Fiche d’acteur Dossier : Le monde associatif chinois, moteur de la société harmonieuse ou des revendications sociales?

, Paris, décembre 2007

Beijing AIZHIXING Institute of Health Education

AIZHI est une association dont l’histoire illustre les limites de l’autonomie de la société civile chinoise et ses difficultés à exister.

Mots clefs : Responsabilité sociale et exercice de la citoyenneté | Emergence d'une société civile mondiale | Lutte citoyenne pour la justice sociale | Principe de solidarité active | Liberté de réunion et d'association | Société Civile Locale | Asie | Chine

Beijing AIZHIXING Institute of Health Education

AIZHI est une association dont l’histoire illustre les limites de l’autonomie de la société civile chinoise et ses difficultés à exister.

Pour le gouvernement chinois, la société civile est un acteur sensé soutenir et aider à l’application des politiques et directives gouvernementales. C’est une conception très différente de celle des acteurs occidentaux, mais également très différente de ce pourquoi luttent les activistes chinois. L’organisation Beijing AIZHIXING Institute of Health Education a été créée en 1994 par un activiste pékinois, Wan Yanhai. L’histoire de cette association illustre parfaitement la difficile émergence de la société civile en Chine et les craintes que nourrit le gouvernement à son égard.

Lorsqu’il fut créé, le Beijing AIZHIXING Institute of Health avait pour nom Beijing AIZHI Action Project et pour objectif premier la défense des droits des homosexuels et la lutte contre l’épidémie de VIH. Sans enregistrement légal, AIZHI était un projet regroupant des universitaires et des activistes sous la tutelle du département de santé du Modern Management Institute de Pékin. Son premier financement international émana de la Fondation de lutte contre le sida Elizabeth Taylor. En 1998, le scandale de l’infection à VIH des paysans des provinces centrales (Henan principalement) éclata. Ces paysans avaient vendu leur sang et/ou leur plasma à des centres de collecte illégaux dont certains avaient été mis en place par des personnalités politiques locales. Suite à ce trafic, plusieurs dizaines de milliers de personnes furent contaminés par le VIH, avec dans certains villages une prévalence supérieure à 80% de la population. Face à cette catastrophe sanitaire, AIZHI décida de soutenir ces populations et étendit les bénéficiaires de ses actions de plaidoyer aux paysans des provinces centrales. Alors que les pressions répétées du gouvernement chinois avaient déjà décidé Wan Yanhai à s’exiler aux Etats-Unis en 1997, ce dernier revint en Chine en 1998 et initia, au travers de AIZHI, toute une série d’actions de soutien aux paysans contaminés. Pour contrecarrer l’inertie du gouvernement et la fermeture du Henan aux journalistes chinois et étrangers, AIZHI mena plusieurs enquêtes sur les processus de collecte de sang et leurs funestes résultats. Les membres de l’association organisèrent les villageois et les aidèrent à relayer leurs doléances auprès des Ministères des Finances et de la Santé pour obtenir des aides financières et un véritable accès au soins. Ils organisèrent des conférences de presse et des expositions de photographies, donnant un visage et une voix aux malades du sida. Un forum internet monté par leurs soins alla même jusqu’à publier un ensemble de recommandations politiques à destination du gouvernement. La corruption de cadres du parti ayant mené au scandale de la vente de sang fut dénoncée publiquement en Chine comme à l’étranger, lorsque Wan Yanhai profita d’une conférence régionale sur le sida à Kuala Lumpur pour attaquer publiquement le vice-ministre de la santé chinois, en 2000.

Ce type d’activité politique est extrêmement rare en Chine et lorsque AIZHI publia sur son site internet les noms de 170 personnes mortes du sida dans deux villages de la province du Henan, plusieurs membres de l’association furent placés sous surveillance policière. Les informations sur le sida étant sous contrôle du Ministère de la Santé et protégées par une loi prévoyant une sentence pénale pour la divulgation de données épidémiologiques, Wan Yanhai fut accusé d’avoir dévoilé des secrets d’état et interrogé par le Bureau de la Sécurité Publique. En juillet 2007, un rapport des Nations-Unis sur la situation du sida en Chine se basa sur les données publiées par AIZHI pour condamner l’inertie du gouvernement chinois et évoqua le chiffre de 10 millions de personnes vivant avec le VIH/sida en 2010 si rien n’était fait. Quatre jours après la sortie de ce rapport, AIZHI était interdite, sous le prétexte de n’être pas enregistrée et de ne pas détenir les 10 000 CNY (environ 1000 €) de capital nécessaire à son enregistrement. Le 24 août, Wan Yanhai fut arrêté et mis au secret, accusé d’avoir divulgué sur son site des documents internes du gouvernement du Henan révélant l’implication des autorités dans la vente de sang. Il fut relâché le 20 septembre 2002 suite à une très forte pression internationale, et notamment du Fond Mondial contre la tuberculose, le sida et le paludisme qui menaça de ne pas verser de fonds à la Chine si Wan Yanhai n’était pas libéré. Un mois plus après sa libération, Wan Yanhai enregistra son association auprès du Ministère du Commerce et de l’Industrie, sous le statut d’entreprise privée à but commercial, la renommant Beijing AIZHIXING Institute of Health Education. L’enregistrement d’AIZHI sous un statut commercial leur prit deux jours. Le gouvernement changea alors d’attitude vis à vis de AIZHI. Wan Yanhai fut ainsi invité, lors de la journée mondiale du sida le 1er décembre 2002, dans le grand hall de l’assemblée populaire, sur la place Tiananmen. A cette occasion, le gouvernement annonça l’envoi d’un million d’étudiant dans les campagnes chinoises pour diffuser des informations sur le VIH, ainsi que la levée de l’interdiction de publicités sur le préservatif.

Même si il se dit apolitique, Wan Yanhai est souvent qualifié de dissident en raison de ses multiples activités de dénonciation des malversations du gouvernement chinois. On peut alors se demander ce qui a mené les autorités a changer d’attitude à l’égard de AIZHI qui est désormais présente dans de nombreuses instances, comme par exemple en 2006 au Mécanisme de Coordination Pays du Fond Mondial, pour son 6eme volet de subvention à l’état chinois dans sa lutte contre le VIH. L’interdépendance croissante de la Chine avec les instances internationales et les pays occidentaux ainsi que l’inévitable ouverture de son territoire aux regards extérieurs ne peut pas seule expliquer la soudaine tolérance du pouvoir chinois à l’égard de AIZHI. Selon Albert Chen, de l’organisation Human Rights in China, cette tolérance est probablement liée à une convergence d’intérêt nouvelle entre l’association et le gouvernement dans leur objectif de lutte contre le VIH. Ainsi, Pékin ayant pris conscience des dangers économiques et sociaux d’une épidémie galopante aurait trouvé nécessaire de « s ’allier » dans sa lutte à des associations ses déjà expérimentées. Effectivement, on peut remarquer que plusieurs associations gravitent désormais dans les hautes sphères et participent au processus de décision. Ainsi en va-t-il du Mangrove, groupe de soutien pour les personnes vivant avec le VIH et représenté par des personnes séropositives. Cependant, Wan Yanhai reste dubitatif quant à cette participation des associations à la vie politique chinoise : cette allégeance au gouvernement ne mène-t-elle pas, finalement, à une certaine complaisance des associations envers le régime, complaisance née de la crainte d’être interdite en cas de critique du système, de ses produits ou de ses déviances?

Site web

www.aizhi.net