté ce pays d’une panoplie de missiles, mais qui lui a également permis d’en retirer des devises étrangères via différents trafics (Pakistan, Libye, Iran, …). Son arsenal est constitué de missiles de différentes portées (Scud, No-dong,…), mais il y a une volonté précise de se doter d’une capacité intercontinentale pour pouvoir frapper le territoire américain, bien que cet objectif semble encore techniquement lointain. Ainsi le Taepo Dong-2 (3 500 à 6 000 km de portée) et Taepo Dong-3, sont en cours de développement et vraisemblablement opérationnelles vers 2020. Un nouvel essai a eu lieu le 6 Janvier 2016, dont la nature prétendument thermonucléaire (bombe à hydrogène) laisse sceptique les experts, mais a entraîné des sanctions inédites de la part de la communauté internationale. Et le 23 Avril 2016, Pyong Yang est parvenu à tirer un missile balistique depuis un sous-marin, sur une distance certes insuffisante pour le considérer comme réussi (30 km au lieu de 300), mais suffisante pour le prendre au sérieux. Sans nul doute, le vecteur balistique est donc l’arme qui portera en premier la bombe nord-coréenne, sa force aérienne étant en piteux état.